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Eau virtuelle, pourtant bien réelle !

par laurence

On entend régulièrement parler de l’empreinte carbone mais nous le savons bien, les activités humaines n’émettent pas seulement du carbone, elles consomment aussi beaucoup de ressources, notamment de l’eau.
L’eau, élément indispensable à la vie, est une ressource rare et précieuse que nous consommons bien au-delà du visible. 

Nous avons souvent en tête une moyenne de consommation d’eau potable de 150 litres d’eau par jour et par habitant en France. Mais attention, ce chiffre ne comprend que l’eau potable que nous consommons réellement dans notre foyer pour nos divers usages du quotidien, à savoir la douche, les toilettes, le lave-vaisselle, la cuisine, la boisson, l’arrosage de notre jardin ou même le remplissage de la piscine. En réalité, cette consommation moyenne est bien loin de notre impact hydrique réel sur la planète. En effet, elle ne comprend pas la quantité d’eau qu’il a été nécessaire de consommer pour faire pousser ce que nous mangeons, fabriquer les vêtements que nous portons, construire les appareils que nous utilisons, pour ne citer que ces activités. 

Ainsi, lorsqu’on prend en compte l’eau nécessaire à la production d’un bien de consommation, en moyenne, un Français dépense 4 900 L d’eau par jour ! Il est bien évidemment primordial de réduire le gaspillage et notre consommation directe d’eau, mais il est encore plus important d’avoir conscience de la consommation indirecte d’eau induite par notre mode de vie.

Deux nouveaux termes ont fait leur apparition ces 20 dernières années pour prendre conscience de cette consommation indirecte : il s’agit de l’« eau virtuelle » et de l’« empreinte eau ». 

L’« eau virtuelle » correspond à l’ensemble des consommations d’eau nécessaires à une production, agricole ou industrielle, ou à un service. Elle représente environ 20 % de l’eau consommée dans le monde. Il s’agit d’eau échangée entre pays sous forme de produits agricoles ou industriels. Elle est qualifiée de virtuelle car elle n’est pas réellement importée ou exportée sous forme d’eau et donc pas visible en tant que telle. 

Pour être réaliste sur notre impact hydrique sur le monde qui nous entoure, le terme d’« empreinte eau » (en référence à l’empreinte carbone) a été défini pour l’UNESCO par Arjen Y. Hoekstra, professeur de Gestion Hydrique à l’université de Twente (Pays-Bas), en 2002, il y a maintenant plus de 20 ans mais le terme n’est pas encore très connu du grand public. 

« L’empreinte eau » est un indicateur de l’usage direct ou indirect de l’eau tout au long du processus de la production à la consommation. 

Cette notion permet de prendre du recul sur notre consommation d’eau dans notre foyer car ce n’est pas là que se situent les plus gros postes d’impact hydrique. 

Cette empreinte comprend trois composantes, selon Water Footprint Network, une organisation créée en 2008 pour promouvoir le concept d’empreinte eau : 

● L’eau bleue qui correspond à l’eau consommée dans les eaux de surface (rivière, lac) ou dans les eaux souterraines (nappes phréatiques, rivières souterraines…) ;

● L’eau verte qui correspond à la consommation d’eau de pluie infiltrée dans le sol ;

● L’eau grise qui correspond à la quantité d’eau nécessaire à la dilution des polluants.

Daniel Zimmer, Directeur du Conseil Mondial de l’eau, disait à Kyoto en 2003 : « Consommer un kilogramme de blé, c’est aussi, dans les faits, consommer le millier de litres d’eau qu’il a fallu pour faire pousser cette céréale. »

Pour être très concret, voici quelques chiffres sur l’empreinte eau de produits courants : 

● 1 tasse à café de 125 mL = 140 litres d’eau nécessaires pour cultiver, récolter, torréfier, transformer, emballer et transporter les grains de café, soit 2 à 3 douches !

● 1 verre de bière de 250 mL = 75 litres d’eau

● 1 pommes de terre de 100 g = 25 litres d’eau 

● 1 verre de lait de 250 mL = 200 litres d’eau  

● 1 steak haché de 150 g = 2 400 litres d’eau 

● 1 paire de chaussures en cuir = 8 000 litres d’eau

Le diagramme (voir page précédente) près montre le nombre de litres d’eau nécessaires pour la fabrication d’1 kg de produit pour des produits courants de consommation. 

Pourquoi la production de viande a-t-elle un impact hydrique aussi important ? Qu’y a-t-il derrière ces 15 000 L d’eau nécessaires pour produire 1 kg de bœuf ?

Plus de 2 000 milliards de mètres cubes d’eau sont consommés chaque année dans le monde pour produire de la viande. Mais il ne s’agit pas là de l’eau nécessaire à abreuver le bétail. La majeure partie de cette empreinte eau est liée au fourrage des animaux (principalement pour la culture de l’orge, du foin ou des légumineuses).

En effet, la consommation d’eau pour les produits d’origine animale se divise en deux catégories : 

● la consommation directe via l’eau de service et d’abreuvage ;

● la consommation indirecte via l’alimentation de l’animal.

La consommation d’eau directe d’abreuvage est relativement facile à mesurer, c’est moins le cas pour la consommation indirecte qui nécessite de déterminer, quels types et quantités d’aliments ont été consommés par le bovin et quelle est l’empreinte eau associée à chacune de ces cultures… 

Mais attention, l’empreinte eau de ces cultures peut énormément varier d’un pays à l’autre en fonction, notamment, du climat et des pratiques agricoles (type d’irrigation, etc.).

L’étude de Mekonnen et Hoekstra a mis en avant que l’énorme majorité de l’empreinte eau des produits animaux correspond à de l’eau verte, c’est-à-dire à de l’eau de pluie. 

Il faut donc garder à l’esprit que le chiffre de 15 000 L n’est qu’une moyenne qui masque de grandes variations d’un élevage à l’autre et d’une région mondiale à une autre.

Ainsi, l’empreinte eau, tout comme l’empreinte carbone, permet de donner des  ordres de grandeur et d’aider le consommateur dans ses choix en matière de consommation. 

Au vu des chiffres énoncés précédemment, le remplissage d’une piscine de 30 m3 chaque année correspond à la production de 2 kg de viande de bœuf. Le végétarien qui remplit sa piscine chaque année a finalement une empreinte eau bien plus faible qu’une personne qui mange de la viande tous les jours mais qui décide de ne pas avoir de piscine par souci écologique. Là encore, il ne s’agit pas de la même eau donc cette comparaison est à relativiser. 

Il est vrai que l’impact de ces 2 comportements ne sera pas localisé au même endroit et donc l’équation n’est pas si simple car cette mesure ne prend pas en compte l’état de stress hydrique du lieu de prélèvement. En effet, la quantité d’eau contenue dans les produits importés peut avoir un impact bien différent si elle provient d’un pays en développement où les habitants n’ont pas tous accès à une source sûre d’eau potable ou même d’un pays où l’eau est source de conflit géopolitique, comme c’est le cas dans de nombreuses régions du monde.  

De toute évidence, avoir un regard global sur notre impact sur la ressource en eau est déjà une première étape vers la sobriété et peut permettre à chacun d’avoir les connaissances nécessaires pour faire les bons choix et cibler ses actions. Il peut être intéressant, par exemple, de substituer dans son quotidien un produit dont la fabrication nécessite une grande quantité d’eau par un autre nécessitant une quantité d’eau plus faible. Néanmoins, il paraît important de rappeler que chaque action compte, quelle que soit son empreinte hydrique !

Le cas du coton et des aliments importés, comme le café, viennent aussi démontrer qu’il est nécessaire d’informer le plus de monde possible pour éveiller les consciences. En effet, si la population connaissait mieux les conséquences sur l’eau de leur mode de consommation, elle pourrait faire des choix plus responsables et éviter le gaspillage et la surconsommation. Hélas, la notion d’empreinte eau, même si elle n’est pas parfaite, est encore trop peu utilisée et développée à l’heure où les sécheresses à répétition nous poussent à observer plus en détails notre usage de l’eau. 

Réduire sa consommation d’eau directe et indirecte est donc primordial pour préserver les ressources mondiales d’eau douce, réduire le risque de conflit géopolitique lié à l’eau et favoriser l’accès à l’eau dans les pays défavorisés. 

Sources : Water footprint network, water footprints of nations, UNESCO, Ressourceswatch

Texte : Maëlle Ranquet / Ingénieur environnement et ressources en eau / Centrale Lille / University of Texas at Austin

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