Émanation de la FNCCR (Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies), le programme Action des Collectivités Territoriales pour l’Efficacité Énergétique (ACTEE) accompagne les communes dans la rénovation énergétique de leur patrimoine. Une mission essentielle au regard des chiffres : 70 % des 4 000 piscines collectives françaises ont été construites avant 1995. Elles sont à la fois des passoires énergétiques et des gouffres financiers. Elles engloutissent 10 % des dépenses énergétiques des communes de plus de 10 000 habitants, et 34 % des dépenses pour les GFP (Groupements de communes à Fiscalité Propre). Sophie Potier, coordinatrice régionale ACTEE, nous présente le programme.
Quels sont les moyens d’ACTEE ?
L’équipe regroupe une cinquantaine de personnes. ACTEE II constitue la troisième version du programme ACTEE. La première (2019) bénéficiait d’un budget de 10 M€. Nous accompagnions déjà les piscines à l’époque. Puis nous sommes montés en puissance avec une enveloppe portée par le ministère de la Transition écologique à 110 M€ en 2021. Pour ACTEE II, nous bénéficions de 220 M€ de budget sur la période 2023/2026.
ACTEE dispose ainsi d’un budget de 330 M€ sur sept ans. Dans quel but ?
Ces enveloppes sont affectées à plusieurs types de missions.
Nous finançons cinq cents postes d’économes de flux, à hauteur de 40 à 60 % de leurs salaires. Ces personnes embauchées par les collectivités élaborent les dossiers de subvention, lancent les appels d’offres de communes, conseillent, planifient et assurent le suivi des travaux, forment une communauté qui se réunit régulièrement pour des partages d’expériences. Elles sont au cœur du dispositif ACTEE.
Nous participons également financièrement à l’achat de logiciels et d’outils de diagnostic, à la réalisation d’études et d’audits, le tout dans une logique de mutualisation.
Nous fournissons parallèlement un panel de services : simulateurs, logiciels, cartographies, guides, webinaires de formation ou d’information. Nous mettons à la disposition des communes un centre de ressource très complet où des publications, des vidéos ou encore des cahiers des charges types sont accessibles.
Enfin, une fois les travaux lancés, nous finançons des prestations de maîtrise d’œuvre et d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Pour les études, l’aide couvre 50% des coûts, 65% pour les communes rurales.
Pour résumer, nous injectons de l’ingénierie dans les collectivités afin qu’elles puissent lancer des chantiers. Nous comblons ainsi un chaînon manquant ; de multiples aides à la rénovation existent déjà, mais encore faut-il pouvoir définir un bon programme de travail, savoir quoi et comment rénover, et réussir à trouver son chemin dans le maquis des différentes aides énergétiques. Beaucoup de collectivités ne disposent pas en interne de ces compétences. Nous leur permettons d’y accéder en finançant l’embauche d’économes de flux. Nous les accompagnons jusqu’au bout du processus afin qu’elles bénéficient des bons réglages et paramétrages, ce qui pour une piscine collective est fondamental.
Vous considérez-vous comme des facilitateurs ?
Tout à fait. ACTEE favorise le passage à l’acte des collectivités en aidant à la mise en place d’une ingénierie adaptée. Nous ne finançons pas les travaux, mais nous les rendons possibles et optimums. Nous proposons des stratégies pour réduire les frais de fonctionnement des piscines publiques. Il s’agit d’un accompagnement technique, financier et juridique.
Quelles sont ces stratégies ?
Dans un premier temps, nos conseils portent sur des actions immédiates, peu coûteuses, permettant de réaliser 10 à 20 % d’économies immédiates d’eau et d’énergie. Cela va du nettoyage des bouches de régulation d’air à la calorifugation des tuyaux de fluides, en passant par le bâchage des bassins extérieurs la nuit, la renégociation des contrats de fourniture d’énergie. Il peut être également judicieux de grouper les horaires d’utilisation pour concentrer les scolaires et personnes âgées sur une plage de deux jours, ce qui permet de réduire d’un degré la température de l’eau le reste de la semaine. Il ne s’agit que d’exemples car les pistes de progrès sont nombreuses.
Passée cette première étape, nous accompagnons les communes sur des rénovations complètes des infrastructures. Au total, le coût énergétique peut baisser de 80%. Nous avons déjà financé une centaine de dossiers. Ces investissements devront être réalisés tôt ou tard : le Décret Tertiaire, entré en vigueur en octobre 2019, impose aux bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m² de réduire leur consommation énergétique de 40% d’ici 2030, 50 % d’ici 2040 et 60 % d’ici 2050. Ces grands travaux peuvent concerner l’installation de doubles vitrages ou encore l’amélioration de l’isolation de l’enveloppe du bâtiment. Tout cela coûte très cher, jusqu’à plusieurs millions d’euros. Il est donc essentiel d’optimiser ces investissements.
Comment faire avec les piscines « Tournesol » ? Sont-elles condamnées ?
C’est une très bonne question, dont la réponse est complexe. Il s’agit de bâtiments classés. Intervenir sur l’enveloppe pour améliorer l’isolation s’avère parfois impossible. Cette difficulté peut être contournée par la mise en place de systèmes de production d’énergies renouvelables.
Que vous demandent les communes ?
C’est extrêmement variable car nous couvrons un très large éventail. Nous sommes portés par une fédération de collectivités et nous travaillons beaucoup avec les syndicats d’énergie pour répondre au mieux à leurs besoins.
Que doit faire un élu pour vous solliciter ?
Aller sur notre site, cliquer sur l’onglet « contact » et nous présenter sa demande. Nous le contactons alors à notre tour pour bien comprendre son projet et l’aider à élaborer un dossier, lui conseiller tel ou tel type d’étude ou encore un audit énergétique, afin de bien cerner ses besoins.
Les petites communes ont-elles les moyens de réaliser tout ce pré-travail administratif ?
Oui, car nous les aidons. Et surtout, nous fonctionnons sur une logique de mutualisation pour réduire les coûts, le nombre de marchés publics à lancer et développer des synergies. Les audits portent généralement sur plusieurs équipements.
Les collectivités vous sollicitent-elles beaucoup ?
Oui. Les piscines collectives sont par essence des lieux de forte consommation d’énergie et d’eau.
L’explosion du coût de l’énergie en 2022 a constitué un élément déclencheur. De plus, les élus savent qu’ils sont soumis au Décret Tertiaire. Enfin, les pénuries d’eau de ces dernières années restent en mémoire. Tout cela fait qu’ils ont compris que le moment est venu de passer à l’action, que ce soit pour des raisons environnementales ou financières. De plus en plus de communes candidates à des aides d’ACTEE.
Votre budget suffira-t-il pour répondre à l’accélération de ces demandes ?
Nous avons déjà financé une centaine de piscines et nous instruisons actuellement plus de cent-vingt demandes. En 2023/2024, nous avons déjà consommé la moitié de notre budget. Nous espérons qu’il sera abondé car les collectivités nous sollicitent de plus en plus. Cela s’est déjà produit avec ACTEE I. La rénovation constitue l’enjeu de la décennie. Nous devons améliorer les performances des bâtiments publics pour améliorer leurs bilans carbone et leurs finances.
Propos recueillis par Gérard Tur