Interview de Daniel Ricard et Anne-Catherine Philippe, Bayrol
Quelle a été votre réaction lors de l’annonce du confinement ?
Le choc a été compliqué à appréhender. Notre première réaction a été de penser que si les magasins étaient fermés, nous n’avions plus de débouchés pour nos produits. Et que si nous n’avions pas de recettes, il fallait limiter les frais. Nous avons donc étudié toutes les possibilités qui nous permettaient de protéger nos employés. Nous avons notamment pu mettre un très grand nombre d’entre eux en télétravail.
Par ailleurs, nous nous sommes vite rendu compte qu’il restait un filet d’activité. Nous n’avons donc pas eu besoin de passer nos équipes en chômage partiel. Nous avons subi une baisse d’activité de 30 % sur la France en mars et de 17 % en Europe. Nous ne sommes pas inquiets, ce que les gens n’ont pas consommé en avril, ils le consommeront en mai. Nous ne prévoyons donc pas de grosse baisse de CA cette année.
Comment avez-vous organisé l’activité ?
Avant le jour du confinement, nous avions reçu 300 à 400 commandes qui n’ont pas pu être livrées parce que les magasins étaient fermés. Et comme il s’agit de chimie, il a fallu bien gérer ces produits. C’est une obligation. Nous avons contacté chaque client pour savoir s’il voulait toujours recevoir ses produits et avons réorganisé la livraison. 60 % des clients ont accepté leur commande. Les autres les ont soit reportées, soit modifiées.
Il nous a ensuite fallu trouver des camions disponibles. Les livraisons se font sur 2 semaines au lieu de 3 jours.
Nos entrepôts disposent aujourd’hui de toutes nos gammes. Bayrol, c’est 20 millions d’euros de stocks et 90 millions de chiffre d’affaires en Europe. C’est notre réapprovisionnement qui se réorganisera sur les produits essentiels. Certains produits sont fabriqués une ou deux fois par an, d’autres sont consommés tout le temps et donc produits en permanence. Ce sont ces produits capitaux au quotidien que nous voudrions produire au moment de la reprise.
Quelles contraintes avez-vous rencontrées ?
Nous avons principalement rencontré des contraintes logistiques : la disponibilité des équipes logistiques chez les transporteurs et dans les entrepôts. Nous avons mis en place tout ce qui pouvait être fait pour avancer au mieux avec nos partenaires.
Nous n’avons pas de problèmes pour nos approvisionnements. Les matières premières qui sont produites en Europe sont approvisionnées normalement et transformées sur nos lignes de productions européennes. Le dichlore et l’hypochlorite de calcium par contre sont deux matières qui n’existent pas du tout en Europe, mais nous avons des stocks… Nous avons plus de problèmes avec les emballages des produits. C’est encore une fois un problème logistique. Le débat suivant sera de savoir si nous pouvons être payés par nos clients.
Comment préparez-vous l’après-confinement ?
Notre plus grosse interrogation et de savoir quand et comment nous allons reprendre. Le « quand », nous le connaissons désormais, mais pour le « comment » la réponse est plus compliquée, principalement à cause du problème des flux logistiques. Nous avons connu une croissance colossale sur les six dernières années. Cela nous oblige à produire longtemps à l’avance et à stocker. En temps normal, la production est organisée pour que d’octobre à janvier nous produisions plus que nous ne vendons, qu’en février et mars nous produisions ce que nous vendons et qu’à partir d’avril nous produisions moins que nous ne vendons pour réduire nos stocks. Au bout du compte, cela nous permet d’avoir les quantités nécessaires pour nos clients, de pouvoir stocker ce que nous produisons en tenant compte des contraintes SEVESO.
Notre inquiétude aujourd’hui est donc de savoir comment nous ferons face à la demande alors qu’il va nous manquer un mois et demi de production et de flux logistique. Nous sommes en capacité de recevoir 30 % de commandes en plus mais quand nous faisons le point sur la logistique, on se rend compte que nos transporteurs ne sauront pas gérer ces 30 % supplémentaires ou qu’il n’y aura pas suffisamment de camions sur la route.
Nous allons essayer de nous concentrer sur l’indispensable et de demander à nos clients de nous simplifier le flux logistique et donc de commander par palette pour que les camions partent complets. Le petit picking d’épicerie sera plus compliqué. Le client qui voudra être traité comme avant la crise ne sera malheureusement pas prioritaire car sinon il pénaliserait l’ensemble de l’activité. Notre stratégie va donc nous permettre d’optimiser nos volumes logistiques pour qu’en peu de temps nous puissions déplacer le plus de produits possible dans le moins de temps possible.
Nous allons aussi essayer de demander à nos clients de gérer les pénuries avec leurs propres clients en étalant leurs achats, d’être solidaires, pour s’assurer que tout le monde puisse traiter sa piscine. En période de crise nous pensons qu’il faut dire au client d’aller à l’essentiel. Nous voulons être optimistes et raisonnables. Nous ne pourrons pas faire 50 % de livraisons en plus par semaine.
Notre but en cette période est d’aider en premier lieu nos clients pisciniers qui construisent et entretiennent les piscines. Nous n’aurons peut-être pas tous les produits mais chaque client pourra trouver le produit dont il aura besoin dès lors qu’il fera preuve de raison et de compréhension.
Nous ne savons pas comment va évoluer le marché pour des campings et des hôtels, mais pour les consommateurs ça ira. S’ils peuvent aller dans leur jardin, la saison se fera.