Les enjeux écologiques actuels orientent de plus en plus de clients vers un bassin écoresponsable. Qui dit « piscine écologique » dit notamment utilisation de matériaux durables. Parmi eux, nous pouvons citer le béton bas carbone, le liner sans phtalate, l’aluminium, le polypropylène… La liste est longue. Pour mieux comprendre leurs avantages, nous avons interrogé un large spectre de professionnels : fabricants de piscines, piscinier, formateur et cimentier. Zoom.
Entretiens avec…
➜ Un formateur : David Browarek
➜ Des constructeurs de piscines et de spas : Isabelle Mesny (Carré Bleu) / David Moreau (l’esprit piscine) / Laurent Rivals (Piscine Aluminium chez Aquamaster) / Jean-François Aufrère (Jacuzzi)
➜ Un piscinier : Olivier Marand (Design Piscines & Spas et Sud Terrassement
➜ Un cimentier : Virginie Reneuve (Ciments Hoffman)
Interview de Virginie Reneuve
Responsable du Développement Commercial Région Centre Val de Loire et Vienne pour Ciments Hoffmann
« L’empreinte carbone de notre ciment est divisée par 3,5 par rapport au ciment Portland »
La production de ciment est-elle véritablement polluante ?
Chaque année, 4,6 milliards de tonnes de ciment sont produites dans le monde. Cela représente 7 % des émissions totales de CO2, soit trois fois plus que le transport aérien. La production de ciment est ainsi très polluante.
Quel type de ciment est actuellement le plus utilisé dans le monde ?
Il s’agit du ciment Portland, qui compte différentes typologies (CEM I, CEM III, CM V, CM VI, etc.). Au sein d’immenses carrières, de la roche massive (principalement du calcaire) est extraite, puis broyée. Elle est ensuite cuite au sein de fours rotatifs (d’une température de 1450 °C) durant 18 h. Ce process produit du clinker, la matière première du ciment Portland.
La mise en chauffe des fours, nécessaire à la calcination du calcaire, est responsable de 50 % des émissions de CO2. L’autre moitié s’explique par la décarbonatation naturelle de la roche. En effet, à l’instar du bois, le clinker capte du CO2 durant toute sa durée de vie. Lorsqu’il est mis en chauffe, il relargue la totalité du dioxyde de carbone. Une tonne de clinker produite équivaut ainsi à l’émission d’une tonne de CO2.
Quelle innovation proposez-vous afin de réduire l’empreinte carbone du ciment ?
Nous avons créé un ciment bas carbone 0 % clinker. Il s’agit d’une solution de rupture, permise grâce à notre fabrication à froid. Contrairement aux cimentiers traditionnels, nous ne disposons d’aucun four et d’aucune cheminée. Ainsi, nous ne produisons pas de clinker.
Notre process repose sur la revalorisation de déchets. Nous revalorisons des déchets issus de l’industrie, de la métallurgie, ou encore des laitiers de hauts fourneaux. Nous utilisons également des argiles flashés, du gypse (déchets de chantiers de plâtre) ainsi que des désulfogypses (déchets de centrales électriques).
Quel est votre process de fabrication ?
Notre site de fabrication, situé à Bournezeau en Vendée, est entièrement automatisé et 4.0 : nous utilisons 50 % d’énergies renouvelables et aucun déchet issu de la fabrication n’est produit. Des trackers solaires permettent de faire fonctionner l’ensemble de notre site de production.
Nous disposons de deux usines, H1 et H2. Notre nouveau site H2 dispose d’un modèle vertical, avec une tour de 70 m de haut, en coffrage glissant. Les produits arrivent par camion, se branchent à la tour, montent grâce à un air pulsé à 70 m de haut, puis sont stockés dans 18 silos en béton. Après 35 m de chute, ils sont mélangés dans un malaxeur. Nous pouvons donc produire plus de 400 000 T/an de ciment avec H2, et plus de 50 000 avec H1.
Vous produisez 3 types de ciments. Pourriez-vous nous les présenter ?
➤ Le ciment H-UKR. Il s’agit de notre technologie la plus avancée. Ce ciment certifié est notamment destiné aux centrales à béton.
➤ Le ciment H-IONA. Il s’agit d’un produit sur-sulfaté, à base de laitiers de hauts fourneaux.
➤ Le ciment H-EVA, technologie à base d’argile activée.
Quelle est l’empreinte carbone de votre ciment bas carbone par rapport à un ciment traditionnel ?
Notre ciment H-UKR affiche une empreinte carbone de 252 kg CO2 éq/tonne. Le ciment CEM I Portland est quant à lui beaucoup plus polluant, avec un résultat de 880 kg CO2 éq/tonne. Leur ciment bas carbone – le CEM III – propose une empreinte carbone de 500 kg CO2 éq/tonne. Notre solution est donc deux moins émettrice de CO2 que le ciment Portland le plus « vert. »
Prenons un exemple appliqué à la piscine. Un bassin de 8 m x 4 m nécessite 11 m3 de béton. Grâce à l’utilisation de notre ciment, 1 T de CO2 est économisée par rapport à l’application d’un ciment Portland. Cela représente 8 ans de chauffage électrique au m² !
Quels sont les domaines d’application de votre ciment ?
Ils sont très nombreux ! Nous pouvons citer le logement collectif, les bâtiments tertiaires, les superstructures (planches, poutres…) l’infra (fondations superficielles, aménagement extérieurs (drainants, etc.) ainsi que le secteur de la piscine. Notre ciment s’applique au remplissage du coffrage, des murs et du radier. Il peut aussi être utilisé pour les voiles, les marelles, les plages de piscine et la terrasse.
Ayant validé toutes les classes d’exposition, nous sommes habilités à nous rendre sur l’ensemble des chantiers. Nos ciments disposent de plusieurs fluidités. Au niveau de la classe de résistance, nos solutions sont C50-60, c’est-à-dire qu’il résistent à 50-60 MPa. À titre de comparaison, la réglementation impose 25 MPa pour une fondation de maison. Nos équipes ont également réalisé des études de maturométrie, afin de mettre au jour les cycles de prise de notre ciment. Les résultats ont montré que notre innovation est identique à un ciment C2, c’est-à-dire un ciment traditionnel accéléré en temps hivernal.
Votre groupe a récemment ouvert son activité au secteur de la piscine, comme l’a illustré votre partenariat avec Piscines Magiline, acté à la fin de l’année 2024. Avez-vous tissé d’autres liens avec des pisciniers ?
Pas pour le moment, car nous venons tout juste de lancer cette activité. Nous avons déjà coulé quelques piscines avec le groupe Magiline. Nos équipes ont également collaboré avec Piscines Desjoyaux pour la réalisation d’un bassin en Vendée. À noter également quelques chantiers réalisés avec deux pisciniers indépendants de la région Pays de la Loire.
Propos recueillis par la rédaction
