L’article sur la mise à la terre des piscines de notre numéro 97 de LAP a suscité beaucoup d’intérêt et de questions de la part de nos lecteurs. Beaucoup d’entre vous ont, en effet, rencontré des problèmes de corrosion liés à une mauvaise mise à la terre. D’autres se sont heurtés à des préconisations curieuses, voire alarmantes, d’organismes de contrôle tels que Consuel, Dekra, Socotec, etc., formatés au “tout-interconnecté” et à l’application de normes, parfois hors contexte.
BEAUCOUP DE QUESTIONS
Parmi les questions que vous vous posez, nous avons retenu les suivantes :
- Le poolterre est-il obligatoire ?
- Faut-il raccorder le poolterre à la terre de l’habitation ?
- L’équipotentialité et la mise à la terre, est-ce la même chose ?
- Abris, plongeoirs, échelles… faut-il les interconnecter ?
Manuel Martinez, professeur en électrotechnique au centre de formation de Pierrelatte (26) et référent des problèmes de corrosion électrolytique à la CNEPS, que nous avons rencontré à nouveau, répond à ces questions.
Avant tout, il est important de rappeler les fondamentaux de la mise à la terre d’une habitation (LAP 90).
Lorsqu’un défaut d’isolation se produit sur un appareil électrique, l’utilisateur risque l’électrisation en cas de contact avec une masse métallique.
La mise à la terre des éléments conducteurs d’une habitation a pour but d’évacuer ces courants de défaut, et aussi les courants de fuite de l’habitation.
* Pour bien comprendre ces termes électriques, un lexique précis est disponible en fin d’article.
EXTRAIT PROMOTELEC
La mise à la terre d’une habitation est effectuée la plupart du temps par l’enfoncement d’un ou de plusieurs piquets métalliques dans le sol naturel, ou par le déroulement d’une câblette de cuivre en fond de fouille.
Ci-dessous, 2 exemples de mise à la terre
CE QUE DIT LA NORME C15-100 CONCERNANT LA MISE A LA TERRE D’UNE HABITATION
542.1.4 : La mise en œuvre des matériels assurant la mise à la terre doit être telle que les courants de défaut à la terre et les courants de fuite puissent circuler sans danger.
542.2.3.2 : Les prises de terre ne doivent jamais être constituées par une pièce métallique simplement plongée dans l’eau. Elles ne doivent pas être établies dans des pièces d’eau ou dans des rivières. Cette interdiction se justifie […] par le danger auquel pourraient se trouver exposées des personnes entrant en contact avec l’eau pendant que se produit un défaut.
On comprend ici l’idée qui est d’éloigner le système de mise à la terre de l’habitation des pièces humides fréquentées par des utilisateurs. Or, on peut facilement considérer que la piscine est un lieu humide fréquenté par des utilisateurs, et qu’un poolterre est une “pièce métallique plongée dans l’eau”.
LES PARAMÈTRES SPÉCIFIQUES AUX PISCINES DONT NOUS DEVONS TENIR COMPTE
- Une piscine est un ouvrage humide enterré, de grande surface de contact avec le sol. Elle est par nature une prise de terre idéale. La plupart des systèmes de mise à la terre créés artificiellement n’atteignent pas l’impédance naturelle d’une piscine, en particulier en saison sèche en présence de sols secs. NB : Les notions d’étanchéité et de résistivité sont souvent confondues. Étanche ne veut pas dire isolant.
- L’eau salée est plus conductrice que l’eau « douce » et favorise la propagation de courants de fuite dans le bassin.
QUE DIT LA NORME SUR LES POOLTERRES ?
Rien ! Certains diront qu’elle parle des terres fonctionnelles et que le poolterre est une terre fonctionnelle non dédiée à la sécurité. Mais les terres fonctionnelles traitées dans la C15-100 (545-1) sont celles qui sont “dédiées aux matériels de traitement de l’information et analogues, nécessitant des interconnexions pour la transmission des données” Bref, rien qui nous concerne. Nous devons donc nous en remettre aux prescriptions d’ordre général.
Ces notions fondamentales prises en compte, nous pouvons maintenant répondre à la question :
« Doit-on raccorder le poolterre à la terre de l’habitation ? »
Un poolterre est une pièce métallique plongée dans une eau fréquentée par des baigneurs. Dès lors, la norme répond clairement : non, c’est dangereux pour le baigneur.
De plus, hormis un problème de sécurité pour le baigneur lorsqu’un défaut se produit, le bassin va se charger électriquement des courants de fuite “normaux” de l’habitation. Il va se créer une corrosion électrolytique. C’est un problème bien connu des pisciniers, surtout en cas de passage à l’eau salée, plus conductrice, qui favorise l’évacuation des défauts de l’habitation dans la piscine (voir LAP 97). Cette corrosion peut être très violente. Même des aciers inoxydables de qualité marine 316L peuvent ne pas y résister.
Réaliser une interconnexion entre le conducteur de terre et le poolterre équivaut à utiliser la piscine comme prise de terre.
MAIS ALORS A QUOI SERT LE POOLTERRE ?
C’est la réponse actuelle aux problèmes de corrosion connus. 2 sources de défauts électriques chargent le bassin électriquement.
- Les propres défauts de la piscine
La piscine génère ses propres défauts électriques corrosifs :
- courants statiques dus au frottement de l’eau avec les plastiques (turbine, canalisations, etc.) ;
- courants de fuite par les appareils très basse tension (électrolyseurs, régulations de niveau, projecteurs fuyards, etc.).
Même s’ils ne présentent aucun danger pour le baigneur, même en milieu immergé (24 V DC maxi), ils suffisent à créer des problèmes de corrosion.
À titre de repère, à partir de 300 mV dans le bassin, les phénomènes de corrosion commencent à s’accélérer. Au-delà de 1 V, outre une corrosion encore plus rapide, les sondes de mesure de pH ou de chlore donnent de mauvaises informations aux régulations automatiques et on peut ainsi se retrouver avec une injection erronée d’acide ou de chlore (ou de tout autre désinfectant).
Astuce : Pour savoir si une sonde est faussée par des courants vagabonds, il suffit de la plonger dans un seau rempli avec de l’eau de piscine. La lecture doit être la même, sinon cela signifie que le bassin est chargé électriquement.
- Les défauts de l’habitation arrivent jusqu’à la piscine
Souvenons-nous que la carcasse métallique d’une pompe, d’une PAC ou d’un surpresseur est reliée à la terre de l’habitation, et que de par leur conception, certaines carcasses métalliques sont au contact de l’eau de la piscine. C’est un problème connu sur lequel les fabricants s’efforcent de progresser. Encore aujourd’hui, même certaines pompes en matière plastique ne sont pas isolées galvaniquement.
Photo 1 : une pompe de piscine en coupe. On s’aperçoit que les défauts électriques peuvent arriver jusque dans l’eau de la piscine. Ce n’est pas un contact franc, mais nous ne sommes pas isolés (un simple test de continuité entre la carcasse métallique de la pompe et la vis de serrage de la turbine le prouve).
Une partie des défauts de l’habitation peut se retrouver dans l’eau du circuit hydraulique.
Ce sont ces contraintes techniques qui justifient la mise en place d’un poolterre entre les appareillages et le bassin, surtout en présence d’eau salée. Il va de soi qu’interconnecter le poolterre avec la terre de l’habitation serait repartir au point de départ.
PUIS-JE RÉALISER L’INSTALLATION DE MON POOLTERRE MOI-MEME ?
Dès lors que la mise à la terre de l’habitation a déjà été réalisée par l’électricien, la mise en place d’un poolterre séparé a pour rôle avant tout de protéger le matériel. Vous pouvez faire l’installation vous-même (voir LAP 90 pour les conseils de réalisation). La norme ne précise pas la résistance maximale des tests effectués par les fabricants, mais des tests ont prouvé que tous les phénomènes de corrosion disparaissent au-dessous de 20 Ω.
Ci-dessus (photos 2 et 3), une mesure de poolterre raccordé à un piquet de terre. Visiblement un seul piquet est insuffisant ou le piquet est mal placé, dans un sol sec non arrosé régulièrement. Dans ce cas, il faudra placer un 2e piquet de terre dans un endroit régulièrement arrosé (arrosage automatique, goutte-à-goutte de PAC, puits perdu d’eau de lavage du filtre, etc.).
Sur piscine neuve, la meilleure solution pour obtenir un excellent poolterre reste de dérouler 10 mètres de câblette en fond de fouille ou en pied de paroi de la piscine.