La piscine familiale fête ses 60 ans : du luxe au plaisir accessible


Le 20 mai dernier, la Fédération des Professionnels de la Piscine (FPP) a célébré les 60 ans de la piscine familiale en France lors d’une conférence de presse réunissant son président Stéphane Figueroa, plusieurs de ses administrateurs ainsi que le sociologue Jean Viard. Cet événement a permis de retracer l’évolution d’un marché qui, en six décennies, a transformé la piscine d’un luxe réservé à une élite en un espace de vie et de convivialité incontournable dans les jardins français.

© Diffazur Piscines

En 1965, moins de 1 500 piscines enterrées étaient dénombrées en France. En 2024, elles sont plus de 3,6 millions, dont 1,73 million enterrées, faisant de l’Hexagone le pays le plus équipé d’Europe, et le troisième mondial après les États-Unis et le Brésil. « Nous sommes passés d’une piscine pour 80 habitants en 1999 à une piscine pour 20 en 2024. C’est un véritable phénomène de société » affirme Gilles Mouchiroud, vice-président de la FPP.
Cette progression fulgurante, plus encore que des chiffres, raconte l’évolution d’une culture, d’un rapport à l’eau, au confort et au vivre ensemble.

Des débuts élitistes aux jardins de lotissements

La piscine familiale en France naît dans les années 60, portée par l’imaginaire hollywoodien. « C’était le luxe, le béton, les grandes propriétés. Les premiers clients remplaçaient leur terrain de tennis par un bassin » se souvient Philippe Bach, ancien président de la Fédération. À l’époque, la technique est lourde : béton armé, carrelage, équipements importés. Pas de contrat, ni d’assurance, encore moins de normes.
C’est l’arrivée du liner, « cette poche d’étanchéité révolutionnaire », qui va tout changer. Grâce aux matériaux modulaires comme les panneaux d’acier galvanisé ou les coques polyester, la piscine devient plus facile à installer, moins coûteuse et plus accessible.
Dans les années 80-90, le rêve change d’échelle. Avec la généralisation de la maison individuelle, l’étalement urbain, la baisse du coût de construction et la cinquième semaine de congés payés, les Français s’équipent. « C’est dans cette période que la piscine entre dans le mode de vie des classes moyennes » affirme Jean Viard, sociologue.

« La piscine s’est miniaturisée tout en s’enrichissant »

« La piscine, c’est un petit bout de mer à domicile » insiste-t-il. C’est peut-être là son succès : offrir un air de vacances sans partir. Elle devient un espace de détente, de jeu, de partage, plus qu’un lieu de sport. « On ne construit plus pour nager, mais pour se rassembler. C’est un nouveau salon d’extérieur » ajoute le sociologue.
Frédéric Marmande, administrateur au sein de la FPP, le confirme : « La piscine s’est miniaturisée tout en s’enrichissant. Elle fait aujourd’hui en moyenne 29 m² contre 42 m² avant 1991. Mais elle est mieux équipée, plus ludique, plus connectée ».
La domotique, les robots nettoyeurs (présents dans 8 piscines sur 10), les systèmes de chauffage ou d’éclairage LED sont de plus en plus plébiscités. Et les bassins s’adaptent : profondeur réduite, escaliers intégrés, margelles chauffantes, filtres basse consommation.

« Dans les années 70, on était des aventuriers »

Derrière cette démocratisation se cache un travail de fond : celui de la Fédération des Professionnels de la Piscine et du Spa. « Dans les années 70, on était des aventuriers. La Fédération a créé des contrats types, imposé les assurances, défini les bonnes pratiques. Elle a construit la profession de piscinier » raconte Philippe Bach.
La création du Brevet Professionnel Piscine en 1997 est un jalon majeur. Il forme chaque année de nombreux techniciens, spécialisés en chimie de l’eau, hydraulique et électricité.
Les labels Propiscines®, Qualipiscine® ou ProAbris® garantissent aujourd’hui un savoir-faire reconnu. La France fait figure d’exemple en Europe, tant par la formation que par la structuration des entreprises.

« Les familles modestes peuvent désormais rêver d’une piscine »

La piscine n’est plus un luxe. Une étude de 2022 montre que 23% des possesseurs de piscines enterrées sont employés, ouvriers ou agriculteurs. Une hausse de 9 points en 4 ans. « Les familles modestes peuvent désormais rêver d’une piscine, et y parvenir » se réjouit Stéphane Figueroa, président de la FPP.
Même dans les quartiers populaires ou les zones rurales, le phénomène se développe. Jean Viard le dit autrement : « Ce n’est plus seulement un objet de propriété, c’est un objet de lien. Ma piscine a vu passer des dizaines d’enfants du voisinage, des amis, de la famille… Ce n’était pas seulement ma piscine, mais un lieu partagé ». 
Parfois même, ces piscines deviennent collectives. Le sociologue partage une anecdote éloquente à ce sujet : « Un prof de sport m’a demandé s’il pouvait venir avec un groupe pour apprendre à nager. Il vient deux fois par semaine. C’est devenu une piscine d’apprentissage ».

Une consommation de seulement 7 m³ d’eau par an

« Il y a une bataille culturelle à mener. Il ne faut pas que la piscine soit vue comme un loisir de riche, déconnecté de l’écologie », alerte-t-il cependant. La profession prend le sujet à bras-le-corps. Dès 2006, une Commission Développement durable est créée. En 2023, 400 entreprises signent une charte sur la réduction de la consommation d’eau.
Et les chiffres sont là : une piscine bien entretenue, couverte et avec hivernage actif, consomme moins de 7 m³ d’eau par an. « Soit l’équivalent de l’arrosage d’un jardin » rappelle Frédéric Marmande. Les abris permettent de réduire jusqu’à 95 % l’évaporation, et les systèmes de récupération d’eau de pluie se multiplient.
« On entre dans une ère où c’est la nature qui fait l’histoire. Le politique ne tire plus la charrette, c’est le climat. La piscine doit s’inscrire dans cette nouvelle pensée » conclut Jean Viard.

Une dynamique intacte malgré les aléas

L’année 2024 a connu un repli de 16 % des livraisons, du fait d’une météo défavorable, d’un contexte géopolitique tendu et d’une baisse des transactions immobilières. Cependant, le socle reste solide. « C’est un marché cyclique mais structurellement porteur » assure Gilles Mouchiroud. Et les Français restent enthousiastes : 40 % de ceux qui ont un terrain piscinable envisagent de se jeter à l’eau.
Le prochain Salon Piscine Global, prévu en 2026 à Lyon, s’annonce comme un grand rendez-vous d’innovation. « C’est le plus beau salon mondial du secteur. La France y tient son rang de leader » souligne Alexandra Moncorgé, directrice du salon Piscine Global.

« À chaque mise en eau, c’était un moment de bonheur »

Philippe Bach résume avec émotion : « J’ai été installateur, puis fabricant. Et à chaque mise en eau, c’était un moment de bonheur. Vendre une piscine, c’était vendre une parenthèse, un rêve ».
Ce rêve est devenu accessible. Il est aujourd’hui ancré dans les modes de vie français. Une pièce à vivre, un lieu d’apprentissage, un outil de lien social, un prolongement du chez-soi. Et peut-être, plus que jamais, une réponse aux besoins de lenteur, de plaisir et de reconnexion.

© FPP / Decryptis 2022

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