Interview de Clément Chapaton, APF
Comment avez-vous vécu l’annonce des mesures de confinement ?
Ce fut une situation aussi brusque qu’inattendue qui nous a obligés à prendre des décisions stratégiques alors que nous ne disposions d’aucune information précise quant à la situation réelle, à l’exception du fait que tous nos clients fermaient les uns après les autres. J’ai immédiatement contacté les équipes APF afin de trouver des solutions qui me permettent à la fois, en tant que chef d’entreprise, de garantir la sécurité sanitaire des salariés et la sécurité financière de l’entreprise – APF c’est en effet 180 employés en CDI – et d’agir en citoyen responsable… J’ai alors pris la décision, le 19 mars, de fermer l’entreprise pour 15 jours, le temps nécessaire afin de réfléchir aux solutions possibles et de mettre en place une stratégie ainsi que des mesures qui nous permettraient, après le délai que je m’étais donné, de reprendre une activité même partielle. Nous avons décidé 2 actions principales :
- la mise en place du télétravail des collaborateurs pour qui c’était possible, en étant conscient que tout le monde n’est pas éligible à ce type de travail ;
- pour les autres, aussi bien dans les bureaux que dans les ateliers, une reprise du travail in situ dès que les conditions parfaites de sécurité seraient réunies.
Nous avons alors œuvré afin de mettre en place des mesures sanitaires rigoureuses intégrant notamment l’analyse et l’explication des gestes barrières indispensables à respecter dans une telle situation, et nous les avons affichés dans toute l’entreprise. Nous avons également mis à la disposition de l’ensemble des salariés masques, gants et gels hydroalcooliques. Enfin, nous avons contacté les entreprises en charge de l’entretien de nos différents locaux afin de renforcer leurs prestations.
Durant la première semaine de fermeture, il ne s’est rien passé sur le marché mais dès la 2e semaine, certains de nos clients ont commencé à nous contacter pour nous signaler qu’ils redémarraient une partie de leurs activités :
- en magasin, avec la mise en place d’un drive ou d’un « click and collect » ;
- sur les chantiers, avec l’accord de leurs clients et dans le respect des gestes barrières. Ce fut le cas en particulier des entreprises familiales où père et fils travaillent ensemble. Cette étape a marqué le début de la reprise des chantiers piscines même si celle-ci fut handicapée par le fait de disposer d’équipes plus réduites et par la fermeture des magasins de matériaux et des centrales à béton.
Cela vous a incités à reprendre vos activités ?
Oui, mais dans le respect du délai de 2 semaines que nous nous étions fixé afin d’être sûrs que l’ensemble des mesures que nous avions prises seraient totalement applicables. C’est ainsi que le 6 avril, nous avons rouvert l’intégralité de nos sites de production, et nos salariés, rassurés par les procédures que nous avons établies et expliquées, ont repris le travail en toute sérénité. Depuis, nous montons progressivement en puissance et nous pensons que dès le 20 avril (ndlr : interview réalisée le 13 avril), nous aurons retrouvé toute notre capacité de production à l’exception, cependant, de la charge de travail effectuée habituellement par les intérimaires qui viennent renforcer nos équipes. Je dois souligner que l’engagement de nos équipes est total et, par exemple, lorsque nous avons demandé des volontaires pour travailler le lundi de Pâques, nous avons pu constituer des équipes sans problème. L’esprit d’équipe a joué à fond et c’est pour nous une grande satisfaction. Nous serons donc dès le 20 avril à 100 % de nos capacités de production, avec nos propres équipes, soit 75 % de nos capacités lorsque des intérimaires nous rejoignent. L’ADV ainsi que nos bureaux d’études seront également pleinement opérationnels afin de recevoir les appels de nos clients et de réorganiser au mieux les plannings qui nous permettront de respecter les nouvelles priorités. Quant à nos commerciaux de terrain, confinement oblige, ils n’assurent pour le moment que les astreintes téléphoniques.
Les conséquences de cette crise ?
Cette crise a souligné le fait que, si nous voulons reprendre dès que possible une activité la plus normale possible, la solidarité de l’ensemble de la filière est indispensable. Cela signifie que chacun doit se montrer compréhensif face aux difficultés engendrées par cette situation exceptionnelle et je dois reconnaître que nos clients le sont. Nous avons la chance d’avoir un gouvernement qui a mis en place des mesures financières d’aides aux entreprises uniques au monde, afin de soutenir l’économie et que cela doit permettre à l’ensemble des acteurs du marché de payer leurs fournisseurs en temps et en heure… Il y va de la solidité financière de tous. Pour 2020, nous déployons toute notre énergie afin d’accompagner au mieux nos clients pour qu’ils retrouvent rapidement une activité salutaire pour leurs entreprises. La solidarité d’une filière s’exprime aussi par des gestes inhabituels mais importants. APF a dans ses équipes des couturières professionnelles. Forts de ce savoir-faire, nous avons commencé la fabrication de masques en tissu, « made in Ardèche », que nous souhaitons offrir à nos clients, pour les aider à travailler dans les meilleures conditions possibles.
Il faut cependant être conscients que la période après Covid-19 sera difficile car l’ensemble de l’économie de notre pays sera impacté. Pour notre part, nous déplorons déjà un retard de 10 % de notre chiffre d’affaires. Cependant, je suis convaincu que cette période dramatique va conforter les Français dans leur prise de conscience de l’importance du bien-être chez soi, et renforcera encore l’esprit cocooning déjà bien présent chez eux.
Concrètement, pour les professionnels ?
La saison piscine, habituellement courte, devra cette année s’étendre sur au moins 8 mois avec un pic d’activité, si tout va bien, durant le mois d’août. Heureusement un des points forts de notre filière est l’adaptabilité car elle est habituée à jongler depuis toujours avec, par exemple, les caprices de la météo… Flexibilité et adaptabilité, auxquels nous sommes habitués, seront certainement pour nous des atouts pour gérer au mieux cette crise et en sortir, le moment venu, dans les meilleures conditions possibles.
D’autres choses ?
Il faut être réalistes et pragmatiques. Beaucoup d’entreprises vont être fragilisées par la crise avec l’obligation, sur une période plus ou moins longue, de gérer leur trésorerie avec beaucoup de rigueur. C’est pourquoi je me pose sérieusement la question de la nécessité de maintenir en 2020 notre salon professionnel, bien que j’y sois très attaché, et cela pour différentes raisons : il s’agit pour les entreprises d’un investissement important que, compte tenu de la situation, beaucoup ne seront pas capables de l’assurer sereinement. Il ne faudra pas compter en 2020 sur un visitorat étranger significatif. Enfin, il est raisonnable de penser que beaucoup de constructeurs, au mois de novembre, préféreront être sur leurs chantiers, afin de rattraper le retard, plutôt que de visiter un salon, si important soit-il.