Interview réalisée le 6 juin 2023
Gérant d’Hénocque Piscines, implanté à Lamorlaye et à L’Isle-Adam, Nicolas Hénocque est également cogérant du groupement EuroPiscine, créé en 1994 et qui regroupe désormais 27 associés répartis
sur toute la France. Il ne peut que constater, avec une inquiétude certaine, un arrêt brutal de l’activité.
Quelles sont les conséquences des arrêtés sécheresse pris un peu partout en France ?
« Avant de répondre en tant que chef d’entreprise, je prends la parole en tant que citoyen et père de famille, et ne peux que m’engager à participer à la préservation de cette ressource qu’est l’eau. En tant que pisciniste, chef d’entreprise, je m’applique à suivre quotidiennement l’évolution des arrêtés sécheresse et les conséquences qui s’y rapportent. Le premier et le deuxième niveau ne nous impactent pas directement. Mais, à partir du troisième, les restrictions deviennent importantes. Au quatrième, tout est stoppé. En somme, nous pouvons exercer notre activité jusqu’au statut “alerte renforcée”, et, au niveau 4 “crise”, tout prélèvement d’eau non prioritaire est interdit, ce qui interrompt notre quotidien de concepteur/constructeur de piscines. Dans le Sud, plusieurs membres d’EuroPiscine ont fortement réduit leur activité de construction. C’est d’autant plus dramatique que les arrêtés courent jusqu’au 31 décembre. Si mes deux départements d’activité passent en “crise”, la question du chômage technique va se poser pour l’ensemble de mes collaborateurs. Vous comprenez aisément que je ne puisse accepter cette situation ! C’est d’autant plus paradoxal que nous nous inscrivions dans une dynamique très positive post-COVID 19. »
Que pensez-vous de ces arrêtés ?
« Nous sommes stigmatisés et mis seuls sur le banc des accusés, alors qu’aujourd’hui EuroPiscine est une marque engagée dans la question environnementale. Les piscines que nous installons sont écoconçues, avec depuis quelques années. Le travail de préservation de cette ressource au cœur de nos préoccupations. La taille des bassins a considérablement diminué. Le traitement également, grâce à la multiplication des contrats d’entretien qui permettent une gestion optimale de l’eau. Aujourd’hui, on ne vide plus une piscine, et cela fait bien longtemps que nous ne vendons plus de bassin sans couverture, donc l’évaporation est minime. Nous travaillons également sur la récupération des eaux de pluie et de nettoyage. Nous cherchons à atteindre l’autonomie. »
L’arrêt de la délivrance des permis de construire vous a-t-il impacté ?
« Non, cela reste anecdotique. Nous bénéficions sur ce point d’une bonne visibilité. Mais il ne faudrait pas que les initiatives de quelques maires fassent jurisprudence. »
L’interdiction de vendre des piscines hors-sol vous semble-t-elle cohérente ?
« C’est totalement absurde, les acheteurs deviennent des e-consommateurs et commandent sur Internet, privant ainsi de ventes les magasins physiques qui emploient du personnel ! Est-ce un nouveau paradoxe que de dénoncer la disparition de magasins de proximité et de n’autoriser que la vente en ligne de certains produits, ou est-ce une réaction épidermique face à l’inquiétude générale quant au dérèglement climatique ? »
Comment réagissent les consommateurs ?
« Eux aussi sont stigmatisés et pointés du doigt. On oublie qu’ils sont avant tout soucieux de la préservation de cette ressource. Les projets de construction sont mis en stand-by, les demandes de devis sont en baisse notable, les clients nous demandent de stopper les chantiers jusqu’à l’automne. Un chantier retardé, c’est de la facturation également retardée et des équipes qui sont en manque d’activité. Ce coup de frein concerne toute la France et pas seulement les départements en manque d’eau. Je m’inquiète pour tous les indépendants. Pour l’instant, nous faisons le dos rond, mais le recul du nombre de prospects aura des conséquences. Dans six mois, la profession sera confrontée à un effet boomerang qui fera des dégâts. Je ne peux pas envisager de finir cette interview autrement que sur une note positive : il est pour moi essentiel de rappeler que tout un chacun peut avoir ou vouloir une piscine, en étant responsable et engagé, et que le professionnel qui l’accompagne partage ces valeurs, ne l’oublions jamais ! »
Propos recueillis par la rédaction
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