Les causes de la corrosion sont en effet multiples, ce qui en fait un problème complexe.
Lap : Quelles sont les principales causes de corrosion dans une piscine ?
Manuel Martinez. On peut résumer la corrosion en piscine à 4 facteurs majeurs :
• qualité des “inoxydables‿. Enrobage insuffisant des aciers de structure (corrosion naturelle) ;
• mauvaise association des métaux (corrosion galvanique) ;
• présence de courants vagabonds dans l’eau (corrosion électrolytique) ;
• des agressions externes : chlore, acide, sel.
1. La qualité des métaux
On parlera ici seulement des inox car l’aluminium, le zinc et le cuivres sont «auto-réparateurs» face à leur oxydation naturelle : une couche superficielle d’oxyde imperméable se forme spontanément au contact de l’eau ou de l’air, empêchant la corrosion de se poursuivre (On dit qu’ils se passivent).
Les inox… Bien que l’inox soit utilisé en raison de sa résistance à la corrosion, il n’est pas totalement inoxydable. Le chlore par exemple est l’ennemi n° 1 de l’inox, particulièrement de l’inox le plus répandu : l’inox 304 (nuance 2).
Le monde de la plongée sous-marine connait bien les différences d’inox. Ci-dessous 2 rondelles ayant effectué 50 plongées sous-marines. Il n’y a pas de chlore sinon ce serait pire !
Attention, cet inox n’est adapté ni aux ambiances chlorées ni aux milieux salins, autrement dit pas adapté dans une piscine équipée d’un électrolyseur. C’est pourtant une qualité d’inox très utilisée dans la visserie “inox‿.
Les inox utilisés en piscine (y compris la visserie) doivent être a minima de qualité 316L (nuance 4). Mais attention, il ne faut pas confondre corrosion d’un inox et particules de fer qui se déposent sur un inox et “rouillent‿ dessus. C’est un cas courant pour les inox proches des voies ferrées : les particules de fer en suspension se déposent sur les inox à proximité. On en déduit ce qui peut se passer avec des inox plongés dans des eaux de piscine ferrugineuses.
2. La mauvaise association de métaux (corrosion galvanique)
C’est une corrosion qui concerne les éléments métalliques présents dans le bassin.
Nous l’avons vu dans l’article précédent, il y a des couples bimétalliques à proscrire : inox et aluminium, ou inox et cuivre.
Rappel sur le principe de la corrosion galvanique
Les métaux ont par nature des potentiels électriques différents.
De ce fait si des métaux de natures très différentes sont mis en contact dans une eau conductrice, le métal avec le potentiel
le plus bas (ici l’aluminium) devient anode, alors que le métal avec le potentiel le plus élevé (les vis inox) devient cathode.
La “pile‿ produite provoque une corrosion accélérée de l’anode (ici la pièce en aluminium).
Retenez que l’aluminium se corrode au contact de l’inox et que le magnésium se corrode au contact de tout autre métal.
Autre notion : la corrosion augmente d’autant plus que l’anode est petite. C’est une réaction proportionnelle aux surfaces : une petite pièce en aluminium au contact d’une grosse pièce en inox va corroder beaucoup plus vite qu’une grosse pièce en aluminium au contact d’une petite pièce en inox.
Comment éviter la corrosion galvanique ?
Pour supprimer la corrosion galvanique il faut supprimer un des 3 facteurs suivants :
Protections
• Isoler les 2 métaux différents par un isolant.
• Fixer une anode sacrificielle sur le métal à protéger (magnésium).
• Travailler avec des métaux de couple galvanique proche.
En cas de doute, ou pour choisir les meilleures associations de matériaux : plonger les 2 métaux dans de l’eau salée à 2% et mesurer la tension entre eux. Au- delà de 300 mV, il commence à y avoir corrosion galvanique.
À savoir : l’eau douce est un très mauvais conducteur. L’ajout de sel rend l’eau bien plus conductrice. C’est pourquoi l’ajout de sel accélère la corrosion galvanique. L’électrolyseur n’y est pour rien en lui-même.
Attention aux liaisons équipotentielles, elles sont à proscrire en piscine
Certains pisciniers, sur les conseils d’électriciens de bonne foi et habitués aux installations domestiques, connectent les masses métalliques telles que plongeoirs, échelles…
La norme C15-100 chap. 702.415.2 cite l’exception :
Exemples d’éléments pouvant ne pas être reliés à la liaison équipotentielle supplémentaire :
– les échelles des plongeoirs ;
– les échelles et barrières du bassin ;
– les tremplins.
Une telle liaison reviendrait à mettre en contact des éléments éloignés et pourrait créer une corrosion galvanique.
3. La corrosion électrolytique
C’est une corrosion qui concerne la structure du bassin.
Le phénomène : un bassin qui se charge électriquement. Nous distinguerons les courants générés par les appareils de la piscine, et ceux amenés par l’habitation.
L’eau de la piscine se trouve chargée et les éléments métalliques de la structure vont avoir tendance à “rentrer dans le bassin‿. À noter que ce phénomène, lorsqu’il est violent, est capable de traverser les liners, les membranes armées ou les coques polyester.
Comment s’en protéger ?
Bien sûr les aciers de la structure doivent être isolés de l’eau. L’enrobage de béton doit être suffisant, et la galvanisation ou plastification des panneaux aciers suffisante.
Mais surtout, nous le répétons encore dans cet article : l’eau de la piscine doit être mise à la terre. L’idéal est un pool-terre en dessous de 20 ohms.
Ci-contre un exemple de mesure du pool-terre avec un DT-300 (mesureur de terre sous tension, d’une très grande simplicité d’utilisation).
Questions de lecteurs : est-il possible de raccorder l’eau de la piscine à la terre de l’habitation ?
Question épineuse… La norme C15-100 préconise de raccorder les terres fonctionnelles à celles de sécurité. Mais la C15-100 autorise aussi la création d’un piquet de terre indépendant pour un local séparé (comme le local technique), et ce pour de simples raisons économiques…
Dans notre cas «piscine», se raccorder à la prise de terre de l’habitation, c’est ouvrir une porte entre la piscine et l’habitation, sans savoir dans quel sens l’évacuation de défauts va se faire. Ce serait vous en remettre à une terre que vous ne connaissez pas, et que vous n’avez pas le droit de modifier car cela concerne la sécurité des personnes. C’est le rôle de l’électricien.
J’ajouterai que l’habitation est une forte génératrice de courants de défauts.
Le bon sens veut donc que le piscinier s’assure de sa propre mise à la terre de l’eau du bassin, sans aucune autre influence externe. Le pool-terre jouant uniquement un rôle de protection des matériels contre la corrosion, le re-passage d’un consuel n’est pas nécessaire sur une habitation existante.
Comment réaliser UNE BONNE mise à la terre ?
Sur piscine neuve : déroulez de la câblette en cuivre en fond de fouille, sous le polyane du radier, ou en pied de paroi.
Sur piscine existante : plantez un ou plusieurs piquets à des endroits régulièrement arrosés (lavage de filtre, arrosage automatique, goutte-à-goutte de clim…). L’objectif est d’obtenir une résistance inférieure à 20 ohms.
Privilégier les manchons inox
Les courants et les tensions de ces phénomènes sont faibles. De même que pour l’évacuation des défauts par le piquet de terre, la notion de surface de contact est importante pour le “captage‿ des défauts dans le circuit hydraulique du bassin.
Les pool-terres avec anode sacrificielle ont pour seul avantage d’indiquer la présence de courants vagabonds, mais elles ne protègeront pas le bassin.
Une étude de cas
Nous vous proposons d’illustrer ce dossier concrètement par une étude de cas.
Il s’agit d’une piscine récente, avec pièces à sceller en inox, et dont l’eau est traitée par électrolyse du sel. Toutes les pièces en inox ont été raccordées à des câblettes de terre en cuivre, en conformité avec les préconisations du fabricant. A priori nous sommes ici en présence d’une installation surprotégée. Pourtant au bout de 2 mois une “corrosion importante‿ apparaît comme en témoignent ces photos.
Le phénomène de dépôt de rouille a cessé après vidange et re-remplissage du bassin avec l’eau du réseau, sans apport de sel.
Les constatations effectuées (Toutes machines à l’arrêt)
Mesure du pool-terre : 28 ohms
Mesure de terre du skimmer inox avec cablette : 15 ohms
Aucun passage de courant entre l’eau du réseau hydraulique et le pool-terre
Petit passage de courant entre le refoulement inox et le pool-terre
Dépôt ferrugineux sur l’anode du pool-terre.
Interprétation des mesures
Le passage préférentiel pour les courants de défaut sera le skimmer inox raccordé à sa câblette en cuivre.
Cela signifie que les pièces inox sont les principaux évacuateurs des courants indésirables. Il faut inverser la tendance de manière à ce que le pool-terre soit le principal évacuateur.
Autre observation : les pièces inox sont chargées électriquement, cela “attire‿ les dépôts ferreux
Conclusion
Il ne s’agit pas véritablement de corrosion. La surface des pièces en inox n’est pas altérée. Il s’agit d’un dépôt ferrugineux et d’une anodisation de l’inox
1. On observe la présence d’une tension au contact des pièces inox. Comme la quantité de câblette installée est considérable, il se peut que se produise un “captage‿ de défauts voisins à la piscine, ou que nous soyons en présence d’un couple galvanique inox-cuivre qui attire les ions ferreux.
2. La résistance est meilleure aux pièces en inox qu’au poolterre : les courants de défaut de l’installation vont avoir tendance à emprunter la voir la plus facile.
3. Le phénomène ne se produit pas en présence d’eau douce car des courants indésirables n’ont aucune portée. En présence de sel les défauts se propagent dans le bassin.
Les solutions techniques :
1. Déconnecter les câblettes de terre des pièces en inox. Cela évitera les couples galvaniques et augmentera la résistance de terre à 35 ohms au lieu de 15 ohms (on favorise déjà le passage des courants de défaut par le pool-terre qui est de 28 ohms). Les pièces inox restent de toutes façons au contact de la terre (on parle de mise à la terre “de fait‿), mais cela évitera un éventuel “captage‿ de défauts voisins par le “filet‿ que constituent les plusieurs câblettes enterrées.
2. Favoriser l’évacuation des défauts par le pool-terre. Cela implique que la résistance du pool-terre doit être inférieure à la résistance naturelle du bassin (qui est une très bonne terre par nature).
Sur ce local la terre est indépendante de celle de l’habitation, on ne risque donc pas de faire «rentrer» les défauts de l’habitation dans la piscine. Nous pouvons dans ce cas particulier interconnecter la terre du local avec le pool-terre. Résultat : une terre à 12 ohms.
À présent le poolterre est 3 fois
moins résistant que la piscine
3. Nous pouvons ajouter un séquestrant métal qui va venir “passiver‿ les ions métalliques, si bien qu’ils ne seront plus attirés par les inox.
Manuel Martinez
Expert CNEPS
Professeur en électrotechnique à l’UFA des métiers
de la piscine de Pierrelatte (26)