Dans quelle mesure pensez-vous que le changement climatique aura un impact sur l’activité piscine ?
On le mesure déjà et l’impact sera à plusieurs niveaux.
• Au niveau des consommateurs, d’abord, qui vont procéder à un arbitrage en gardant à l’esprit la préoccupation environnementale. Elle va peser de plus en plus dans leurs choix. Elle est née d’une réalité, le risque de pénurie d’eau, et d’une réglementation plus contraignante avec des restrictions d’eau qui impactent l’usage et le remplissage des piscines en saison ou hors-saison. C’est un enjeu majeur.
• Au niveau de la réglementation et de la normalisation ensuite qui va obliger toutes les entreprises à avoir une « étiquette environnementale ».
• Au niveau du marché : les fabricants doivent s’adapter à la nouvelle demande et proposer les solutions répondant à cette nouvelle donne.
Avez-vous déjà changé certaines de vos pratiques ?
Oui, avec l’écriture en 2019 d’une charte RSE (ndlr : Responsabilité Sociale et Environnementale) construite autour de 4 enjeux stratégiques qui sont intégrés dans la vision économique de notre activité et signés par tous les membres de la direction avant d’être déclinés ensuite en actions de sensibilisation vers les salariés. Cela nous a obligé à modifier nos référentiels et les visions des équipes, à changer nos habitudes y compris avec nos partenaires… c’est le plus dur quand on est un industriel. Introduire un minimum de sensibilité environnementale n’est pas évident. Les principales actions portent sur la sensibilisation, la formation et le recrutement. Il nous a d’ailleurs fallu identifier des responsables HSE, en charge de cette question, dont le rôle est de guider les différents services vers une organisation qui intègre la notion d’impact environnemental partout où elle peut l’être. L’objectif est que cela puisse donner lieu à des propositions concrètes par la suite au niveau industriel, sourcing des matières premières, procédés de fabrication, innovations produits, logistique, gestion des déchets, filières de recyclage, et social, en favorisant, par exemple, le covoiturage grâce à un système de petites annonces épinglées sur des panneaux d’affichage sur chacun de nos sites. Cette démarche a d’ores et déjà eu un impact positif sur notre organisation, encouragé l’innovation et va faciliter notre différenciation en apportant de la valeur ajoutée.
Quelles solutions pour réduire l’empreinte écologique de la piscine ?
Il faut en profiter pour réinventer une partie du métier, pour que le piscinier devienne aussi un conseiller, qu’il ne soit pas simplement un constructeur, qu’il monte en expertise et puisse proposer des prestations spécifiques et qu’il optimise le fonctionnement du bassin en évitant les injections supplémentaires, les consommations excessives…
C’est aussi l’occasion de réinventer l’économie, de rebattre les cartes pour renouveler le secteur et développer son activité, de mieux « consommer la piscine » et de maintenir un niveau de prix garantissant les marges de l’ensemble de la filière. Les moyens qui permettent de réduire l’impact des produits, sont aussi des moyens qui permettent de diminuer les coûts de production.
Une piscine avec un impact maîtrisé n’est donc pas forcément plus chère. Les fabricants doivent réfléchir à la possibilité d’absorber une partie de cette valeur ajoutée sans forcément la faire payer au prix fort en réalisant plus d’investissements dans le système productif, le sourcing, la formation des équipes, la R&D, la fabrication de moules… Le paramètre environnemental ne devrait pas changer les choses et générer de la valeur sans augmentation de prix. Ce serait dissonant. Peut-être y aura-t-il des transferts d’un poste vers un autre grâce à l’innovation et à la demande. Et certainement aussi une démocratisation de la piscine avec des piscines plus respectueuses (ex : un béton plus économe), ainsi que beaucoup d’innovations sur l’usage (piscines partagées, modulables, déplaçables, contrats d’entretien régulier…) et des procédés qui permettraient de réduire l’impact du traitement sur l’environnement avec des bassins de plus en plus autonomes en énergie, en eau et en produits.
Les enjeux de notre filière portent sur :
• la consommation d’eau : maîtrise de l’évaporation une fois le bassin rempli, lavages de filtre les plus économes possibles en eau… ;
• la consommation énergétique avec des innovations, des optimisations et des facilitations ;
• les matériaux et les composants et le choix de filières d’approvisionnement avec des solutions qui assainissent la fabrication de ces éléments ;
• le recyclage et le traitement des déchets dans les usines ou sur les chantiers ;
• la durée de vie des produits.
Quelles autres pratiques faites-vous évoluer ?
Sourcing : nous choisissons les matériaux et les composants selon leur compatibilité, leur assemblage, leur empreinte carbone… dans une logique de simplification. Nous proposons, par exemple, des vases en T ou en L pour une installation efficace par le piscinier, sans élément superflu et sans perte de matière. Pas d’écrans inutiles non plus puisque les clients ont déjà des écrans sur leurs mobiles. Le maximum de choses est géré en soft. Pour le hard, il suffit au piscinier de nous renvoyer le matériel. Nous le réparons pour le remettre dans le circuit, le remplaçons ou l’envoyons en recyclage. Tous les produits doivent intégrer cette composante dans leur conception. Chacun doit également être susceptible d’évoluer. Si nous pouvons remplacer le matériau d’une lame de volet ou élargir au solaire nos motorisations… ce sera toujours un plus. Nous choisissons, enfin, des fournisseurs qui ont les mêmes engagements que nous.
Fabrication : tout d’abord, nous nous efforçons de travailler le plus possible en local. Ensuite, nous avons un logiciel d’optimisation des matières et de gestion des chutes qui permet de réduire les pertes dans un rouleau avec une hiérarchisation des commandes en fonction des coupes. Cet outil nous a permis d’optimiser l’utilisation de nos matières tout en désencombrant l’atelier.
Transport et logistique : nous avons redéfini la taille des produits au regard de leur conditionnement afin de réduire leur encombrement et leur poids. Les clients apprécient les caisses en bois, par exemple, parce qu’elles peuvent être facilement détruites et recyclées à terme. Nous trouvons également des solutions pour optimiser la position des composants dans un seul colis et en mettre le plus possible dans un même camion. Et nous choisissons des transporteurs routiers ou maritimes qui cherchent à réduire leurs émissions.
Maintenance et réparation : sur la dernière gamme Stérilor XP, notre philosophie repose sur le minimalisme. Avec un minimum de composants performants, à la bonne place, pour réduire le volume des boitiers, et un maximum de résultats, avec moins de matière utilisée et un encombrement réduit.
Recyclage : nous avons modifié notre sourcing pour améliorer le recyclage du PVC en travaillant avec une filière de collecte de matériaux. Nous avons un échange qui s’est ouvert avec des fabricants de matières dont les compositions permettraient de réduire l’impact du PVC en rénovation.
Sur Albon, nous valorisons les déchets et les chutes de bulles, qui sont évacuées par packs de 30 palettes via une filière de valorisation située au Pays-Bas. Même principe pour nos liners, où les chutes sont rassemblées dans des caddies pour une valorisation via une filière française. Et bien sûr, pour les autres déchets, le DIB en circuit classique.
Sur Albigès, nous pratiquons une collecte sélective avec valorisation des déchets des matériaux bois, aluminium et PVC via les établissements Nicollin.
Sur A.S. POOL, enfin nous procédons au tri et au recyclage des matières plastiques (par nature et couleur), bois, aluminium, inox, cartons, DEB, via des filières françaises (Veolia, Vinci).
Interview avec Patrick Negro.
Texte : Sébastien Carensac