La loi dite Hamon a pour objectif de renforcer la protection du consommateur. Revue en détail des opérations à réaliser par les commerçants pratiquant la vente en ligne ou à distance.
Ce n’est un secret pour personne, la vente en ligne ou à distance a parfois réservé de mauvaises surprises aux clients, victimes de vendeurs peu scrupuleux. Ce constat devrait désormais être conjugué au passé puisque la nouvelle loi sur la consommation, dite loi Hamon, vise à équilibrer les relations entre les consommateurs et les professionnels. Reste aux commerçants à bien penser à paramétrer leur site d’e-commerce et leurs documents commerciaux pour être en conformité avec ce texte promulgué au printemps 2014. Un passage obligé car la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dispose désormais du pouvoir d’infliger des sanctions administratives et pénales directement à un site marchand ne respectant pas une injonction de se conformer à la loi. Il en va de même pour les documents commerciaux. Voici les principaux points sur lesquels la vigilance est de mise.
L’information précontractuelle est renforcée
« Les modifications apportées par la loi du 17 mars 2014 concernent en premier lieu l’information donnée aux consommateurs, avant même que ceux-ci ne concrétisent leur acte d’achat », prévient Me Rodolphe Auboyer-Treuille, avocat au barreau de Lyon, spécialisé en droit de la consommation. Désormais, il est donc impératif d’afficher plusieurs éléments sur le site de vente en ligne ou sur les supports utilisés pour pratiquer la vente à distance :
– les caractéristiques essentielles du produit ou du service ainsi que son prix, la date ou le délai auquel le vendeur s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
– l’identité et les coordonnées (postales, téléphoniques et électroniques) du vendeur,
– l’existence et les modalités de la mise en œuvre des garanties légales et contractuelles,
– les modalités d’exercice du droit de rétractation,
– le montant des frais de renvoi.
« L’objectif est de permettre au consommateur de bien comprendre quelles sont les conditions de la vente avant d’acheter un produit », résume l’avocat. Un décret doit venir encadrer avec précision la nature des informations à donner. Toutefois, quelques-unes doivent déjà retenir l’attention des commerçants. « En matière de vente en ligne, il est désormais obligatoire de renseigner le client potentiel sur les moyens de paiement acceptés et sur les éventuelles restrictions de livraison. Entendez par là les zones géographiques qui peuvent faire l’objet de surcoûts de livraison ou celles qui ne sont pas desservies », explique Me Auboyer-Treuille.
Les délais de livraison encadrés
En marge de l’information, les ventes en ligne et à distance sont désormais soumises à un délai de livraison maximal : 30 jours après la date de la commande et pas un de plus ! « Si le commerçant ne peut pas livrer le produit commandé en 30 jours, il s’expose à des sanctions. Toutefois, pour que ces sanctions puissent être mises en œuvre, il faut que l’acheteur relance le commerçant », précise l’avocat. En cas de non-respect de ce délai, l’acheteur peut annuler la commande et être remboursé dans un délai maximal de 14 jours. Enfin, au plus tard au moment de la livraison du bien ou avant le début de l’exécution du service, le commerçant devra fournir au client la confirmation du contrat comprenant toutes les informations obligatoires. C’est le cas notamment des commerçants et artisans dont la RC décennale peut être engagée, une attestation d’assurance prouvant qu’il est bien assuré.
Le droit de rétractation allongé
C’est sûrement la modification la plus importante introduite par ce nouveau texte : alors que jusque-là l’acheteur en ligne ou à distance disposait de 7 jours – après la signature de sa commande – pour se rétracter, aujourd’hui il en a 14. Ce délai est décompté à partir de la conclusion du contrat pour les prestations de service et de la réception du produit pour les ventes de biens. « Un formulaire de rétractation doit être joint à tout bon de commande », insiste Me Auboyer-Treuille. Et la rigueur est plus que jamais de mise car pour l’avocat, cette nouvelle disposition peut être délicate à mettre en pratique. « Il est préférable que le vendeur et l’acheteur aient le même contrat incluant un formulaire de rétractation. Dans le cas contraire, le commerçant pourra avoir du mal à prouver qu’il a bien remis ce formulaire. Il est en effet à craindre que demander à l’acheteur de signer un document par lequel il reconnaît avoir eu ce formulaire de rétractation en sa possession ne suffira pas en cas de litige », analyse le spécialiste du droit de la consommation. Dès lors que le consommateur use de son droit à rétractation, il devra retourner le produit qui ne lui convient pas en l’état et sous 14 jours. Le professionnel dispose lui aussi de 14 jours pour rembourser son client de la totalité des frais engagés, autrement dit du prix du produit majoré des frais de livraison.
La garantie de conformité devrait être allongée
Très stricte au niveau des conditions d’information et de réalisation des ventes, la loi Hamon devrait l’être plus encore sur les garanties de conformité, même si cet aspect n’entrera en vigueur qu’en mars 2016. En effet, sous réserve de voir de nouveaux textes revenir sur ce point, la durée de la garantie légale de conformité sera portée à 2 ans (contre 6 mois aujourd’hui) pour tous les produits neufs. Plus concrètement, si un défaut de conformité apparaît dans les 2 ans, le client pourra donc faire jouer plus facilement la garantie, puisque la loi considère par présomption que ce défaut était bien présent au moment où le client a pris possession de son produit. « Il appartiendra au vendeur de démonter que le bien était conforme au moment de la livraison pour que cette garantie ne puisse pas être mise en œuvre », précise Me Auboyer-Treuille.
De l’information du consommateur à la livraison du produit, cette nouvelle loi oblige les commerçants à se pencher très rapidement sur la mise à jour du contenu de leur site d’e-commerce, comme sur la révision des contrats de vente et des conditions générales de vente. Autant d’opérations à ne pas négliger et qu’il est préférable de rédiger avec le concours d’un professionnel du droit. Car non contente de renforcer les obligations contractuelles, la loi Hamon prévoit également plus de sanctions en cas de non-conformité à ces exigences. Enfin, les pouvoirs de la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) sont aussi étendus (voir encadré). En marge des dispositions visant plus spécialement les ventes à distance et par Internet, la nouvelle loi introduit une disposition qui devrait éviter nombre de litiges, que certains acteurs du monde de la piscine connaissent bien. Il s’agit de la définition des sommes versées à l’avance, en général lors de la conclusion d’une vente.
« La loi Hamon considère que toutes les sommes versées à l’avance sont des arrhes », explique Me Auboyer-Treuille. De ce fait, en cas de litige, les juges se fonderont sur l’article 1590 du Code civil pour trancher, lequel stipule que « si la promesse de vendre a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s’en départir. Celui qui les a données, en les perdant, et celui qui les a reçues, en restituant le double ». De quoi éviter les sempiternelles discussions, voire les actions en justice, pour savoir si ces sommes versées à l’avance doivent être considérées comme des arrhes ou des acomptes.
Des sanctions renforcées
La DGCCRF dispose désormais du pouvoir d’infliger des sanctions administratives et pénales directement à un site marchand ne respectant pas une injonction de se conformer à la loi. Et ces sanctions sont revues à la hausse. Le texte prévoit notamment que « les pratiques commerciales trompeuses sont punies d’un emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 300 000 €. Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit ». À ces sanctions s’ajoutent un certain nombre d’autres peines d’interdiction d’exercice et d’activités.
La loi instaure également des sanctions administratives qui s’appliquent en cas de non-respect de certaines dispositions, notamment celles visant les obligations d’information précontractuelle. Le montant de ces sanctions peut aller pour les plus élevées jusqu’à un montant de 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale. Enfin, la CNIL voit ses prérogatives de contrôle étendues. Elle peut donc désormais effectuer des contrôles visant à s’assurer du respect des dispositions de la loi Informatique et libertés. Ces contrôles peuvent être réalisés sur place, sur pièces ou sur convocation, mais aussi en ligne.
Ainsi, la CNIL peut à tout moment vérifier si les mentions d’information sur les formulaires de collecte des données sont conformes à la loi ou encore que le consentement des “e-acheteurs‿ est recueilli dans de bonnes conditions. Là encore, les sanctions sont dissuasives. Le refus ou l’entrave au bon exercice des droits des personnes est par exemple puni de 1 500 € par infraction constatée et 3 000 € en cas de récidive.