La Compagnie des Salins du Midi et de l’Est (CSME) dispose de marques très connues du grand public. Moins identifiée pour ses gammes de sels techniques, elle est cependant présente depuis longtemps sur d’autres marchés dont celui de la piscine ; entre contraintes réglementaires, développement de la concurrence et du marché, où en est le Groupe aujourd’hui ? Et quelle est sa proposition de valeur pour le marché de la piscine ? Entretien avec Laurent Mathieu, responsable grands comptes, et Arnaud Massel, responsable technique et réglementaire chez Salins du Midi.
Propos recueillis par Sébastien Carensac
Pouvez-vous nous en dire plus sur Salins ?
La Compagnie des Salins du Midi est une entreprise créée en 1856. En 1968, elle fusionne avec les Salines de l’Est et du Sud-Ouest pour donner naissance à la compagnie telle que nous la connaissons aujourd’hui sous le nom de CSME. L’histoire de l’entreprise a été jalonnée de nombreux rachats et fusions. Elle dispose dorénavant de sites de production en Espagne, en Italie, Tunisie (3 sites de production), au Sénégal et, depuis récemment, au Portugal et en Slovénie.
Fort de 1 800 collaborateurs dans le monde, dont 600 personnes en France, et avec une présence dans plus de 80 pays, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros en 2019.
Quelles sont les spécificités de Salins ?
Même si l’activité du groupe Salins est uniquement basée sur la production de sel, celui-ci est commercialisé sous toutes ses formes pour toutes les utilisations possibles : en sel de table, pour l’industrie, l’agro-alimentaire, le déneigement ou l’agriculture (complément alimentaire pour les animaux) et, bien-sûr, pour la piscine… soit près de 14 000 façons de l’utiliser. Déjà fabriqué à l’époque romaine, le sel est extrait soit de la mer soit du sous-sol. En France, le groupe produit du sel selon les 3 méthodes existantes à ce jour :
À Dax (40), le sel raffiné appelé également sel igné, est extrait de gisements souterrains à plus de 140 m de profondeur, dépôts d’une mer depuis longtemps disparue, par injection d’eau douce pour dissoudre l’halite, composée à 93 % de sel, avant d’être remonté en surface sous forme de saumure (eau salée fortement concentrée), puis évaporée pour obtenir un sel d’une pureté supérieure à 99,9 %. Ces sels raffinés, les plus purs, sont majoritairement destinés aux utilisations techniques, en général, et au traitement de l’eau et à celui de la piscine en particulier. AquaSwim Acti+ en fait partie. C’est un sel auquel nous avons ajouté un stabilisant, un séquestrant calcaire et un séquestrant ferreux.
À Nancy (54), le sel dit « gemme » est extrait de la dernière mine de sel française en concassant des blocs issus, eux aussi, d’anciens océans évaporés. Ce type de sel est principalement utilisé pour le déneigement. Enfin, à Aigues-Mortes (30) et Salin-de-Giraud (13) est produit le sel de mer par évaporation de l’eau des marais salants. Aujourd’hui, la capacité de production de l’ensemble du groupe dans sa totalité est de 4 millions de tonnes de sel par an.
Les produits Salins ?
Salins a été une entreprise pionnière en étant le premier acteur du sel à s’intéresser au marché de la piscine à la fin des années 80 quand les systèmes d’électrolyse se sont développés. C’est en effet en 1992 que nous avons lancé une innovation majeure : AquaSwim. Ce véritable produit de traitement est le porte-drapeau de notre gamme de sels pour piscine et a fait l’objet d’un brevet. Depuis, la gamme s’est élargie avec des produits 2 en 1, puis 3 en 1 et enfin 4 en 1 avec une fonction sel, un stabilisant pour prolonger la durée de vie de l’électrochlorateur, une action anticalcaire et une action anticorrosion pour protéger les parties métalliques de la piscine : l’AquaSwim Acti+.
Nous nous sommes également adaptés au marché en travaillant sur nos conditionnements. À la demande des pisciniers qui demandaient des conditionnements plus petits, nous proposons désormais depuis 2019 des sacs de 25 kg, le format classique pour les magasins et la mise en route des piscines, mais aussi des sacs de 18 kg pour le réapprovisionnement, destinés aux particuliers.
Notre objectif est d’amener de la valeur à nos clients avec des produits toujours plus adaptés au marché de la piscine, des produits techniques qui demandent un savoir et un savoir-faire que seul le piscinier peut apporter à son client. Nos produits professionnels ne sont d’ailleurs vendus que dans les réseaux professionnels.
Nous avons constaté un phénomène intéressant avec le confinement : un transfert non négligeable des volumes de la GSB vers le marché professionnel. Nous avons la volonté en 2021 de capitaliser sur ces transferts de volume pour qu’ils restent sur le marché professionnel et travaillons sur des stratégies en ce sens.
L’innovation est-elle encore possible sur le sel ?
L’innovation n’est pas forcément évidente avec un produit relativement simple. Nous sommes également gênés dans notre volonté d’innovation par la réglementation, notamment sur les produits biocides. Il est donc de plus en plus compliqué de tester toutes nos idées sachant qu’il faut d’abord passer par la case réglementaire, ce qui perturbe la R&D. Malgré cela, nous travaillons au quotidien pour proposer à nos clients une offre toujours plus complète. En 2020, nous avons lancé un TAC+ à base de bicarbonate de sodium. Pourquoi ? On le sait peu, mais c’est un produit dont 70% du process est commun avec celui du sel.
En 2021, nous présenterons un produit à base de cristaux de magnésium parfumés, extrait de nos bassins d’eaux mères après que le sel ait été récolté. Il s’agit d’un produit d’agrément et de confort pour le spa et le bain qui sera disponible sous 3 formulations différentes arborant chacune un parfum subtil pour plus de bien-être. Le produit sera commercialisé sous la forme d’un pot de 600 grammes. Nous sommes très à l’écoute de ce qui se passe sur notre marché support. Nous échangeons avec les fabricants d’électrolyseurs. Cela nous permet, en fonction des évolutions de leurs appareils, de mesurer l’impact de notre sel et nous apporte des informations sur le marché. Actuellement nous travaillons sur le sujet des électrolyseurs basse salinité, des appareils faits pour travailler avec un faible taux de sel.
Quel est l’impact de la réglementation sur vos produits ?
La réglementation pose des jalons différents de ce que nous connaissions. Depuis la révision de la directive sur les produits biocides début des années 2010, les précurseurs de substance biocide sont maintenant pleinement concernés par ces démarches, nous entraînant à poser des requêtes pour obtenir des autorisations de mise sur le marché pour nos produits. Nous sommes intimement liés aux fabricants d’électrolyseurs qui sont aussi concernés par cette nouveauté. Tous nos produits, additivés ou non, sont aujourd’hui en cours de dépôt auprès des instances européennes, ce qui n’est pas sans conséquences financières, mais également d’implication, tant cette démarche est jonchée d’obstacles.
La Compagnie des Salins du Midi est pleinement impliquée dans les commissions et les travaux autour de cette réglementation au niveau national et européen. Cette implication nous a permis de continuer à commercialiser nos produits tout en entreprenant les démarches nécessaires pour s’y conformer. Nous avons également obtenu de la part de la Commission Européenne de pouvoir aménager la démarche pour qu’elle puisse être réalisable, ce qui n’était pas le cas au départ. Nous travaillons sur le sujet depuis 7 ans maintenant avec la volonté d’arriver à son terme d’ici 3 ans.
Dans le futur, les rejets d’eau de piscine traitée pourraient être concernés par la réglementation. Nous serons, comme toujours depuis plus de 30 ans, impliqués dans ces sujets vitaux pour un secteur d’activité tout entier.
Quelles sont vos actions en faveur de l’environnement ?
Il faut savoir que la Compagnie des Salins du Midi est le premier propriétaire terrestre privé de France. Pour vous faire une idée, il faut savoir que la surface de notre site d’Aigues-Mortes est équivalente à celle de Paris intramuros. Des espaces qui abritent une faune et une flore singulières et spécifiques aux marais salants – leur résident le plus connu restant le flamand rose, emblème de la Camargue. La société doit également s’occuper d’une grande partie du cordon littoral méditerranéen. Elle doit en assurer la pérennité pour permettre de garantir, pour les prochaines décennies, le parfait équilibre entre nature et récolte du sel des espèces qui s’y sont développées grâce à la production de sel. Le Groupe est ainsi impliqué dans la préservation de l’environnement avec des programmes et des actions environnementales et travaille avec des scientifiques pour suivre et étudier les populations d’oiseaux migrateurs nichant chaque année sur le salin par exemple.
Qui sont vos concurrents ?
Nous sommes les seuls producteurs de chlorure de sodium français à travailler dans l’univers de la piscine aujourd’hui. Tous les autres acteurs sont étrangers ou sont des importateurs, ce qui pose certaines problématiques, comme la pureté du sel. Il existe une norme au niveau européen, la EN 16401, qui est une norme d’application volontaire et n’a donc rien d’obligatoire, mais qui permet de garantir la qualité d’un sel aux consommateurs afin qu’ils l’utilisent en toute tranquillité. Cette norme précise notamment des concentrations limites à respecter pour des éléments comme le fer, le manganèse, le magnésium ou le calcium afin d’éviter, par exemple, des taches sur les revêtements.
Autre problématique, les sels sont des produits pondéreux. Ce sont des produits dont on a besoin sur une période très courte. Ce qui fait notre force et notre ADN, c’est notre proximité. Nous fabriquons tous nos produits sur le territoire français avec un maillage idéal en termes de sites de production grâce à nos implantations dans le Sud-Ouest à Dax, à Aigues-Mortes dans le Sud-Est et à Varangéville dans le Nord-Est. Nous avons ainsi une proximité avec nos clients, ce qui est une vraie force pour les servir dans un délai très court.
Tous nos produits sont certifiés Origine France Garantie. Nous avons cependant la volonté de faire plus que déclarer une qualification française et faisons le pari de leur fournir un certificat avec un référentiel bien défini, afin de prouver, justifier et valoriser cette fabrication française, pour la rendre exempte de toute question.
Comment travaillez-vous avec vos clients ?
Nous travaillons en partenariat avec les réseaux, les distributeurs et les « gros » pisciniers. En effet, comme notre métier est de livrer des camions complets et que cela représente des volumes importants en termes de stockage, il est difficile pour les pros de stocker toute une commande.
Nos clients ont la possibilité de panacher leur commande sur l’ensemble de notre gamme de produits pour piscine avec du sel premium, l’AquaSwim Acti+, mais aussi avec nos autres sels de milieu ou entrée de gamme. Nous travaillons également en marque distributeur, principalement sur des produits d’entrée et de milieu de gamme.
Notre production est organisée sur la base de prévisions de volumes afin de disposer des stocks nécessaires pour la saison avec des volumes mensualisés en accord avec les clients.
Cette année, la Covid-19 a fortement perturbé l’activité entre le confinement, le travail à domicile pour nos équipes et les clients qui voulaient tous ouvrir leur piscine en même temps, d’où un nombre très élevé de commandes. Nous avons réussi à ne pas fermer les usines, à sécuriser nos stocks, et à continuer à fonctionner, même si cela l’a parfois été dans un mode un peu dégradé et avec des délais plus longs.
Nous réfléchissons actuellement à de nouvelles manières de servir le client à l’avenir et trouver des solutions logistiques grâce notamment aux nouvelles technologies.
Quelles sont les perspectives d’évolution du marché ?
Deux paramètres laissent entrevoir de bonnes perspectives d’avenir pour le marché :
• L’évolution du marché de la construction de nouveaux bassins qui se développe bien, tous les ans,
• Le nombre de bassins équipés d’un électrolyseur au sel, un traitement qui équiperait, d’après notre estimation, près de la moitié des bassins. Le marché est structurellement orienté dans cette direction, ce qui nous offre des perspectives de développement intéressantes en termes de volume.
Nous sommes donc optimistes. Le sel est un produit qui, associé à un électrolyseur, est facile à utiliser pour les consommateurs et sans trop de contraintes techniques. Nos produits formulés, quant à eux, nous permettent d’apporter de la valeur ajoutée au marché face à nos concurrents.
Enfin, une vraie notion d’environnement arrive et devrait progresser dans les prochaines années. Elle va nous contraindre à agir ou réagir en fonction de ce qui nous sera demandé, notamment en termes d’emballage.
Notre produit est conditionné dans du plastique aujourd’hui et le sera probablement demain dans une autre matière. La réduction des teneurs en plastique dans les emballages est l’une des grandes préoccupations de notre service achat et nous amène à une réflexion d’ensemble sur tous nos produits. Nous continuerons à participer aux travaux du secteur au sein des commissions de la FPP (Commission Hygiène, Sécurité, Environnement, commission Environnement) pour contribuer au développement de documents nationaux et européens dans le but d’assurer la pérennité de l’activité piscine au cours des prochaines années.