BIO-UV Group, spécialiste du traitement de l’eau par ultraviolets, ozone et AOP vient de procéder à l’acquisition de Corelec. Entre levées de fonds, acquisitions et innovation, quelle est la stratégie de ce groupe discret et comment compte-t-il se développer sur le marché de la piscine en particulier ?
Entretien avec Benoit GILLMANN, PDG de BIO-UV Group, Laurent-Emmanuel MIGEON, Directeur général délégué de BIO-UV Group et Loïc LE RAVALLEC, Directeur général de Corelec.
LAP : Un peu d’histoire…
La société BIO-UV Group a été créée en mai 2000 et a été la première en France à proposer aux pisciniers un traitement automatique de l’eau sans chlore, avec des UV-C et de l’oxygène actif. Benoit Gillmann est convaincu depuis plus de 20 ans que « la technique du traitement de l’eau par l’UV, est une réponse respectueuse de l’environnement et de la santé ». Une technologie qui lui permet tout à la fois de résoudre les problèmes d’eczéma de sa fille liés au chlore, de lancer un nouveau concept innovant sur le marché de la piscine et de prendre son autonomie après 15 ans passés dans des multinationales du domaine du matériel médical. « À l’époque, beaucoup d’acteurs du marché de la piscine en France faisaient peu de cas de notre avenir. Le travail de nos équipes sur des segments aussi variés que la piscine résidentielle, la piscine publique, et semi collective, la potabilisation de l’eau, le traitement des eaux usées ou encore des eaux de process industriel, la pisciculture, sans oublier le traitement des eaux de ballasts de bateaux avec la marque BIO-SEA, nous a donné de la crédibilité et a fait mentir certains acteurs du monde de la piscine. »
En effet, l’entreprise n’a cessé d’évoluer et de croître au cours des années. De 2010 à 2017, elle développe ses activités terrestres avec, outre la piscine privée, des gammes de produits pour la piscine municipale et des solutions pour l’industrie. Elle commence également une diversification dans le secteur maritime, toujours avec sa maîtrise de la technologie UV. Pour financer les investissements massifs, près de 11 millions d’euros sur 7 ans, la société utilise le cash généré par ses activités terrestres et fait entrer des fonds à son capital en 2010 puis en 2013. Son chiffre d’affaires atteint alors les 10 millions d’euros.
La société décide de s’introduire en Bourse en 2018 et lève 10 millions d’euros à cette occasion, suivie d’une seconde levée de fonds en octobre 2020 de 12,7 millions d’euros pour financer son développement. Ces fonds permettront de réaliser des opérations de croissance externe. « Nos 4 axes prioritaires sont l’aquaculture, l’industrie, le « reuse » (ndlr : réutilisation des eaux usées) et le marché récréatif de la piscine résidentielle ou commerciale, des aquarium publics, etc. » nous explique Laurent-Emmanuel Migeon.
En 2019, BIO-UV Group fait l’acquisition de triogen®, spécialiste dans la conception et la fabrication de systèmes de traitement de l’eau par l’ozone, les ultraviolets et AOP (Advanced Oxydation Process), société qu’elle rachète au groupe Suez. Ce rachat lui permet de renforcer ses équipes, notamment commerciales, à l’export, et d’intégrer une technologie complémentaire, l’ozone, également très utilisée en piscine publique ainsi que dans l’industrie, l’aquaculture ou dans les aquariums.
BIO-UV Group se développe très rapidement à l’international, qui représente maintenant près de 70% de son activité. C’est là qu’elle décide de racheter Corelec et que selon, Benoit Gillmann, elle fait « un clin d’œil à l’histoire ».
Pourquoi ce rapprochement avec Corelec ?
Benoit Gillmann : « Le rachat de Corelec concrétise notre volonté de renforcer notre position sur le marché des piscines privées et de développer nos parts sur ce segment, tant en France qu’à l’étranger. L’électrolyse de sel, cœur de métier historique de Corelec, est une solution alternative pertinente d’automatisation du traitement de l’eau, actuellement leader sur le marché après les galets de chlore. Un procédé ayant fait ses preuves et qui peut être associé à des technologies complémentaires comme l’ultraviolet. Pour preuve, le lancement en 2020 par BIO-UV Group de notre système O’Clear, qui associe le meilleur de l’UV et de l’électrolyse à très basse salinité, sans addition de chimie, pour un confort de baignade significativement amélioré par rapport à une électrolyse classique. L’acquisition d’une entreprise de renom comme Corelec, réputée pour la qualité de ses produits et son service, a donc d’autant plus de sens. Sans omettre que dès le début de nos discussions, les relations ont été franches, courtoises et constructives. C’est certainement pour cette raison que Loïc Le Ravallec nous a ouvert ses portes. Il a accepté notre proposition sans crainte d’hégémonie mais avec la conviction que nous allions construire avec lui et ses équipes un groupe performant et efficace. »
Un sentiment partagé par Laurent-Emmanuel Migeon : « Le rachat de Corelec s’inscrit dans notre volonté d’accompagner le développement du marché de la piscine privée avec un acteur qui propose des solutions techniques à moindre impact environnemental. D’où le choix de l’électrolyse de sel, qui nous permet de rester fidèles à nos engagements depuis plus de 21 ans. Nous cherchions également un partenaire industriel qui nous donnerait accès à de nouveaux clients, bénéficiant d’une image de marque et d’un positionnement premium proche du nôtre, et complémentaire pour apporter de la valeur ajoutée. Enfin, la valeur et la force de l’humain étaient essentielles pour avoir des discussions ouvertes et transparentes, partager une vision du futur et nous projeter ensemble dans l’avenir. »
Loïc Le Ravallec : « Corelec est une PME à taille humaine qui existe depuis 20 ans. Elle a grandi très vite ces dernières années mais il reste encore de nombreux défis à relever. L’adossement à BIO-UV Group nous apporte les ressources et la force nécessaires pour passer à l’étape suivante, pour le plus grand bénéfice de nos clients. »
Quelles synergies offrent ce rapprochement ?
Pour Laurent-Emmanuel Migeon, « BIO-UV Group apporte à Corelec un renforcement capitalistique mais aussi industriel, commercial et technique, avec le soutien des services support du groupe. Nous formons désormais un groupe de 150 personnes, avec des objectifs de croissance rapide et une équipe dirigeante qui maîtrise la complexité des marchés techniques et règlementés, soumis à des certifications contraignantes, notamment en matière d’environnement. Nous avons à la fois les équipes et la culture de l’innovation, avec une quinzaine de personnes en R&D et bureau d’études, pour améliorer nos systèmes et développer les produits de demain. Le coût de nos certifications, dépôts de brevets et de marques représente 2 millions d’euros chaque année. « Il faut une taille minimale pour franchir les barrières qui sont en train de se mettre en place » ajoute Loïc Le Ravallec. « Nous sommes sur un marché où beaucoup de fabricants, à l’origine, sont des artisans. Et pour évoluer, l’adaptation est nécessaire ! » Ce que confirme Laurent-Emmanuel Migeon : « Il est impératif de continuer à innover et de rester compétitif avec des produits de qualité à forte valeur ajoutée. L’efficacité industrielle sera au cœur de notre dispositif. La force de nos deux entreprises est d’avoir su gérer la crise récente dans un contexte économique très tendu, sans avoir subi de rupture l’an passé, tout en profitant de fortes croissances (+100 % pour Corelec et +30 % pour BIO-UV Group), et en maintenant notre qualité de service. Benoit Gillmann détaille les synergies escomptées qui permettront de :
« • développer la gamme O’Clear, combinant ultraviolet et électrolyse de sel à très basse salinité,
• accroître les ventes à l’export de Corelec tant sur l’électrolyse que sur la pompe à chaleur,
• renforcer la présence sur le terrain du groupe, notamment en France, grâce aux équipes commerciales des deux entités qui maillent le territoire,
• et explorer des marchés encore plus stratégiques. »
« L’arrivée de Corelec dans BIO-UV Group nous permet d’accélérer notre croissance avec un chiffre d’affaires consolidé de près de 45 millions d’euros. Elle va également rééquilibrer nos activités sur le marché français et dans le secteur récréatif, où Simon Marshall, Directeur général adjoint de BIO-UV Group, travaille déjà au développement de Corelec à l’international. » conclut Laurent-Emmanuel Migeon.
Quels sont vos axes de travail en matière d’innovation ?
Benoit Gillmann : « Notre préoccupation a toujours été de faire simple et efficace, pour l’utilisateur et l’installateur. » Et Loïc Le Ravallec de poursuivre : « Nous travaillons à des adaptations de produits et sur l’automatisation de nos solutions, qui attire les particuliers, avec une meilleure exploitation des données. Les coffrets électriques, par exemple, ont vocation à apporter davantage de valeur ajoutée et devraient s’enrichir de nouvelles fonctionnalités dans les prochaines années. Les clients attendent de nous des produits qui se font oublier et dont la maintenance est minimale. »
Et d’ajouter que « notre spécificité repose sur la conception et le design de produits à forte valeur ajoutée. Pour des raisons stratégiques et de savoir-faire, les développements les plus importants sont faits en interne par notre bureau d’étude pour remplir à 100% le cahier des charges client. Et une fois le produit développé, ce qui compte c’est l’industrialisation. »
Quelle est votre stratégie pour 2022 ?
Laurent-Emmanuel Migeon : « Nous sommes dans un rapprochement où les deux entités sont parfaitement complémentaires. En 2022, nous allons multiplier les échanges entre nos équipes, et optimiser notre portefeuille produit pour répondre aux besoins des réseaux et de l’utilisateur final, et leur apporter le meilleur service. Les tendances sont bonnes, restons dans cette dynamique. » Un point important pour Loïc Le Ravallec qui explique que l’un des facteurs clés du succès de Corelec « est d’avoir réussi à couvrir complètement le territoire français en étoffant son équipe commerciale mais aussi en développant l’avant-vente, l’ADV ou la formation technique avec l’Akeron Tour, qui permet aux clients professionnels de mieux comprendre les produits et d’apprendre à traiter les problèmes rencontrés. »
BIO-UV Group et l’environnement ?
Laurent-Emmanuel Migeon : « Le respect et la protection de l’environnement sont l’essence même de nos activités. Nos réacteurs UV BIO-SEA sont utilisés dans les bateaux pour traiter les eaux de ballasts, éliminer les micro-organismes et éviter la dissémination d’espèces invasives qui perturbent l’écosystème marin. En piscines publiques, les ultraviolets servent à détruire les chloramines…
Ce savoir-faire dans le traitement de l’eau et la robustesse de nos solutions nous permettent d’envisager sereinement l’avenir et de garantir la durée de vie de nos produits. Avec la BPI, nous avons fait un bilan qui démontre que nous sommes très frugaux dans nos consommations énergétiques, retraitons beaucoup et recyclons également beaucoup. Nous sommes régulièrement notés par des organismes indépendants sur la base d’indicateurs environnementaux et sociétaux. Chaque année cette stratégie RSE est suivie en Conseil d’Administration et nous vérifions notre note. »
Et Benoit Gillmann de conclure : « la réduction de la consommation de produits chimiques et le respect de l’environnement sont des tendances de fond de la société. Nous prévoyons une montée en puissance de ces solutions plus durables. Il est essentiel que les pisciniers soient davantage proactifs et qu’ils saisissent maintenant de ce sujet. »
Propos recueillis par Sébastien Carensac