La pandémie de la covid-19 a décalé le démarrage des chantiers et allongé les délais de livraison des piscines. Le confinement a donné aux français de fortes envies de piscines et les températures estivales ont renforcé l’urgence d’en posséder une chez soi. Résultat, pour beaucoup de pisciniers, des carnets de commande remplis jusqu’à l’été 2021. Face à ce surcroit d’activité et confrontés aux mêmes éternelles difficultés de recrutement, vous pourriez n’avoir d’autres choix que de vous tourner vers la co-traitance ou la sous-traitance. Afin de vous aider à éviter les pièges de ces deux types de contrats, la rédaction de l’Activité Piscine vous propose de redécouvrir ces formules, leurs avantages, leurs risques et les façons de s’en prémunir.
Si ces deux formules reposent sur l’idée d’une mutualisation des moyens et des compétences des entreprises pour mener à bien un chantier de construction ou de rénovation de piscine, la confiance ne suffit pas pour régir ces relations de travail. Dans chaque cas, il est important de préciser le cadre de la mission par un contrat.
Surcroît de travail temporaire, défaut de spécialisation… les bonnes raisons de s’adjoindre les services d’un sous-traitant ne manquent pas dans l’univers de la piscine. En revanche, si le contrat qui lie donneur d’ordre et sous-traitant n’est pas établi suivant quelques règles strictes, ce sont les mauvaises surprises qui seront au rendez-vous ! “Le contrat de sous-traitance doit donc être rédigé avec grand soin afin notamment de permettre au donneur d’ordre de procéder à des contrôles de documents administratifs de son sous-traitant et de s’assurer que ce dernier remplit ses obligations administratives, fiscales, sociales”, préviennent d’emblée Maître Erika Haubourdin, avocat au barreau de Metz, dont le domaine de compétences est le droit fiscal et le droit des affaires et Maître Stéphane Vuillaume, avocat au barreau de Metz spécialisé dans le droit social.
Définitions
Sous-traitance : Opération par laquelle un entrepreneur (donneur d’ordre) confie, sous sa responsabilité et sous son contrôle, à une autre personne (sous-traitant) tout ou partie de l’exécution des tâches qui sont à sa charge. Le sous-traitant n’a pas de relation contractuelle avec le client.
Co-traitance : On parle de co-traitance lorsque plusieurs entreprises choisissent de répondre en groupement à un marché pour mutualiser leurs moyens professionnels, techniques et financiers. Tous les membres du groupement sont en relation contractuelle avec l’acheteur et sont alors responsables vis-à-vis de lui.
Quelle formule retenir : co-traitance ou sous-traitance ?
Avant de prendre le crayon pour rédiger un contrat, une première question s’impose. Agit-on en co-traitance ou en sous-traitance ? Le premier cas concerne plusieurs entreprises qui s’allient de façon temporaire pour réaliser une prestation, sans que ce groupement n’ait une personnalité juridique.
Ainsi, un GIE par exemple ne relève pas d’un contrat de co-traitance. “Un entrepreneur peut avoir intérêt à opter pour la co-traitance lorsqu’il souhaite confier à des entreprises disposant d’un savoir-faire spécifique la réalisation de certaines parties d’un chantier”, suggère Me Haubourdin. Quant à la sous-traitance, elle se définit comme une opération par laquelle un donneur d’ordre confie à une autre entreprise, le “sous-traitant”, le soin d’exécuter pour elle tout ou partie d’une prestation qu’elle s’est vu confier par son client. Bien souvent, la sous-traitance est de mise en cas de surcroît de travail. D’autres entrepreneurs ont recours à la sous-traitance simplement parce qu’ils préfèrent concentrer leurs efforts sur la commercialisation et laisser intervenir d’autres entreprises pour la fabrication du ou des produits ou prestations qu’ils proposent. Dans les deux cas, il est impératif de rédiger un contrat pour prévenir tout risque de litige, ou le cas échéant régler les contentieux au mieux et au plus vite.
« Un contrat de co-traitance peut être requalifié en contrat de sous-traitance »
La co-traitance : une mutualisation des compétences
Travailler sous forme de co-traitance signifie donc qu’il faut rédiger un ou des contrats “classiques” de vente ou de prestations de services. Ainsi, ce ou ces contrats définissent le cadre de l’intervention de chacune des entreprises les unes vis-à-vis des autres, mais également avec leur client. Ils doivent décrire avec précision les tâches que chacun des intervenants prendra en charge et les moyens qu’il mettra en œuvre pour y parvenir. Lorsqu’il n’existe qu’un contrat-cadre, il devra être impérativement paraphé par chacune des entreprises parties prenantes aux travaux, mais aussi par le client. “Si chacune des entreprises intervenant sur le chantier ne signe pas le contrat de co-traitance avec le client, un contrat de co-traitance pourra être requalifié en contrat de sous-traitance”, prévient l’avocate. En revanche, lorsque les lots font l’objet de marchés séparés, chaque attributaire a la qualité d’entrepreneur principal à l’égard du client. De fait, une des principales difficultés inhérentes à la co-traitance est de parvenir à expliquer à son client, comment va s’organiser sa prestation et quelles vont être les entreprises qui vont se succéder pour les prendre en charge. Reste ensuite à choisir entre les différentes formes possibles de contrat de co-traitance soit en l’occurrence :
• la co-traitance conjointe, où chacun des intervenants est responsable de sa partie des travaux ;
• la co-traitance solidaire, où chacune des parties prenantes est responsable du chantier dans sa globalité ;
• et enfin, la co-traitance conjointe avec mandataire solidaire qui est une solution intermédiaire aux deux précédentes formules, puisque seule l’entreprise mandataire est responsable de l’intégralité du chantier.
Dans les deux derniers cas, si le client y trouve un intérêt certain, en revanche, les entreprises courent un risque de voir leur responsabilité mise en jeu pour un lot confié à une autre entreprise.
Faire le choix de la co-traitance dans le cadre d’une offre globale
Lors d’une table ronde organisée par L’Activité Piscine en septembre 2015, de nombreux professionnels se sont réunis autour du sujet de l’offre globale en piscine. Au cours de cette journée, des intervenants ont mis en avant la nécessité d’externaliser, dans certaines circonstances, une partie des opérations.
Pour mener à bien une offre globale, il convient en effet d’être présent sur tous les métiers et toutes les facettes de notre profession. Cela implique une certaine taille de société qui peut s’avérer difficile à maintenir. Il faut donc parfois accepter d’externaliser une partie des opérations. « La co-traitance fonctionne très bien, reconnaît Serge Renard. L’externalisation permet d’introduire une certaine souplesse dans l’organisation de la société. Elle permet également de répartir l’enveloppe budgétaire globale sur plusieurs corps de métier. » Dans bien des cas, le piscinier demeure le seul interlocuteur commercial du client mais les autres professionnels sont intégrés très tôt au projet et identifiés comme tels.
« Attention, on ne laisse pas le client seul avec les autres artisans. Même si l’on ne réalise pas de marge sur leur intervention, on reste présent à leurs côtés pour superviser les opérations. » En effet, la qualité de la réalisation globale est tributaire de ces professionnels. L’image du piscinier est en jeu. « Ces prestations que nous ne facturons pas participent à notre réputation qui nous permet de drainer de nouveaux clients. » Dans les faits, le piscinier endosse le rôle de conducteur de travaux dès lors qu’il recourt à de la sous-traitance ou de la co-traitance. C’est un point de passage inévitable pour maîtriser la qualité de la réalisation finale. Pour beaucoup, le salut passe par la confiance qui s’instaure progressivement avec des prestataires locaux. Tisser un réseau de partenaires est long, mais semble crucial.
« Les liens que l’on peut entretenir avec les artisans locaux sont basés sur des relations durables et de confiance, confirme Serge Renard. Il existe alors un véritable engagement réciproque entre les professionnels. »
La sous-traitance : en cas de surcroit de travail
Concernant la sous-traitance, un contrat est nécessaire entre le client et l’entrepreneur auquel celui-ci achète le produit ou la prestation à réaliser. “Il convient à titre préalable pour l’entrepreneur de s’assurer que le contrat qui le lie à son client ne lui interdit pas de recourir à la sous-traitance”, note l’avocate. Dans ce cadre, le client n’aura que ce document à signer. En effet, il revient ensuite à l’entrepreneur qui a conclu le contrat avec le client d’établir un contrat de sous-traitance avec une seule entreprise ou avec chacune des entreprises à qui il sous-traite la réalisation d’une partie d’un chantier. Reste toutefois un point crucial à prendre en compte. Si le client n’a qu’un seul contrat à signer, il peut être amené à rédiger un courrier (ou remplir un formulaire que nombre de donneurs d’ordres indexent au contrat principal) stipulant qu’il accepte d’agréer le ou les sous-traitants en tant que tels. Cette précaution permettra au sous- traitant, le cas échéant, de faire valoir ses droits si son donneur d’ordre ne lui règle pas ses factures. Grâce à ce document, le sous-traitant pourra obtenir le paiement direct de sa facture auprès du client, lorsque le donneur d’ordre ne le paye pas.
« En matière de sous-traitance, la confiance ne suffit pas »
Les clauses à prévoir dans les contrats
À titre de précaution, il est préconisé de faire porter un certain nombre de clauses dans les contrats de sous-traitance. Parmi les clauses à prévoir et sans exhaustivité, voici les principales.
1. La première doit définir avec précision le travail demandé au sous-traitant. “Le mieux est de prévoir un cahier des charges avec à l’appui, suivant la nature des travaux, les plans de l’ouvrage à construire et les conditions d’exécution ainsi que toutes les conditions nécessaires pour que les règles de l’art puissent être respectées. De même, il est conseillé de définir et d’organiser les modalités de contrôle dont dispose le donneur d’ordre à l’encontre de son sous- traitant. Il ne faut ainsi pas hésiter à planifier les dates auxquelles auront lieu les rendez-vous entre ces deux parties et les modalités d’organisation de ces rencontres”, conseille Me Haubourdin.
2. De plus, il n’est pas non plus inutile de coucher noir sur blanc dans le contrat de sous-traitance une clause spécifiant que le sous-traitant s’engage à avoir le stock de produits ou matériaux nécessaires à la prestation du service ou à la construction de l’ouvrage. Il est également préférable de préciser qui, du donneur d’ordre ou du sous-traitant, se charge de fournir les matières premières.
3. Si la prestation réalisée demande une expertise spécifique, il est impératif de préciser que l’entreprise sous-traitante est bien détentrice du savoir-faire en lien avec cette expertise ou le cas échéant titulaire des brevets ou licences afférents afin que le donneur d’ordre puisse être garanti d’une éventuelle action en contrefaçon menée par un tiers propriétaire du brevet ou de la licence.
4. Il peut également être opportun de rappeler au sous-traitant qu’il a un devoir de “conseil” auprès de son donneur d’ordre et donc à cet effet, qu’il devra l’alerter sur les éventuels problèmes, malfaçons, difficultés ou événements qui ne sont pas de son fait, mais qui l’empêchent de réaliser son travail dans le respect des règles de l’art.
5. Enfin, le contrat de sous-traitance devra prévoir les délais de livraison et le niveau de qualité attendu.
6. Au surplus, il est conseillé d’ajouter une clause pénale prévoyant les sanctions applicables à partir de tant de jours de retard dans la livraison du produit ou l’exécution de la prestation de services. Une précaution indispensable puisque le donneur est responsable des délais de livraison, mais aussi de la qualité de l’ouvrage à l’égard de son client.
Autant d’éléments qui doivent être décrits de la façon la plus précise possible. “Plus le contrat sera précis et les clauses nombreuses, plus il sera facile pour un tribunal, à l’appui des expertises, de définir les responsabilités de chacune des parties en cas de litige”, insiste Me Haubourdin.
Les conséquences à connaître
Si le cadre d’exercice de la sous-traitance nécessite d’être particulièrement bien défini, c’est parce que cette pratique peut être lourde de conséquences pour chacune des parties, tout spécialement pour le donneur d’ordres responsable à l’égard de son client mais également dans certaines situations à l’égard des autorités.
En matière de responsabilité, il convient également de connaître les risques au regard des matières sociales et fiscales (solidarité financière dans des situations très spécifiques au regard de la TVA). Ainsi, en cas de défaillance du sous-traitant non-artisan dans le paiement des salaires et/ou des cotisations de certaines charges sociales de son personnel, le donneur d’ordre lui est substitué. Autrement dit, c’est à lui qu’il revient de payer les salariés et les charges sociales.
Mais c’est surtout en matière de travail dissimulé que les conséquences pour le donneur d’ordre sont les plus importantes. Si le sous-traitant a recours au travail dissimulé, le donneur d’ordre s’expose à une sanction pénale, mais aussi administrative pouvant aller jusqu’à l’annulation des exonérations ou réductions de charges sociales, le remboursement des aides publiques, voire l’exclusion des marchés publics. De plus, il s’expose à être tenu, solidairement avec son sous-traitant en cas de condamnation de celui-ci, au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires, rémunérations, indemnités et charges dus.
Cette solidarité financière peut également être retenue si le donneur d’ordre s’abstient de vérifier, lors de la conclusion d’un contrat portant sur des prestations d’au moins 3 000 euros, si son sous-traitant est bien à jour de ses déclarations et paiements de cotisations. Le donneur d’ordre doit donc procéder à des contrôles préalables en sollicitant les registres du personnel de son sous-traitant ainsi que les attestations Urssaf, etc. Cette obligation doit se renouveler tous les 6 mois jusqu’à exécution du contrat. Enfin, le donneur d’ordre doit également s’assurer que son sous-traitant respecte la législation sur l’emploi des étrangers ; il peut en effet être solidairement tenu aux sanctions pécuniaires et aux sommes dues aux salariés concernés en cas d’emploi d’étrangers sans titre.
Autant dire qu’en matière de sous-traitance, la confiance ne suffit pas. Le donneur d’ordres doit exiger de son sous-traitant que celui-ci lui fournisse, avant de débuter sa prestation et si besoin tous les six mois, une attestation spécifiant qu’il est en règle sur le plan fiscal (au regard de la TVA) et social.
La problématique de la TVA
Depuis janvier 2014, un nouveau mécanisme d’autoliquidation de la TVA est instauré dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, lorsque des travaux sont effectués par un sous-traitant pour le compte d’un donneur d’ordre assujetti à la TVA. Ainsi, la taxe due au titre des travaux de construction réalisés par un sous-traitant doit désormais être acquittée par le donneur d’ordre. Les sous-traitants n’ont plus à déclarer ni à payer la TVA due au titre de ces opérations (mécanisme de l’autoliquidation de la TVA dont le défaut est sanctionné par une amende de 5 %).
“Il est préconisé de vous rapprocher de votre expert-comptable aux fins de vous assurer du traitement fiscal de telles opérations et des mentions obligatoires à faire porter sur les factures” rappelle Me Haubourdin.