Depuis plusieurs semaines, des informations alarmantes remontent du terrain : l’hiver plus que maussade et le printemps pluvieux ont chassé les clients des magasins. Nous avons donc enquêté pour dresser un bilan météo du premier semestre et analyser comment les professionnels y font face.
Une météo dépendance qui fait du mal
Météo France dresse un constat sans appel. Après des années de sécheresse, de nombreux épisodes pluvieux, souvent abondants, ont concerné le pays au cours des mois de mars, avril et mai 2024. Avec une anomalie de +45 % en précipitations (normales 1991 – 2020), le printemps 2024 se classe au 4e rang des printemps les plus pluvieux depuis le début des mesures en 1959, derrière les printemps 2001 (+57 %), 1983 (+52 %) et 2008 (+47 %) ». La France a subi un déficit d’ensoleillement de près de 20 % et même de 30 % dans le Nord-Est.
« C’est la première fois que je vois un hiver aussi long. Il a commencé le 15 octobre pour s’achever fin mai », se constate Benjamin Talbot, patron d’Atelier Piscine. « Et pendant ces long mois, rien ne s’est passé. Un calme plat. Impossible d’attirer des clients dans le magasin ».
Il a plu longtemps et fort selon Météo France, avec « des inondations ou coulées de boue en Bourgogne, dans le Centre- Ouest, en Lorraine, en Alsace, dans l’Aisne, etc.). Sur le Poitou, les Charentes, le nord de l’Alsace et la Lorraine ainsi que sur les Cévennes ardéchoises ou encore la Côte d’Azur, il est tombé deux fois plus de pluies que la normale. ».
Le mois de mai restera comme le mois le plus pluvieux depuis 2013 poursuit Météo France. « Les précipitations sont excédentaires sur la quasi-totalité du territoire. Les cumuls sont parfois deux fois supérieurs à la normale sur le Centre- Ouest, ou encore près des frontières allemandes ».
Malgré la pluie et le manque de soleil, les températures restent pourtant globalement supérieures aux normales en moyenne sur la saison, avec une anomalie de +0,8° par rapport aux normales 1991-2020. De brefs épisodes de chaleur ont fait monter le thermomètre à 32° le 6 avril dans les Pyrénées- Atlantiques, 26° à Paris le 13 avril, 28° dans le Bas-Rhin le 1er mai et 27,6° à dans le Nord. L’eau dans les bassins a donc dépassé le seuil au-delà duquel il faut impérativement la traiter. Mais comme beaucoup de piscines sont restées bâchées, de mauvaises surprises attendaient les propriétaires ayant opté pour une mise en service tardive. « Certains sont un peu perdu car ils ont retardé l’ouverture de leur piscine en raison de la pluie. Mais comme les températures ont tout de même un peu grimpé, ils se retrouvent en difficulté avec des bactéries dans l’eau. Nous faisons beaucoup d’analyses en ce moment », explique Benoît Neveur, président d’Aqua Systèmes.
Des conséquences contrastées
Le premier semestre 2024 laissera des traces dans les bilans des pisciniers. Le recul en termes de chiffre d’affaires évolue entre -10 % et -50 %.
Souvent trait-d’union entre l’activité chantiers et le consommateur, le magasin constitue un excellent baromètre de la santé du secteur de piscine. Point de vente et de contact, lieu d’information, voire de formation, centre de services, son importance ne se résume pas à la part du chiffre d’affaires qu’il génère. La plupart des pisciniers l’ont bien compris : le magasin est un outil de fidélisation.
Le rythme des constructions neuves chute depuis deux ans. Il faut donc trouver de nouveaux relais de croissance. Or, c’est bien souvent dans le magasin que des liens de confiance se créent, débouchant plus tard sur des chantiers de rénovation ou des contrats de maintenance. Dans notre enquête, les acteurs disposant d’un solide portefeuille de clients sous contrat sont ceux qui ont le moins souffert de la météo exécrable de ce printemps.
À l’inverse, la clientèle de passage, par nature la plus volatile, s’avère la plus réactive aux aléas climatiques. « Heureusement, beaucoup de nos clients ont signé un contrat d’entretien » se félicite Pauline Bessard, directrice du magasin Bessard Piscines. « Nous avons ouvert leurs piscines dès que les températures ont commencé à monter. Donc, finalement, notre chiffre d’affaires de s’est pas effondré. ».
Informations et formations
La simplification du parcours d’achat et la scénarisation jouent un rôle important, avec la généralisation des showrooms, des bornes interactives. L’aménagement, l’organisation, la valorisation génèrent des achats émotionnels. Mais encore faut-il que le client se déplace. Des solutions existent le motiver. Ainsi, les formations gratuites à la gestion de l’eau, à la remise en route ou en hivernage constituent un excellent outil de fidélisation et habituent les consommateurs à pousser la porte du magasin.
Pratiquement tous les acteurs interrogés insistent sur l’importance du conseil, du contact humain. Un client ne doit pas ressortir sans avoir échangé avec un vendeur, assisté à une démonstration, s’être vu remettre une documentation et surtout avoir donné ses coordonnées.
Beaucoup opposent d’ailleurs cette volonté de faire du « sur-mesure » à la vente sur Internet qu’ils considèrent comment trop déshumanisante. Pourtant, bien conçu et bien encadré, le e-commerce a des avantages incontestables : gain de temps, facilité de recherche, commande à toute heure, lecture des avis clients, possibilité de se faire livrer… « Nous avons créé notre e-boutique au moment du Covid. En termes de chiffre d’affaires, elle ne représente pas grand-chose, mais elle nous permet de capter un nouveau public. » reconnait Céline Coutard, co-gérante d’Hydramat Piscine & Spa.
Continuer à séduire
Quand la météo incite la population à rester bien au chaud, des actions promotionnelles peuvent-elles remettre la piscine au centre des préoccupations ? Plusieurs pisciniers interrogés ont carrément annulé ou retardé leurs opérations marketing, guettant dans leur starting-block le retour du soleil.
D’autres ont, au contraire, allongé les périodes de promotion, mis en place des packages. Les fournisseurs eux-mêmes sont venus à la rescousse, accompagnant parfois les initiatives, en accordant des facilités de trésorerie notamment.
Malheureusement, à de rares exceptions près, les « réactifs » ont vu leur dynamisme mal récompensé. Mais en période de disette, même rare, toute vente reste bonne à prendre. Tous les professionnels interrogés s’accordent pour constater que fin mai, la saison n’avait toujours pas commencé, avec très peu de passage en magasin, en revanche un bon panier moyen.
LES PYRÉNÉES-ORIENTALES, LA GUADELOUPE ET UNE PARTIE DE L’AUDE RESTENT DANS LE ROUGE
Après deux années d’une dure sécheresse, les Pyrénées- Orientales affichent, comme les autres départements français, une pluviométrie excédentaire « bénéfique pour la végétation et les couches superficielles des sols » analyse Météo-France. Malheureusement, la pluie est arrivée trop tard et sur des terrains trop secs pour recharger les nappes. Le 14 juin 2024, le BGRM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) notait que « du fait d’une recharge très excédentaire et perdurant jusqu’en mai, l’état des nappes phréatiques est très satisfaisant sur une grande partie du pays. 70 % des niveaux sont au-dessus des normales. Seules des nappes très inertielles (Beauce, Sundgau, Bresse et Dombes) ou des secteurs présentant une recharge déficitaire (Roussillon, Aude et Corse) enregistrent des niveaux défavorables ». Le 18 juin 2024, la carte publiée par Vigieau.gouv plaçait en situation de crise l’Aude, les Pyrénées Orientales et la Guadeloupe, en alerte renforcée l’Ain et l’Hérault, et en alerte la Haute Corse et la Martinique.
RAPPELS :
Alerte : réduction de tous les prélèvements en eau et interdiction des activités impactant les milieux aquatiques ; restrictions en matière d’arrosage, de remplissage et de vidange des piscines, de lavage de véhicules et d’irrigation de cultures.
Alerte renforcée : idem que le niveau alerte avec des restrictions renforcées.
Crise : interdiction des prélèvements en eau pour l’agriculture (totalement ou partiellement), pour de nombreux usages domestiques et pour les espaces publics).