Depuis 2009, date de création de son entreprise, Lane Hoy s’efforce de rendre les piscines autonomes et communicantes. Entre évolution du marché et stratégie d’innovation et de distribution, où en est l’entreprise aujourd’hui ? Qui achète ses produits et pourquoi ? Et comment entrevoit-elle l’avenir de l’automatisation ? Entretien avec Lane Hoy, PDG de PCFR.
Comment l’aventure PCFR a-t-elle démarré ?
Mon premier métier a été pilote dans le militaire d’abord et le civil ensuite, sur hélicoptère et avion. Je me suis ensuite installé dans le Luberon en 2003. C’est là que m’est venue l’idée du PoolCop à partir d’un besoin personnel pour lequel je n’ai trouvé la solution ni en France ni à l’étranger. En effet, je me suis rendu compte que les revendeurs, distributeurs et fabricants savaient vendre des produits mais ne répondaient pas aux besoins spécifiques et finalement très simples des clients, qui n’achètent pas qu’un trou dans leur jardin ou un contrat d’entretien mais qui désirent une piscine pour se baigner, une piscine qui soit toujours baignable pour leur famille, leurs amis, leurs locataires…
Les clients ne sont pas intéressés par la partie technique. Ils payent et veulent un résultat. Il existait donc un écart que j’ai voulu combler entre les attentes des clients et la capacité des acteurs du secteur à livrer ce résultat.
En quoi l’automatisation permet-elle de répondre aux attentes des clients ?
L’automatisation du fonctionnement de la piscine et la connexion de ses équipements viennent donc combler cet écart et la rendre la plus autonome possible. L’automatisation permet un fonctionnement optimal de la piscine sans intervention humaine, et la communication informe en temps réel le particulier et le professionnel de la situation de la piscine. C’est grâce aux datas que cette automatisation connectée rend la piscine autonome, une piscine dont on ne voit plus le fonctionnement mais uniquement le résultat. C’est un changement d’approche très important.
L’autre avantage de compléter l’humain par de la technologie est la réduction des risques : plus d’oubli de vider le panier du skimmer ou d’arrêter l’eau au moment d’un remplissage, plus d’obligation de se rendre dans le local technique pour déclencher le nettoyage du filtre ou de surveiller le niveau d’eau pour le bon fonctionnement du débordement, d’ajuster le dosage du désinfectant ou de contrôler l’équilibre de l’eau…
Aujourd’hui, le marché de la piscine est trop basé sur l’humain et pas assez sur la technologie. Il faut trouver le bon équilibre entre les deux et proposer aux clients les outils technologiques nécessaires pour l’amélioration des performances de leur piscine et leur offrir la possibilité d’agir depuis chez eux comme s’ils étaient dans leur local technique.
Quant aux pisciniers, ils doivent savoir qu’il existe des outils qui leur donnent les moyens d’être informés de l’état des piscines de leurs clients en temps réel et d’intervenir à distance. Car s’ils ne sont pas au courant, ils sont obligés de se déplacer et vont donc perdre du temps sur la route et gaspiller de l’argent. Cette évolution essentielle du marché ne pourra avoir lieu que si chacun joue son rôle dans la chaîne de valeur. Il est de notre responsabilité, en tant que fabricants, de proposer aux professionnels les solutions pour satisfaire les besoins de leurs clients, leur apporter du confort et de la simplicité.
Quelle est votre vision de l’automatisation des piscines ?
Pour moi, la notion de « process control » est essentielle. Cela consiste à automatiser chaque tâche, l’une après l’autre et dans un ordre précis, pour gérer la piscine en fonction du besoin : extraction des impuretés du bassin (robot et balai, nettoyage par le fond, aspiration par les skimmers, la bonde de fond ou le débordement…) ; filtration de l’eau pour éliminer ces impuretés et les retirer du circuit (sinon elles restent dans l’eau ou dans les filtres) ; gestion de la consommation d’eau (sonde de niveau pour le remplissage et la réduction, la détection de fuites éventuelles tout en tenant compte de la météo et de la pluie) ; gestion du traitement de l’eau ; et, enfin, on s’occupe des équipements de confort. Le tout avec un minimum d’entretien et d’étalonnage des sondes. Là encore, les datas sont essentielles pour la calibration et la fiabilité des sondes et des capteurs afin d’obtenir une régulation efficace.
Elle vient garantir la santé des baigneurs tout en respectant la réglementation afin d’avoir moins de litiges. C’est très important, surtout en ce qui concerne les piscines commerciales. Et tout cela est rendu possible grâce aux remontées d’informations qui font la preuve, en temps réel, du bon fonctionnement de la piscine. L’historique rend aussi possible la détection des tendances, l’identification rapide des dysfonctionnements, des fuites ou des canalisations bouchées, la vérification du bon fonctionnement d’un appareil qui vient d’être installé sans être obligé de repasser physiquement. C’est un outil de diagnostic et de préconisation. De plus, ce monitoring en temps réel prend toute son importance dans une période comme celle que nous vivons actuellement avec le coronavirus.
Le concept dans notre technologie est l’amélioration continue de la piscine et de la qualité de l’eau. Pour le client final et les baigneurs, cela se traduit par une belle piscine aujourd’hui, encore plus belle demain et parfaite le surlendemain.
Quelles sont les spécificités de PCFR sur ce marché ?
Nous ne vendons pas un produit mais une solution qui permet aux pisciniers tout à la fois d’assurer l’autonomie des piscines de leurs clients et de les gérer plus efficacement et plus rentablement. Notre solution s’adresse aux entrepreneurs qui veulent développer leur parc et qui doivent, pour y parvenir, avoir des yeux dans chaque local technique. Le concept PoolCop autonomise la piscine et la rend communicante pour faciliter ce travail des pros. Avec lui, c’est la piscine qui vient vers le piscinier et pas le piscinier qui va vers la piscine. Nous le libérons du local technique.
C’est aussi un outil de travail et d’amélioration du business, une transition du produit vers le service avec une stratégie basée sur le parc qui donne de la proactivité aux professionnels avec une gestion des piscines de leurs clients aussi bien à distance que dans leur local technique. Grâce à elle, ils peuvent proposer des services ponctuels ou réguliers pour une gestion profitable de leur parc. Avec la partie carte avec feedback, par exemple, ils peuvent voir les piscines de leurs clients en temps réel avant d’y envoyer leurs employés.
L’outil facilite la gestion d’une équipe de techniciens et l’organisation de leurs tournées. Et comme ils reçoivent des informations avant leurs interventions, ils peuvent savoir quoi mettre dans leur véhicule avant de partir.
Qui sont vos clients ?
Eu Europe, nos clients sont les pisciniers qui ont intégré la notion de service et de revenus récurrents, qui ont compris qu’il était plus facile d’augmenter le revenu par client en lui fournissant des services.
Un piscinier qui a moins de 10 % de son parc équipé ne peut pas bénéficier correctement de la solution.
C’est un outil de travail qui nécessite une phase d’apprentissage et vendre un appareil de temps en temps ne suffit pas. L’automatisation connectée ne peut pas fonctionner sur un mode exclusivement de vente de matériel. Le service doit aussi être intégré dedans. Il faut vendre une fiabilité de baignade et installer les équipements qu’il faut pour cela. Cela requiert de découvrir le besoin du client avant de lui présenter le matériel.
En Amérique du Nord, l’approche est différente. Nous travaillons désormais avec American Pool, la plus grande société d’entretien aux USA, qui gère 15 000 piscines. Ils ne veulent pas un produit mais une technologie qui leur permette d’augmenter la fidélisation de leurs clients, de trouver un moteur de croissance, d’améliorer leur résultat opérationnel et de mieux gérer les risques de litige. Ils vendent un service au client et pas le produit. Leur objectif est d’installer un PoolCop Evolution dans chacune des piscines qu’ils ont sous contrat.
Actuellement, nous avons une forte demande des clients (ndlr : les professionnels) pour la location du matériel. Avec cette nouvelle approche, il n’y a plus de notion de garantie, nous générons du revenu sur la location au piscinier, et le piscinier en génère sur le service au client final, un client qui paye un droit pour l’usage et non pas pour l’entretien de sa piscine.
L’innovation est-elle encore possible sur ce marché ?
Dans les piscines il y a très peu d’optimisation dans les produits et donc peu de produits liés entre eux. Ce que nous proposons, c’est de lier ces produits pour générer de la data que nous analysons pour avoir une gestion dynamique de la piscine basée sur son usage, sur la météo…, pour pousser l’optimisation encore plus loin. Plus nous avons de données, plus l’automatisation est fiable, plus le piscinier pourra proposer facilement le service et plus grand sera le confort du client.
Nous allons proposer des capteurs de datas supplémentaires comme la caméra afin d’identifier le nombre de baigneurs et d’adapter le traitement ou de surveiller la propreté du bassin et d’optimiser le fonctionnement du robot. Nous allons également lancer un capteur d’énergie qui va détecter la mise en marche des appareils et indiquer au client la consommation en énergie de sa piscine. Cette information est importante pour le piscinier, qui peut alors être force de proposition auprès du client sur la meilleure façon de faire fonctionner sa pompe, par exemple. Cela aide à déterminer l’empreinte écologique des piscines, ce qui est très demandé en Belgique et aux Pays-Bas.
Qui sont vos concurrents ?
Nous avons de grands concurrents, mais c’est une concurrence technique sur le produit plutôt que sur la solution. Présentement, le problème est qu’il n’existe pas de langage ou de référentiel commun. Chacun part de son produit pour donner de l’autonomie à la piscine, mais ce qui est vraiment important, c’est la vanne. N’oublions pas que 80 % du traitement est réalisé par la filtration.
PoolCop intègre énormément de fonctionnalités dès l’origine, des fonctionnalités nécessaires pour rendre la piscine autonome comme la gestion du niveau d’eau.
Et pour répondre aux besoins des professionnels qui ne voient pas la valeur de la vanne, nous allons lancer le PoolCop Genesis, un produit basé sur les mêmes technologies, avec une vanne en option. Ce produit d’entrée de gamme vient compléter notre offre et se destine à certains marchés de petits ou très grands bassins pour lesquels la vanne n’est pas forcément adaptée. Aux USA, nos clients ont besoin des deux solutions, selon qu’il s’agit d’une construction ou d’une rénovation.
L’évolution du marché, ses perspectives…
La Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche sont des pays où ces services sont très demandés. Le « price point » (ndlr : niveau de prix) y est plus élevé, alors que, dans les pays du sud de l’Europe, c’est plus compliqué car ce sont des marchés plus sensibles au prix.
En Europe, la croissance du marché de l’automatisation est drivée par le client final et moins par le piscinier. Le besoin est là et la demande existe déjà. Il veut le plaisir de la baignade dans sa piscine sans les contraintes. Il faut que tous, dans la chaîne de valeur, comprenions bien que l’automatisation connectée a comme avantage d’être génératrice de revenus et de satisfaction client. C’est à nous, fabricants, distributeurs et pisciniers, de changer et d’apprendre comment utiliser ces outils.
Aux USA, les professionnels américains voient la technologie comme utile : meilleur fonctionnement, plus de sécurité, moins de risques de litige.
En Europe, c’est le contraire, elle est considérée comme un risque, alors que les consommateurs européens sont prêts pour des piscines toujours disponibles pour la baignade.
Il faut voir l’automatisation comme une autre façon de livrer la piscine. C’est la plus grande opportunité commerciale et de business qui s’offre à nous depuis la démocratisation de la piscine. La pompe à chaleur a été une étape très importante, mais l’automatisation va plus loin avec un vrai résultat sur la piscine et sa disponibilité. C’est un « game changer ».
À nous de nous en saisir !
Propos recueillis par Sébastien Carensac