Pour beaucoup de chefs d’entreprise, la vente est l’étape la plus redoutée de leur parcours entrepreneurial.
il faut dire qu’un processus de transmission est jalonné d’obstacles. Pour réussir, le cédant doit être déterminé, mais tout autant patient et prudent.
Chaque année en France, plus de 5 000 PME se transmettent. Parmi elles, 75 % font l’objet d’une cession à une personne extérieure à l’entreprise contre 25 % transmises en interne. Des opérations réalisées au terme d’un processus souvent long, au cours duquel beaucoup de chefs d’entreprise se découragent. En effet, la vente d’une entreprise est très rarement une affaire menée sans encombre, ni sans déception. « Il n’existe aucune règle en matière de transmission d’entreprise. Un tel processus dépend de la personnalité du cédant et des attentes du repreneur », résume Jean-Yves Lestrade, consultant en transmission d’entreprise. C’est pourquoi cette ultime étape de l’investissement personnel d’un entrepreneur dans son entreprise réclame non seulement une démarche structurée sur le plan comptable, mais aussi une prise de position intellectuelle.
Vouloir vendre
La première étape d’un processus de vente est de l’ordre de la psychologie. « Si le dirigeant entame un processus de vente avec l’idée de voir ce qu’il se passera, mais sans avoir vraiment envie de vendre, il ne vendra pas », assène Jean-Yves Lestrade. Derrière cette absence de motivation, il faut bien évidemment voir la peur de se trouver dessaisi de ce que
l’on a passé tant d’années à construire. Les signaux ne trompent pas : certains avancent toujours une bonne raison de
repousser la vente à plus tard, d’autres font un petit pas en avant et attendent, pensant que la vente se fera toute seule
(et en réalité la redoutant) ; d’autres encore ne donnent pas véritablement suite aux acheteurs potentiels. Or un vendeur est un chef d’entreprise qui a déjà fait le deuil de son entreprise.
Prendre son temps
Une fois que l’idée de vendre est acceptée, rien ne sert de se précipiter. « On avait coutume de dire qu’il fallait 10 à 12 mois pour trouver le repreneur et vendre sa société. Aujourd’hui, il faut plutôt compter entre 18 et 24 mois », prévient le conseil en transmission. Durant cette longue période, les hauts vont succéder aux bas. Pourtant, le vendeur devra garder une attitude positive et accepter de répondre aux nombreuses interrogations du ou des acheteurs potentiels. « Vendre oblige à être proactif et à adopter une démarche construite et professionnelle, notamment en rédigeant une note confidentielle de présentation de son entreprise que l’on pourra transmettre aux repreneurs sérieux qui se manifestent, lesquels doivent signer un engagement de confidentialité. »
Se faire aider
« Pour réussir à vendre une entreprise, il est indispensable de se faire aider par un professionnel qui va “marketer‿ l’entreprise dans le cadre d’une démarche réfléchie, volontariste et persévérante. Sans cela, on n’avance pas et on perd un temps précieux », estime Jean-Yves Lestrade. Avocats, experts-comptables, notaires mais aussi services dédiés au sein des chambres consulaires sont autant de portes auxquelles il faut aller frapper lorsque l’on veut vendre son entreprise. Jouer la transparence « Le cédant doit accepter de se découvrir. » Voilà, résumée en quelques mots, la posture que refusent d’adopter de nombreux cédants. Méfiants, pas tout à fait prêts à céder, ou agacés par les questions des acheteurs potentiels, certains vendeurs se ferment. « Un chef d’entreprise a eu l’habitude de gérer seul. Lors d’un processus de vente, il se retrouve face à quelqu’un qui ne cesse de lui demander des informations, lui demande de justifier certains de ses actes de gestion, voire les critique. C’est un passage extrêmement déstabilisant pour la plupart des dirigeants qui doivent pourtant s’y plier. En effet, personne n’acceptera de s’engager s’il a l’impression de ne pas tout savoir sur la structure qu’il achète. Au contraire, les explications mettront le repreneur en confiance et lui donneront de la visibilité pour hiérarchiser ses risques et construire un projet de reprise cohérent », explique Jean-Yves Lestrade. À la
transparence s’ajoute la disponibilité. Baignant dans la culture de l’immédiateté, les repreneurs d’aujourd’hui n’acceptent pas de devoir attendre plusieurs jours pour être renseignés. Reste que pour ceux que cette mise à nu inquiète au plus haut point, il est possible de faire signer un accord de confidentialité aux repreneurs avec lesquels on négocie afin qu’ils s’engagent à ne pas faire mauvais usage des informations dévoilées.
Ne pas se mettre en “roue libre‿
Dès lors que l’idée de vendre les habite, certains chefs d’entreprise lèvent le pied, d’autres vont même jusqu’à poursuivre la direction de leur entreprise en étant retraités, pensant ainsi alléger les charges de la structure. De très mauvaises idées… « Souvent, cette situation constitue un obstacle majeur pour les repreneurs car le retraitement des dépenses tenant compte d’une rémunération normale de dirigeant conduit à une rentabilité négative », souligne le consultant. Ce sont aussi des signaux très négatifs envoyés au repreneur, qui voit dans cette passivité le signe que la société qu’il convoite est sur le déclin.
Prendre de la distance vis-à-vis de la valorisation…
Avec l’acceptation qu’il est temps de faire le deuil de son aventure entrepreneuriale, la définition du prix de l’entreprise est une autre étape très délicate à franchir. D’autant que bien souvent, le prix calculé par l’expert-comptable ou le conseil est bien en deçà de celui défini par le vendeur, sans parler de celui proposé par l’acheteur… « Il ne faut jamais fixer un seuil de valorisation psychologique de son entreprise. C’est le meilleur moyen d’échouer. La valeur d’une entreprise dépend de beaucoup de paramètres. Elle fluctue au fur et à mesure de la négociation, mais aussi en fonction de l’évolution du marché de la transmission d’entreprise, de la situation financière de l’entreprise à vendre, des investissements à réaliser, du carnet de commandes et de bien d’autres paramètres encore. Plutôt que la valorisation théorique, mieux vaut s’attacher à considérer la valeur qui résulte d’une offre crédible, écrite et financée de la part d’un acquéreur potentiel », conseille Jean-Yves Lestrade. Cela étant, une valorisation réalisée par l’expertcomptable est indispensable pour servir de base de discussion.
… et de la fiscalité
Bien évidemment, la vente d’une entreprise n’est pas sans conséquence sur le niveau d’imposition du vendeur. Là encore, ne penser qu’à réaliser des montages juridiques et fiscaux permettant de “faire de l’optimisation fiscale‿ est le meilleur moyen de signer une mauvaise vente.
Accepter de sortir des sentiers battus
Comme dans bien d’autres domaines, les pratiques en matière de financement d’une entreprise évoluent. « La tendance actuelle est que les cédants doivent parfois s’impliquer dans le financement de l’opération de leur repreneur en acceptant
de faire le complément du financement du banquier avec un crédit vendeur. En pratique, le crédit vendeur se situe dans une fourchette de 10 % à 20 % de la valeur de l’entreprise avec un remboursement sur une durée de deux à quatre ans »,
note Jean-Yves Lestrade. Pour réaliser de tels montages, l’assistance d’un conseil est indispensable. À l’image du financement, la fixation du prix peut elle aussi prendre différentes formes. « On peut définir un prix après l’audit d’acquisition, un prix révisable, un prix avec clause d’earn-out (prix dépendant des résultats futurs de l’entreprise) », égrène le consultant. Là encore, il est primordial de soumettre de telles propositions à un conseil. À travers toutes ces étapes, le secret d’une transmission d’entreprise réussie relève bien souvent plus de la psychologie que du bon maniement des chiffres. La conjoncture ne doit pas non plus être prise à la légère. En la matière, Jean-Yves Lestrade livre son analyse : « Les vendeurs vont retrouver des marges de manoeuvre et pourront mieux valoriser leur entreprise. Les acquéreurs auront la chance de reprendre en cycle bas dans une conjoncture en amélioration. » Les prochains mois pourraient donc faire remonter les statistiques de ventes d’entreprise qui n’ont guère varié ces dernières années.
La loi Hamon encadre les processus de cession
La loi sur l’économie sociale et solidaire, ou loi Hamon, instaure l’obligation d’informer les salariés pour toute cession d’une entreprise de moins de 250 salariés. Un dispositif partiellement censuré durant cet été par le Conseil constitutionnel, lequel a jugé contraire à la Constitution la sanction de nullité attachée à l’absence d’information des salariés en cas de projet de cession de plus de 50 % du capital social d’une PME. La nouvelle loi Macron devrait encore venir réformer cette loi. En attendant, l’employeur est toujours légalement tenu d’informer ses salariés, préalablement à une cession de fonds
de commerce ou de plus de 50 % de son capital social. Le cédant et/ou l’entreprise n’ont obligation d’informer les salariés que de la volonté du cédant de procéder à une cession et du fait que les salariés peuvent présenter une offre d’achat. La loi n’impose la transmission d’aucune autre information et d’aucun document relatif au fonctionnement, à la comptabilité ou à la stratégie de l’entreprise.