Tony Garnier, l’architecte de la ville de Lyon souhaitait donner à ce projet, initié en 1913 par le maire d’alors, Edouard Herriot, une dimension sociale et pédagogique. Plus d’un siècle plus tard, l’agence 4_32 architecte signe la réhabilitation et l’extension de ce lieu emblématique de la cité. Claire Bertrand, associée fondatrice de l’agence, revient sur les années de travaux nécessaires au succès de cette réalisation.
La genèse
« Le Centre nautique et sportif de Gerland abrite aujourd’hui plusieurs programmes, dont le Centre de performance et le siège social du LOU Rugby ainsi que le Centre nautique et fitness LOU Piscine – UCPA Aqua stadium. À l’origine, en 1913, l’objectif était triple : organiser les JO à Lyon, proposer aux citadins des aires de jeux et un lieu où assister aux événements sportifs et à d’autres manifestations. Tony Garnier va concevoir un ensemble d’équipements sportifs au cœur d’un immense parc, avec les quartiers des athlètes et des cyclistes, une piscine, des courts de tennis, des terrains d’entraînement et des vestiaires. Le stade et les vestiaires seront terminés lorsqu’en 1926, le projet sera abandonné. Le chantier reprendra en urgence en 1932, avec la création d’une piscine olympique, d’un plongeoir et de gradins périphériques. La raison ? De trop nombreuses noyades dans le Rhône et la Saône. L’agence 4_32 architecte a commencé à travailler sur ce projet de réhabilitation et d’extension en 2016. Nous avons alors « planché », avec le LOU Rugby, sur un projet global et nous avons avancé, main dans la main avec l’ABF, la DRAC et les services d’urbanisme, en tenant compte du fait que le site était inscrit à l’ISMH (Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques). »
Une identité forte
« Débutés en octobre 2019, les travaux de restructuration de la piscine ont été interrompu environ un an par la crise sanitaire de 2020 qui a coïncidé avec les élections municipales. Le cahier des charges comprenait la construction d’un nouveau bâtiment, enveloppant les gradins d’origine et les mettant en scène, la transformation du bassin extérieur en bassin nordique, divisé en 2 secteurs : une zone de nage de 33 mètres de long et une zone ludique et de bien-être. Le tout complété par un bassin d’apprentissage intérieur de 25 mètres et 4 lignes d’eau (plus les vestiaires) destiné aux scolaires et un espace de bien-être et fitness.
L’accès au lieu ne s’est pas avéré compliqué mais comme les travaux se tenaient dans l’enceinte du stade, ils ne devaient pas « déborder » et venir perturber les événements de Gerland. Le chantier devait donc se cantonner strictement à son enceinte et être d’une propreté impeccable.
Nous avons construit le bassin extérieur, de 45 mètres de long, dans le bassin de Tony Garnier et nous avons ramené la profondeur initiale de 5,40 m à 1,80 m, dans un souci d’économie d’eau, d’énergie et de produits chlorés. Le plongeoir de 10 m, devenu inutile, a été désarmé mais nous l’avons conservé pour en faire un totem sculptural. Ce projet se devait, une fois terminé, d’être à la hauteur de sa qualité patrimoniale initiale et nous avons couplé le réaménagement de la piscine avec des travaux de restauration des gradins et des fondations ; ce qui nous a permis de conserver des éléments anciens et de les mettre en valeur, à l’image du plongeoir. Ils sont l’identité même de cette piscine et soulignent sa spécificité.
Les travaux spécifiques qui ont été nécessaires ont ciblé principalement les pathologies des bétons, ceci afin d’assurer la pérennité des structures d’origine comme la sécurité du public. C’est ainsi que les zones dégradées ont été réparées avec un mortier adapté et l’ajout de fibres carbone si nécessaire ; à noter, ce mortier reprend les caractéristiques de l’ancien béton. Toujours dans cette optique de respect de l’existant, le béton des plages a fait l’objet d’un important travail de recherche pour valider la teinte originelle des bétons Tony Garnier. »
Un écrin au cœur de Lyon
« Pour l’agence, le projet est réussi. La piscine a été ouverte en juin dernier et les premiers retours sont positifs ; l’exploitant est satisfait et le public, ravi. Aujourd’hui, on peut dire que cette piscine et ce qui l’entoure sont devenus un espace intimiste au cœur de la ville.
Nous sommes également fiers d’avoir construit un bâtiment extrêmement vertueux. La toiture de la piscine héberge 320 m2 de panneaux photovoltaïques horizontaux, dissimulés derrières les acrotères et des toitures végétalisées ou revêtues de caillebottis métalliques, ce qui a permis de dissimuler tous les équipements techniques.
Le jardin de la piscine intègre, quant à lui, un système d’infiltration de toutes les eaux pluviales des différents bâtiments, des gradins et des plages du bassin.
Nous avons également privilégié le réemploi à chaque fois que l’occasion s’est présentée et le chauffage de la piscine est assuré grâce à l’énergie issue de l’usine de déchets.
Finalement, nous avons su transformer les contraintes de ce projet en atouts et nous sommes fiers d’avoir réussi dans notre recherche de démarche environnementale. Et en novembre dernier, lors du concours initié par l’ACE (Association des Concepteurs lumière et Eclairagistes), le Centre nautique et sportif de Gerland a décroché le Prix ACEtylène 2024 de la Conception lumière, « Mise en lumière du patrimoine bâti », en collaboration avec Les Ateliers de l’Eclairage qui ont démontré là toute leur expertise. »
Fiche technique
Centre nautique de 2510 m2
Livraison : avril 2024, après 22 mois de travaux effectifs
1 bassin d’apprentissage de 25 m, profondeur 1,30 m et 4 couloirs
1 bassin extérieur de 45 m, profondeur 1,80 m et 6 couloirs
1 espace vestiaires : sanitaires, douches collectives et individuelles
Revêtement des bassins : PVC armé
Traitement de l’eau : filtres sable Ø 2500 mm, chlore, déchloraminateur UV
Consommation d’eau : bacs tampon, sondes de niveau
Qualité d’eau : pH 7,1, chlore libre 1 mg/L
Régulateur pH : analyseur-régulateur SYCLOPE ODITouch
Qualité d’air : 27 °C, 15,0 g/kgas, CTA 16 500 m3/h
Chauffage des bassins : depuis le chauffage urbain
Chauffage et froid urbain : 320 m2 de panneaux photovoltaïques
Texte : Cécile Olivéro