Des propriétaires consultent souvent leur piscinier alarmés par une baisse du niveau d’eau dans leur bassin et persuadés que celui-ci fuit… Alors, fuite ou pas fuite ?
Une priorité : établir un diagnostic
Avant d’entreprendre la recherche d’une fuite, il conviendra d’établir la réalité d’une perte d’eau anormale. On parle de perte anormale dès lors que la consommation est supérieure à un certain seuil, préalablement défini. Pour cela on se réfère à l’évolution de la hauteur du plan d’eau et non à une perte d’eau en volume. Ainsi, une perte sur un bassin de 50 m² ne sera pas de 15 000 litres/mois ni 0,5 m³/jour, mais de 10 millimètres/jour de diminution de la hauteur d’eau.
Une consommation d’eau normale ?
Toute piscine supporte une consommation d’eau dite “normale‿ due principalement aux facteurs suivants : l’évaporation, la fréquentation de la piscine et les étanchéités, c’est-à-dire la porosité des matériaux.
1. L’évaporation
Contrairement à certaines idées reçues, l’évaporation n’est pas la conséquence de la chaleur et elle peut se produire aussi durant la nuit ! L’évaporation résulte :
• de la différence de température entre l’eau et l’air. La perte d’eau sera potentiellement plus importante avec une température négative de l’air sur un plan d’eau à 8° qu’au mois de juillet avec 40 °C au soleil sur une piscine à 30 °C ;
• de l’hygrométrie de l’air. Au contact de l’eau, l’air sec a tendance à reprendre de l’humidité, cette reprise étant amplifiée par la force du vent.
2. La fréquentation de la piscine
À titre d’exemple, un adulte qui sort de l’eau emporte 3 litres d’eau. Les enfants, avec leurs jeux et leurs plongeons, entraînent une quantité d’eau non négligeable sur la plage. Il faut savoir également qu’un contre-lavage du filtre entraîne une perte d’eau minimum de 1 m³.
3. La perte normale
Les matériaux servant à l’étanchéité du bassin sont plus ou moins perméables. Le liner, par exemple, est imperméable à l’eau mais pas à la vapeur d’eau. Pour une piscine de 10 m × 5 m, avec une surface de parois et un fond de 80 m², on estime la perte à environ 2 litres par jour soit presque 800 litres par an.

La baignade et les jeux d’enfants entrainent une consommation d’eau dite normale.
Comment quantifier une consommation normale ?
En dehors d’une alimentation automatique couplée à un compteur d’eau, il est quasiment impossible de quantifier le volume d’eau consommé par la fréquentation de la piscine. Le contrôle de la consommation pourra donc seulement se faire hors baignade.
Calcul de l’évaporation
L’évaporation, ou plus exactement la consommation climatique, est représentée par le solde entre les pertes et les arrivées, c’est-à-dire l’évaporation diminuée par la pluie. Météo France fournit les relevés pluviométriques et les calculs journaliers de l’évaporation ETP (Évapo-Transpiration Penmann) qui peut vous fournir une première information. Mais le vrai diagnostic résultera de vos propres investigations.
Comment faire ?
Vous pouvez installer un récipient cylindrique partiellement immergé, sur une marche d’escalier par exemple, afin que l’eau contenue soit à la même température que celle de la piscine (voir photo). Vous avez ainsi 2 “récipients‿ soumis aux mêmes aléas. Il faut relever les niveaux de part et d’autre du bord du seau, hauteur h à l’intérieur et H dans la piscine. Après quelques jours, vous revenez prendre ces hauteurs que nous désignerons h’ et H’ : la différence h’ – h doit être égale à H’ – H.
Dans le cas contraire, en tenant compte d’une éventuelle erreur de lecture (environ 3 mm) vous êtes bien en présence d’une fuite.

Pour calculer l’évaporation : le test du récipient.
Quelle tolérance ?
2 sources sont disponibles :
• le Cahier de charges IT-BTP pour les piscines en béton qui donne un demi-litre par jour et par m² de paroi, soit 1 litre/jour par m² de plan d’eau, ce qui paraît raisonnable ;
• le DTP N° 1 piscines privées donne 3 litres/jour par m² de plan d’eau.
Votre analyse
Au moins une fois sur deux, il est fort probable que les consommations que vous aurez mesurées feront apparaître une différence “inexpliquée‿ de 1 ou 2 mm par jour. Il s’agit de ce qu’on appelle une absence de perte significative ! Il vous reste à expliquer à votre client qu’il n’y a pas de fuite, ce qui n’est pas le plus facile, tant il est convaincu que son bassin fuit.
Le moins simple à gérer est un résultat constatant une perte faible (inférieure à 5 mm/jour), sachant qu’à 2 mm/jour nous sommes dans la zone d’incertitude due à l’imprécision des prises de mesure. Il va être très difficile de localiser une perte faible, d’autant plus qu’une perte d’eau est souvent la somme de plusieurs fuites. En effet, 2 mm sur un bassin privé ce sont moins de 100 litres/jour soit 10 m³ sur une saison pour un coût maxi de 30€. Débusquer un collage défectueux et le réparer, cela coûtera toujours plus de 1 000€, soit la valeur facturée de 30 ans de pertes d’eau. C’est ici que les 3 mm du DTP seront bien pratiques !
Une perte conséquente est constatée. Dans ce cas, il va falloir la localiser, ce qui sera d’autant plus facile si elle est importante.
Le cas particulier des piscines béton : avant de se lancer dans une recherche de fuite, il va falloir tenir compte de la particularité de ce type d’ouvrage. En effet, une piscine en béton, qu’elle soit neuve ou remplie après une vidange de plusieurs jours, va consommer de l’eau en reprise d’humidité de la structure. Un bassin de 50 m² bétonné peut consommer de 5 à 10 m³. Si une piscine perd 3 cm le premier jour, on peut considérer que dans ce cas, il est “urgent d’attendre‿. C’est après 1 ou 2 semaines au minimum qu’il faudra vérifier la consommation d’eau.
La recherche des fuites
1. Au préalable
Avant même de vérifier la réalité de la fuite, quelques constatations simples :
• mesure de l’abaissement du niveau sur 3 ou 4 jours
• vérification de l’absence de bulles aux refoulements
• mesure de la chute du niveau avec la filtration en marche forcée sur 24 heures.
S’il n’y a pas de bulles, si la perte d’eau est identique avec la filtration en marche forcée et si le client vous annonce une baisse du niveau de 5 centimètres dans la semaine, alors vous arriverez chez lui pour le convaincre qu’il n’y pas de fuite.
À ce stade, il est préférable de ne procéder à une recherche de fuite par mise en pression des canalisations que si vous êtes sûr d’une absence de fuite ! Le pire ici serait de révéler un défaut négligeable, par exemple avec un test à l’eau, comme une baisse de niveau d’1 mètre en un quart d’heure sous 2 bars (soit 100 g à la colonne d’eau). Si vous refaites le test à la pression de service entre 0,5 et 1 bar, vous devrez attendre des heures pour retrouver la baisse d’1 mètre, d’où une perte d’eau réelle quasi nulle. Cette situation est donc bel et bien un piège car, sauf en utilisant la localisation au gaz, vous serez incapable de trouver le défaut. La mise en œuvre de cette technologie coûterait l’équivalent de plusieurs siècles de consommation d’eau !
C’est pour cela que le concept des tolérances a été défini. C’est la marge entre l’idéal et le raisonnablement possible, raison pour laquelle il est essentiel de s’assurer en premier lieu que la perte d’eau est anormale.
2. Le débit
Une baisse de niveau inexpliquée de 15 mm/jour reste quelque chose d’assez abstrait qu’il convient de formaliser. Pour une piscine de 50 m², cela représente une fuite de 750 litres/jour, soit environ 30 litres par heure. C’est bien sûr loin d’être négligeable mais cela ne représente que 1/10 du débit d’un robinet d’évier.
La localisation des fuites
Pour cela il convient d’examiner, dans cet ordre, les éléments suivants :
1. Les canalisations
• Les canalisations d’aspirations. Pour les suspecter il faudra avoir constaté des bulles dans le préfiltre.
• Les canalisations de refoulement, à condition que l’on ait constaté que la perte d’eau est multipliée lorsque la filtration fonctionne.
• La prise balai, si l’on a constaté une différence lorsqu’elle a été arrêtée.
• La vanne multivoie.
Si un défaut a été constaté, il convient alors de mettre en pression le circuit douteux et d’affiner la localisation de la fuite. Il est en effet hors de question de détruire tout un environnement pour traquer quelques dizaines de litres d’eau. Compte tenu que les ruptures de canalisation surviennent toujours aux coudes et aux points durs, il ne sera pas stupide de dégager la prise balai au droit du bassin.
Il est possible à cette étape de solliciter des moyens plus sophistiqués : localisation optique, acoustique ou au gaz.

Exemple d’un coude enterré fendu à la suite d’un gel important sur une installation non hivernée.
Exemple d’une fente sur canalisation, imperceptible en l’absence de circulation d’eau mais flagrante lorsque la circulation est en marche.
2. Le bassin :
Lorsque nous avons affaire à une étanchéité mortier, il y a deux possibilités :
• le bassin est cassé. On recherchera alors les fissurations verticales en partant de la margelle : ce sont les seules dommageables (souvent ouvertes en V). Il est possible de vérifier cela très facilement en utilisant une pipette et en mettant un peu de colorant dans l’eau à proximité de la fissure suspecte. Celui-ci sera aspiré en présence d’une fuite.
• l’enduit est en cause. Un enduit qui n’est pas dur ou qui “farine‿ doit retenir votre attention. Dans ce cas, si la baisse du niveau d’eau se poursuit au-delà des pièces à sceller, l’enduit est probablement en cause. Une certitude sera établie dès lors que la remontée capillaire au-dessus du niveau d’eau sera supérieure à l’épaisseur de l’enduit en question.
Lorsque nous avons affaire à une étanchéité indépendante du support (liner, membrane armée, stratifié polyester sur maçonnerie) :
• en l’absence de lésion évidente, il faut effectuer une recherche avec un Leak Ttrac, dont les résultats bruts seront pris avec prudence. En l’absence de signal, on est certain qu’il n’y a pas de fuite. Par contre un signal, même net, en présence d’une structure métallique ou à proximité d’une pièce n’est pas forcément synonyme de fuite.

La fissuration entre margelles correspond souvent à un mouvement de structure.
3. Les “oubliés” à prendre également en compte
• Le projecteur. Il est courant que le presse-étoupe du câble d’alimentation du projecteur ne joue plus son rôle, créant ainsi une fuite au niveau de cette pièce.
• Le niveau automatique. Cet équipement se charge de compléter automatiquement le niveau d’eau du bassin et peut ainsi masquer une fuite éventuelle. Défectueux, coincé par exemple en position d’ouverture à cause d’un dépôt calcaire, il poursuit en permanence le remplissage de la piscine.
Remerciements à Bernard Ageorges, président de la CNEPS et enseignant au Centre de Formation de Pierrelatte, qui nous a permis de réaliser ce dossier en nous confiant de nombreux documents de travail.