Marque BtoC emblématique du marché, Abrisud s’est rapidement imposée comme le leader européen de l’abri de piscine. Mais où en est le fabricant aujourd’hui ? Entre rachat par le groupe Akena et changement de son management, quelle est la stratégie déployée par l’entreprise ?
Entretien avec Fabien Rivals, directeur général d’Abrisud.
LAP : Un peu d’histoire…
Abrisud a été créée par la famille Chapus en 1994, avant d’être cédée en 2005 à des investisseurs privés, puis rachetée en 2020 par Akena, groupe industriel spécialiste de la véranda.
Depuis son origine, l’entreprise n’a cessé de contribuer à l’évolution du marché de l’abri par sa capacité d’innovation. Un marché dont elle deviendra le leader européen en nombre d’abris vendus comme en chiffre d’affaires. Depuis 2002, elle a déposé pas moins de 120 brevets dont celui de l’abri amovible et coulissant en 2002 et de l’abri plat en 2008.
C’est en septembre 2020, à la suite de l’intégration d’Abrisud dans le groupe Akena, que Fabien Rivals en est nommé directeur général. Il connaît bien l’entreprise pour en avoir été le directeur commercial de 2004 à 2011.
Aujourd’hui, le groupe Abrisud emploie près de 350 salariés répartis sur 5 sites de production, dont 4 en France. Deux à L’Isle Jourdain dans le Gers (32), un à Caux à proximité de Montpellier (34) et un à Bresle près de Beauvais (60). En 2021, le fabricant français a installé 5 000 abris et réalisé un chiffre d’affaires de 61 millions d’euros. Il compte deux filiales européennes détenues à 100 % : Abrisud Iberica en Espagne et au Portugal qui emploie 45 salariés avec un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros et Abrisud Benelux, qui gère en direct la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.
Quel est le bilan d’Abrisud depuis son rachat par le groupe Akena ?
« Le rachat d’Abrisud s’inscrit dans le projet du groupe Akena de consolider sa place de leader français de l’aménagement extérieur de la maison et lui a ouvert les portes de plusieurs marchés européens comme l’Italie, le Benelux, etc.
L’intégration d’Abrisud dans le groupe Akena nous a permis de faire évoluer nos méthodes de management et de production vers un modèle plus vertueux, en montant en qualité. Pour cela, le groupe a investi dans son outil industriel et la formation interne, ce qui a permis de redorer le blason de la marque qui avait été entaché par des défauts de qualité reprochés par les professionnels dans le passé. Ces changements, nos clients les ont déjà perçus. »
Le rapprochement avec le groupe Akena, nous permet également de proposer des carports et de la pergola bioclimatique. Des aménagements dont a besoin le client quand il décide d’aménager son extérieur. C’est une activité complémentaire avec des produits sur lesquels le groupe a un très bon savoir-faire. Et cela nous permet d’optimiser l’organisation et les déplacements de nos équipes qui viennent tout installer en une seule fois chez le client. »
Comment avez-vous vécu ces 2 dernières années ?
« La restructuration et les difficultés d’approvisionnement liés à la crise sanitaire, nous ont conduit à devoir allonger des délais à certaines périodes. C’est dans ces moments-là que l’apport du groupe fait la différence, nous pouvons désormais raisonner européen et compter sur la synergie des différentes entités. Cela nous a aidé à passer les crises du covid et ukrainienne actuelle sans rupture dans notre chaîne d’approvisionnement.
Nous avons minimisé les augmentations de prix pour le client final en les absorbant en partie sur notre marge. Il est important de conserver un prix en adéquation avec le marché. »
Quel impact a le conflit ukrainien sur votre activité ?
« La crise ukrainienne impacte principalement nos coûts. Le prix de l’aluminium a plus que doublé en l’espace de deux ans et devrait encore augmenter, tout comme celui des matières plastiques. Auparavant, nous avions une visibilité à un an sur nos prix d’achats pour l’aluminium et le polycarbonate et nous pouvions bloquer nos tarifs pour la saison. Depuis la crise sanitaire, nous sommes forcés de les revoir 3 à 5 fois par an. C’est une situation d’autant plus difficile à gérer quand on est un acteur majeur et que la part de ces matériaux dans la composition du produit est importante.
Le prix de l’énergie impacte les coûts de livraison et d’installation, mais heureusement beaucoup moins ceux de fabrication, nos besoins énergétiques étant relativement faibles. Comme nous livrons plusieurs milliers d’abris chaque année, nous avons appris à optimiser nos tournées de livraison afin de limiter nos coûts et notre impact environnemental, et de fait nous parvenons à ne pas répercuter ces hausses sur le consommateur final. Le maître mot est l’agilité. Nous avions déjà la volonté de relocaliser notre chaine d’approvisionnement mais avec ces crises, nous avons dû les doubler et accélérer notre transformation. Aujourd’hui, nous avons une maîtrise de toute notre chaine de production, de la fabrication à l’installation, nous pilotons toutes les étapes, sans avoir recours à la sous-traitance. »
Où en est le marché de l’abri de piscine aujourd’hui ?
« Le marché de l’abri est structurellement en croissance depuis plusieurs années (environ + 20 % en 2021) en raison de deux facteurs. L’abri est un produit de plus en plus connu et préconisé en premier équipement, alors que ce n’était pas le cas il y a 10 ou 15 ans. Les abris sont également plus esthétiques et design et s’intègrent mieux dans l’environnement d’une piscine.
Le deuxième facteur est lié au fait que le parc d’abris installés au début des années 2000, avec la loi sur la sécurité des piscines, a désormais 20 ans. Ce marché du renouvellement, avec des clients convaincus par le produit abri, vient donc renforcer la croissance organique du secteur. En plus de représenter 15 % des ventes aujourd’hui, c’est un marché qui permet de mieux traverser les périodes de basse activité.
La crise covid quant à elle a généré un engouement pour l’aménagement de l’habitat et a eu un impact important sur la demande de piscines et d’abris. Nous aurons par conséquent un parc de piscines à équiper encore plus important dans les années à venir.
L’abri bas télescopique, avec les abris plats et cintrés, représente 75 % du marché. L’abri télescopique ultra bas design est le produit le plus demandé dans notre gamme. Viennent ensuite les abris mi-hauts, un produit typiquement français Dont la hauteur maximale est limitée à 1,80 m, et dispense donc de formalités administratives, puis les abris hauts ou adossés. »
« Avec sa démocratisation le besoin d’esthétique de l’abri est devenu majeur. Les gens sont convaincus que c’est le meilleur système de protection, et le plus durable en raison de sa longévité (15 à 20 ans) et parce que tout au long de sa vie, il va chauffer l’eau de 6 à 8 degrés seul et réduire ainsi la consommation énergétique d’un système de chauffage additionnel. Le besoin de design fait partie de nos deux grands axes de recherche ces dernières années, avec notamment la maniabilité afin de faciliter l’utilisation au quotidien des produits. Cela a donné lieu à de multiples innovations comme l’abri motorisé, l’abri ultra bas, les fixations rapides… Dernière optimisation, les façades oscillantes, qui permettent d’aérer la piscine sans défaut de sécurité. Une nécessité avec la hausse des températures pour, par exemple, éviter que le revêtement du bassin ne soit abîmé par une eau trop chaude.
Au-delà d’apporter du confort au client final, nos innovations ont pour objectif de faciliter le travail des installateurs et des professionnels qui proposent nos produits »
L’abri est-il concurrencé par le volet ?
« Nous sommes également fabricants de volets, une activité qui représente 20 % de notre chiffre d’affaires. Pour nous, ce produit n’est pas concurrent de l’abri et répond essentiellement à un besoin de sécurité.
Nous avons introduit plusieurs améliorations sur nos volets de piscine comme une lame avec lèvre de recouvrement qui évite que les interstices se salissent. En 2021, nous avons lancé une gamme avec lames en polycarbonate. Elle donne au volet un aspect plus contemporain quand il est fermé et fait gagner 3 ou 4 degrés de température à l’eau. Elle est également plus résistante y compris à la grêle. »
Quelles est votre stratégie pour le canal professionnel ?
« Nous avons développé notre marque Abrisud Pro afin de couvrir deux marchés, celui de l’hôtellerie de plein air et celui des professionnels de la piscine et du spa.
Nous sommes devenus, d’une part, des spécialistes du marché de l’hôtellerie de plein air avec une expertise qu’ont peu de fabricants. Nous avons suivi l’essor des campings en France et leur montée en gamme. Leur problématique est d’avoir un taux d’occupation de plus en plus important et la piscine couverte n’est plus une option à un certain niveau de gamme. Grâce à notre bureau d’études dédié, nous équipons chaque année une quinzaine d’entre eux avec des abris de plus de 20 mètres. Nous avons un vrai savoir-faire et commençons d’ailleurs à en installer à l’étranger. Nous avons, d’autre part, la volonté de développer le canal professionnel. Cela fait 20 ans que nous travaillons avec les pisciniers sur un modèle d’apporteur d’affaires. Nous avons 700 partenaires en France. Pourquoi ce modèle ? Avec nous, le professionnel développe une activité complémentaire tout en bénéficiant de la notoriété du leader du secteur, de sa puissance de communication et de sa très large gamme. Nous sommes présents pour l’accompagner, grâce à notre réseau de 100 techniciens installateurs répartis sur l’ensemble du territoire et à une équipe dédiée présente en région et disponible pour une meilleure réactivité. C’est essentiel et cela nous permet également de prioriser les interventions en fonction de l’urgence de la demande car nous n’oublions pas que l’abri de piscine est un élément de sécurité avant tout. Nous avons pour cela développé des outils à destination de nos clients et partenaires, car notre objectif est d’être présent et de les accompagner avec nos équipes terrain mais aussi de mettre à leur disposition des outils facilitant le suivi de projet et l’entretien. C’est aujourd’hui le cas avec des outils comme Abrisud Shop, notre site de vente en ligne, qui permet à nos clients de trouver en quelques clics les pièces nécessaires à l’entretien de leur abri et de les commander. Nous avons également développé un outil de diagnostic qui, à partir de quelques questions, qualifie la problématique du client pour lui apporter des réponses dans les meilleurs délais : tutoriel de dépannage, pièces à commander, échange avec un conseiller…
Comme nous concevons tous nos produits à 100 % depuis l’origine, nous avons tous les moules nécessaires. Si nous sommes capables de lui fournir les pièces dont il a besoin pour entretenir son abri, il pensera à nous au moment de le remplacer. Un service client réactif est stratégique. »
Quelles sont les spécificités d’Abrisud pour le professionnel ?
« Nous savons que l’abri n’est pas l’activité principale du piscinier. Quand il confie à Abrisud la livraison de son client, il sait qu’il a des services derrière dont une équipe dédiée qui va gérer sa demande et le suivi de la commande (assistance téléphonique, email…). Nos techniciens sont là pour le SAV mais ce sont aussi des métreurs. Ils peuvent préparer le dossier lors d’une prévisite pour une installation sans faille (accessibilité du chantier, préparation de la pose…). Le produit étant assemblé en usine, les contrôles à la sortie garantissent sa qualité. Nous savons que pour développer le marché du professionnel, la différence doit se faire sur le service surtout en période de surcroît d’activité.
Quant aux professionnels qui désirent commercialiser nos produits avec leur propre marque, en complément du contrat d’apporteur d’affaires, nous leur proposons également nos produits en marque blanche. Nous avons modifié nos process en conséquence pour livrer directement le client final, ce qui permet au partenaire, entre autres avantages, de s’affranchir d’un espace de stockage et de la gestion de la logistique. »
Et l’environnement ?
« Nous n’avons pas attendu que la réglementation nous contraigne. Tous les composants de l’abri sont recyclés : panneaux en polycarbonate, chutes de plastique, PVC et aluminium sont triés et retraités … Nous fabriquons le conditionnement de nos volets avec les déchets d’emballage des produits qui nous sont livrés comme le bois, des palettes de plaques de polycarbonate… nous profitons des transports réguliers entre nos unités de production pour les collecter. Au sein du groupe nous avons créé une filiale qui récupère les vieux abris chez les clients. Elle ne se contente pas de les démonter et de les mettre dans les bennes, elle rénove ceux qui peuvent l’être afin d’alimenter le marché de la seconde main. Je suis convaincu que 9 fois sur 10, celui qui a déjà eu un abri, en reprendra un s’il refait sa piscine. D’où l’importance, encore une fois, de la disponibilité des pièces et de l’entretien des abris. Cela ne cannibalise pas le marché du neuf. En termes d’empreinte écologique, avec un abri, au-delà de pouvoir recycler tous ses composants, on consomme moins d’eau et de produits, on chauffe l’eau sans besoin de système additionnel et, comme les plaques sont traitées anti-UV, on augmente globalement la durée de vie des équipements de la piscine. »