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Le salaire par anticipation

par laurence

De plus en plus de salariés sollicitent leur employeur pour obtenir de l’argent avant la fin du mois. Certains réclament aussi une aide, sans lien avec leur salaire. Chaque cas réclame une réponse adaptée pour éviter les problèmes de trésorerie.
Texte : Françoise Sigot

Confrontés à des difficultés passagères ou plus pérennes, certains salariés sollicitent leur employeur pour un versement de leur salaire par anticipation. Ces derniers mois, la crise a visiblement amplifié ces demandes. Nombre de chefs d’entreprise se voient donc obligés de s’organiser pour répondre aux sollicitations de leurs salariés. Face à une telle requête, plusieurs solutions sont possibles en respectant les règles juridiques prévues à cet effet. Il s’agit donc de définir si le versement d’un salaire par anticipation prendra la forme d’une avance, d’un acompte ou d’un prêt. Ces options n’engagent pas l’employeur de la même façon, car chacune est soumise à des obligations différentes. En revanche, quelle que soit l’organisation mise en place, mieux vaut demander au salarié de formuler sa demande par écrit, même si la loi ne l’y oblige pas. Mieux vaut aussi en retour adresser un courrier expliquant comment vous entendez procéder pour répondre à une demande de versement de salaire par avance. Cela étant, même si la loi prévoit plusieurs formules, il est parfois possible de refuser d’accéder à une demande de versement par anticipation. Reste que dans la majorité des cas, l’employeur accepte la sollicitation de son salarié. Dès lors, il opte pour l’une des trois solutions en vigueur.

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L’avance

C’est sans aucun doute la formule la plus couramment mise en place par les employeurs pour verser un salaire par anticipation. La plus répandue, car la plus avantageuse pour les salariés. En effet, l’avance sur salaire est le paiement anticipé d’une partie du salaire qui sera dû pour un travail qui n’est pas encore réalisé. « Avec l’avance, le salarié peut demander tout ou partie de son salaire à n’importe quel moment et sans aucune limite », résume Maître Juliane Rousse-Lacordaire, avocate au barreau de Paris au sein du cabinet éponyme.

Dans la pratique, la majorité des salariés demandent le paiement de quelques jours, mais certains sollicitent également, de leur bon droit, le paiement de l’intégralité de leur salaire le 1er de chaque mois. On l’aura compris, cette pratique est risquée. C’est pourquoi le législateur l’a encadrée. Du moins partiellement. La demande d’avance doit en effet être faite par écrit. « L’employeur n’est pas tenu de répondre dans un certain délai. Il n’est pas non plus obligé de motiver son refus, sauf si la convention collective à laquelle est rattachée son entreprise le lui impose. Enfin, il n’est pas tenu au respect d’un formalisme précis, il peut donc simplement répondre oralement à son collaborateur, même si, en cas de litige, il est toujours bien plus confortable d’avoir un écrit », explique l’avocate. Pour verser l’avance, l’employeur procède à un simple virement ou à une remise de chèque, qu’il n’est pas tenu d’accompagner de la remise d’un bulletin de salaire.

En revanche, le montant de l’avance et la date à laquelle elle a été versée au salarié doit impérativement figurer sur le bulletin de salaire mensuel. Sur le papier, la formule semble aisée à mettre en œuvre. Sur le terrain en revanche, elle peut être délicate à manier, au moment de rembourser cette avance, si employeur et salarié se séparent avant que le travail correspondant à l’avance n’ait été fait. Le remboursement de l’avance par retenues sur salaire est en effet limité à un dixième du montant du salaire. « Cela étant, en cas de licenciement, l’employeur pourra compenser le solde du montant dû au titre de l’avance avec l’indemnité de licenciement qui n’a pas un caractère salarial ou d’éventuels dommages et intérêts auxquels il serait condamné dans le cadre d’une procédure », souligne Me Rousse-Lacordaire. Reste que, si aucune indemnité n’est due en cas de licenciement pour faute grave par exemple, l’employeur doit très souvent recouvrer la somme avancée par voie amiable ou judiciaire. C’est pourquoi, beaucoup d’employeurs préfèrent l’acompte à l’avance.

L’acompte

Une des formules les plus courantes de versement anticipé du salaire est l’acompte. Reste que celui-ci ne peut être accordé qu’à un salarié titulaire d’un CDI. Par acompte, la loi entend le paiement anticipé du salaire correspondant à un travail qui est en cours. De fait, le montant de l’acompte consenti à un salarié ne peut être supérieur à celui de la rémunération effective au jour où l’acompte est demandé. Ainsi, l’employeur pourra verser aux salariés mensualisés qui en font la demande un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle ou pour une vingtaine de jours à un montant correspondant à 20 journées de travail. En cas de rémunération variable, il appartient à l’employeur de se rapprocher le plus possible du salaire effectivement gagné. En général, une moyenne des derniers salaires perçus par le salarié sur les six derniers mois, voire sur une année, peut servir de base de calcul.

Cependant, dans de nombreux cas, la règle peut être contournée : même si elle n’autorise le salarié à demander un acompte qu’à partir de la quinzaine du mois pour un montant correspondant à la moitié de son salaire mensuel, des dérogations sont souvent observées. « Le salarié et l’employeur peuvent parfaitement convenir d’un acompte d’un montant supérieur », précise Me Rousse-Lacordaire. L’ensemble de ces modalités sont définies par l’article L. 3242-1 du Code du travail et parfois également par la convention collective. Tout employeur qui opte pour le versement d’un acompte doit donc au préalable vérifier si la convention collective dont il dépend fixe une limite haute au montant d’un acompte. Si aucune disposition conventionnelle n’est prévue, la loi s’applique et le salarié peut obtenir au moins une fois par mois un acompte du montant correspondant à la moitié de sa rémunération mensuelle. Face à une telle demande, l’employeur ne peut d’ailleurs pas lui refuser le paiement.

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En revanche, une fois ce premier acompte versé, il peut tout à fait refuser de verser plusieurs autres acomptes sur une période d’un mois. Passé le mois, le salarié peut de nouveau solliciter son employeur pour un nouvel acompte et ce dernier est tenu de lui répondre favorablement au moins une fois. De même, un accord tacite – ou mieux écrit – entre les deux parties concernées peut entériner une telle organisation sur plusieurs mois. Sur le plan pratique, le versement d’un acompte n’impose pas la remise d’un document spécifique, pas plus que celle d’un bulletin de salaire en anticipation. La fiche de paie mensuelle du salarié devra quant à elle mentionner le versement de l’acompte et la date à laquelle celui-ci a eu lieu ainsi que le montant. « Les employeurs ont intérêt à être attentifs à la date à laquelle est effectué le versement de l’acompte. En effet, les sommes versées aux salariés au cours d’un mois à titre d’acompte sont soumises à cotisations et contributions sociales au taux en vigueur lors de leur versement, et non à celui applicable à la date de paiement du solde de la rémunération. Le piège vaut pour les 1er janvier et 1er juillet, dates auxquelles sont en général revus les montants des cotisations sociales », précise Me Rousse-Lacordaire. Il est aussi préférable d’être vigilant sur la forme, même si la loi ne l’impose pas. Ainsi, lorsqu’un employeur est sollicité pour le paiement d’un acompte, il a tout intérêt de demander un écrit à celui qui formule cette demande. Et il a lui aussi intérêt à adresser en retour un courrier mentionnant la façon dont il va procéder pour répondre à la demande et la durée qu’il entend donner à cette organisation. Un tel document évite bien souvent un conflit ou permet le cas échéant de le régler plus facilement, plus rapidement et à moindres frais.

Le prêt

En marge de l’avance et de l’acompte sur salaire, de plus en plus de salariés demandent à leur employeur de devenir leur prêteur. Une telle sollicitation peut sembler surprenante, elle est pourtant parfaitement légale et encadrée.

« Le prêt est un moyen de formuler une demande d’argent sans contrepartie d’un travail », explique Me Rousse-Lacordaire. Comme pour l’acompte, le salarié qui sollicite un prêt de son employeur n’est tenu de respecter aucun formalisme. Le dit prêt peut d’ailleurs être accordé avec ou sans intérêt et son montant peut aller de quelques euros à des sommes colossales. Au regard de la loi, une simple demande orale suffit donc pour que chacune des parties avance ses arguments et se mette d’accord ou pas sur un prêt. Du moins en dessous de 1500 €, somme en deçà de laquelle le prêt peut être accordé sans aucun contrat. Au-dessus de ce montant, en revanche, un contrat de prêt écrit doit faire figurer le montant prêté, les modalités de remboursement, ainsi que les conditions d’exigibilité anticipées. « La rédaction d’un écrit n’est obligatoire que si le prêt dépasse 1500 € ou si le taux d’intérêt est différent du taux légal en vigueur », commente Me Rousse-Lacordaire. À défaut de contrat, rien n’impose au salarié de restituer le solde du prêt, en cas de rupture du contrat quelle que soit la partie à l’initiative de cette rupture. En pratique, quel que soit le montant prêté, un écrit s’impose donc. D’autant que selon l’usage, un prêt consenti par un l’employeur est « une opération exceptionnelle motivée par des considérations d’ordre social ». Plus concrètement, lorsqu’une entreprise se substitue à un établissement de crédit, elle le fait pour aider un de ses salariés à se sortir d’une mauvaise passe ou à faire face à certains imprévus (maladies, décès, accident, etc.).

Le prêt doit donc rester une pratique exceptionnelle. « Sur le plan juridique, s’il accorde un prêt à l’un de ses collaborateurs, l’employeur se retrouve dans le même régime que l’avance. S’il y a défaut de remboursement, et en cas de licenciement, si l’employeur qui a licencié le salarié se trouve condamné à lui verser une indemnité de licenciement ou des dommages et intérêts, il peut opérer une compensation intégrale entre le montant de l’avance et l’indemnité de licenciement et/ou les dommages-intérêts », note l’avocate. Enfin, si le prêt est supérieur ou égal à 760 €, il doit être déclaré à l’administration fiscale par le bénéficiaire ou l’employeur même si ce prêt n’est pas imposable.

Face à la sollicitation de salariés désireux de percevoir par anticipation des sommes par l’employeur, ces trois formules peuvent donc être mises en œuvre, selon les cas, même si le prêt est à manier avec plus de précaution que l’avance ou l’acompte. Non pas parce qu’il est moins sécurisé et expose l’employeur à un risque, mais parce qu’il crée un précédent. Or l’entreprise doit éviter de devenir un établissement de crédit, et plus encore prévenir toute tension entre les salariés due à des inégalités de traitement des demandes de prêt.

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