Depuis plusieurs années, l’utilisation du stabilisant dans le traitement au chlore des eaux de piscine ne cesse de susciter la crainte des consommateurs et l’interrogation des professionnels. Sont-elles si justifiées ou relèvent-elles d’idées reçues ? Serait-il possible que la stabilisation du chlore soit raisonnablement nécessaire aujourd’hui ? Décryptage.
Qu’est-ce que le stabilisant du chlore ?
Le stabilisant du chlore, aussi appelé acide cyanurique (ou acide isocyanurique), est un composé organique apporté dans l’eau de la piscine soit par les produits à base de chlore stabilisé (galets, pastilles de chlore choc), soit seul, en granulés, pour renforcer l’efficacité des traitements à base de chlore non stabilisé.
Contrairement à une idée reçue, le stabilisant n’est pas ajouté dans les galets ou les pastilles de chlore stabilisé. C’est son composant, le symclosène (ou acide trichloroisocyanurique) qui, lorsqu’il se dissout dans l’eau, libère du chlore actif (acide hypochloreux) et du stabilisant. Une partie du chlore actif est consommé en détruisant toutes les substances indésirables (d’origines organique ou inorganique), et une autre partie peut réagir avec le stabilisant présent dans l’eau, créant des chlorocyanurates et limitant ainsi la réserve de chlore actif dédiée à la destruction des impuretés.
Plus la concentration en stabilisant sera importante dans l’eau, plus la réaction entre le chlore actif et le stabilisant sera favorisée. Pour cette raison, la concentration en stabilisant de chlore doit être idéalement inférieure à 75 mg/l pour s’assurer d’avoir toujours suffisamment de chlore actif dans le bassin pour détruire efficacement les impuretés. Ce processus peut s’apparenter à un phénomène d’aimantation qui fait que « le stabilisant va toujours aller aimanter le chlore actif. Et plus le chlore actif sera entouré de ces aimants, moins il sera efficace pour agir rapidement », ce phénomène deviendra problématique dès que le taux de stabilisant dépassera 75 mg/l.
Constitué essentiellement d’atomes de carbone et d’azote, il ne présente pas de toxicité pour les baigneurs ou l’environnement lorsqu’il est présent dans l’eau des piscines (dans les taux recommandés).
Le rôle du stabilisant dans le traitement des eaux chlorées
La molécule du stabilisant est insensible aux UV et ne s’évapore pas. En se combinant avec le chlore actif, elle ralentit sa destruction par les UV du soleil tout en limitant son évaporation avec l’eau, des phénomènes particulièrement renforcés dans les bassins très ensoleillés et les piscines chauffées. La libération progressive de stabilisant dans l’eau (grâce à l’utilisation d’un galet de chlore stabilisé) a le triple avantage de maintenir le pouvoir désinfectant du chlore, de réguler sa (sur)consommation et son utilisation.
Rappels : moins un bassin est protégé (abris, volets, bâches à bulles…) et plus il sera « pollué » par l’environnement, plus l’eau sera chaude et plus le bassin sera fréquenté, plus les bactéries et autres micro-organismes s’y développeront rapidement.
La stabilisation permet d’avoir un traitement raisonné avec le bon produit à des doses normales dans une eau à base normale.
Et si supprimer le stabilisant avait un effet contre-productif ?
Une consommation de chlore plus importante…
Le chlore liquide et le chlore produit par électrolyse du sel (hypochlorite de sodium) sont, comme l’hypochlorite de calcium, des chlores non stabilisés, dits minéraux ou inorganiques. N’étant pas stabilisés, ils vont être plus rapidement dégradés par les UV ou s’évaporer avec l’eau du bassin. Ces phénomènes sont accrus par le changement climatique et le nombre de bassins chauffés.
Conséquence, le maintien d’un taux de chlore actif suffisant pour répondre aux besoins en désinfection du bassin va engendrer des surconsommations de chlore liquide et d’hypochlorite de calcium ou des surproductions de chlore (électrolyseur) et va donc avoir un effet contre-productif à la suppression du stabilisant.
Les risques ?
• un manque de chlore actif disponible pour la désinfection ;
• un bidon qui se vide plus rapidement et qu’il faut remplacer plus fréquemment ;
• une cellule d’électrolyse qui fonctionne plus longtemps chaque jour.
… et des cellules qui s’usent plus vite
Lorsque la sonde de l’électrolyseur va détecter une insuffisance de chlore, elle va lancer un cycle de production. Sans stabilisant, le chlore va se consommer plus rapidement et la cellule sera sollicitée beaucoup plus fréquemment. Résultat : elle se fatiguera plus rapidement et sa durée de vie en sera raccourcie.
La stabilisation évite la surproduction de chlore y compris à basse salinité. Or, les professionnels oublient souvent d’ajouter du stabilisant quand les piscines de leurs clients sont équipées d’un électrolyseur de sel.
Stabilisant et analyse de l’eau
Le taux de stabilisant se mesure avec un photomètre, un pool testeur spécifique ou des bandelettes (pour les consommateurs). Si son taux est faible à l’ouverture du bassin, il suffira de le mesurer une à deux fois dans la saison selon le type de chlore utilisé. Un taux élevé de stabilisant peut perturber les appareils de mesure, mais à 40 mg/l, il offre un bon compromis entre protection correcte du chlore et lecture des sondes.
La bonne dose de stabilisant ?
Dans les piscines publiques, la réglementation impose un taux de stabilisant compris entre 25 et 75 mg/l pour une action suffisamment efficace du chlore. Au-delà de 100 mg/l, le chlore actif aura du mal à se libérer du stabilisant et désinfectera moins efficacement.
Le taux de stabilisant idéal ?
Idéalement, dans les bassins extérieurs traités au chlore non stabilisé ou électrolyseur, sa valeur devrait être aux alentours de 25 à 50 mg/l (ou ppm) en début de saison pour avoir un effet protecteur et éviter ainsi la destruction du chlore par les UV sans ralentir l’action du chlore. Au-delà de 75 mg/l, il est conseillé d’utiliser un chlore non stabilisé, en cas de besoin d’un traitement choc, pour terminer la saison avant de procéder à un vidage du bassin.
Stabilisant et galets : de la raison avant tout
Quand une piscine est traitée avec des galets, il faut mesurer le taux de stabilisant en début de saison et une fois par mois ensuite, pour suivre son évolution et donner la juste recommandation au particulier afin qu’il ne surtraite pas. Un galet par semaine convient pour la majorité des bassins avec une utilisation moyenne. Quand le galet est fondu, l’usager doit mesurer la teneur en chlore avec des bandelettes ou trousses d’analyse avant de remettre un galet.
Installer un chlorinateur permet de maîtriser l’apport de chlore et donc de stabilisant. Grâce à sa vanne, le particulier pourra gérer la quantité de chlore délivrée en fonction de l’utilisation du bassin en l’ouvrant, par exemple, au minimum dans la semaine et plus largement le week-end.
Le stabilisant, un révélateur de la qualité de l’eau
Un taux supérieur à 150 mg/l indique que l’eau a été peu renouvelée. On parle alors d’une eau vieille, qui contient du stabilisant bien sûr, mais également d’autres résidus de produits chimiques comme des chlorures et des matières oxydables apportées par les baigneurs, la pluie et l’environnement. Le TAC pourrait également être bas.
Si le taux de stabilisant mesuré en début de saison et supérieur à 150 mg/l, il faudra soit renouveler l’eau complètement, soit utiliser un réducteur de stabilisant (si l’eau a moins de 3 ans).
Quelles solutions pour réduire le taux de stabilisant ?
La règle du vidage d’1/3 de la piscine par an
Quel que soit le type de traitement utilisé, il est nécessaire de renouveler 1/3 de l’eau du bassin pour réduire la présence d’éléments comme les matières oxydables, les résidus des produits chimiques, etc. qui peuvent en compromettre l’efficacité.
Contre-lavages et apports en eau
Le stabilisant est principalement éliminé par les contre-lavages ou les retraits d’eau et dilué par les apports en eau. Dans les régions très pluvieuses, comme en Belgique, avec des saisons courtes, le stabilisant est constamment dilué.
Le réducteur de stabilisant ?
Le réducteur reste une solution alternative mais il ne résoudra pas le problème définitivement si sa cause est à chercher ailleurs.
10 conseils aux professionnels pour le confort de leurs clients
1. Mesurer, mesurer, mesurer… pour maîtriser le traitement de l’eau en l’ajustant au besoin et donner les bonnes recommandations au particulier. Inutile de maintenir un taux de chlore libre élevé si le bassin est peu utilisé ou l’eau peu polluée. À l’inverse, s’il est fortement utilisé ou très exposé, la teneur en chlore doit être augmentée, ce qui fera monter le taux de stabilisant (galets) ou nécessitera d’ajouter du stabilisant (électrolyseur). Et ne pas ajouter un galet quand il en reste encore un dans le skimmer, même s’il est à moitié fondu.
2. Discuter avec son client pour savoir comment le bassin va être utilisé, les contraintes qu’il est prêt à accepter pour le traiter (temps de nettoyage, d’analyse…) pour bien le conseiller sur le traitement ou lui proposer des solutions adaptées (électrolyseur ou injecteur de chlore liquide, chlorinateur ou galets).
3. Faire les traitements choc avec du chlore non stabilisé quand on utilise des galets pour éviter de trop augmenter le taux de stabilisant.
4. Et à l’inverse, avec un électrolyseur de sel ou du chlore liquide, soit ajouter du stabilisant ou utiliser du chlore choc stabilisé en complément. Rappel : couper la régulation le temps du traitement choc pour ne pas perturber la sonde redox et la production de chlore.
5. Ne jamais associer du stabilisant et du chlore stabilisé et, de manière générale, ne pas mélanger les produits chimiques.
6. Bien lire les notices et recommandations d’utilisation du fournisseur.
7. Vérifier les dates limites d’utilisation de tous les produits, y compris ceux qui servent à l’analyse ou à la réduction du stabilisant.
8. Stocker les produits à l’abri de l’humidité et de la chaleur.
9. Se former en permanence sur le fonctionnement des appareils de traitement pour bien établir le lien entre valeurs de l’analyse et conséquences sur le bassin, afin d’anticiper les désordres à venir et éviter de simplement réagir : la bonne action, au bon moment, avec le bon produit (ou équipement), en bonne quantité et durée.
10. Utiliser des outils professionnels : photomètre bien sûr, mais également des logiciels d’analyse pour le juste conseil au client.
Remerciements à Xavier DAROK (CF Group France) et Pauline DI PIETRO (BAYROL)
Texte : Sébastien Carensac