CF Group est la marque née du rapprochement de Chemoform AG, FIJA SAS et Aqualux achevé fin 2019. Mais quelle est la stratégie de ce groupe européen de fabrication et de distribution ? Quelles sont ses spécificités et sur quels piliers axe-t-il son développement ?
Entretien avec Sébastien Guillot, Directeur général pour les activités françaises de CF Group.
Propos recueillis par Sébastien Carensac
L’histoire de la création de CF Group en quelques mots ?
Chemoform AG a été fondée en 1962 par le Dr Gerhard Mayer-Klenk, le père de CedriK Mayer-Klenk, actuel CEO du groupe, et fabrique des produits pour l’entretien et le traitement des piscines privées et publiques. Le groupe FIJA SAS (DEL) a été créé par Jacqueline et Alain Maupas en 1975. Spécialiste de la fabrication et de la distribution d’équipements pour piscines privées et collectives en BtoB, il est dirigé par Marc Maupas depuis 1989. Quant à Aqualux (TGP SA), ce sont mes parents, Liliane et Francis Guillot qui sont à l’origine de sa création en 1973.
Pourquoi ce rapprochement ? Marc, Cedrik et moi avons une proximité de valeur et de vision. Dès 2010, nous avions déjà commencé à discuter entre nous de la possibilité de faire quelque chose ensemble. Nos trois sociétés étant des entités familiales de 2e génération, nous ne voulions pas les laisser à des fonds spéculatifs mais construire un groupe qui ait les mêmes valeurs dans le cadre d’un projet industriel, familial et européen.
L’idée de ce rapprochement s’est imposée comme une évidence. La 1re brique a été posée en 2014 avec l’entrée de Chemoform AG et de FIJA SAS au capital d’Aqualux. La seconde brique a été le rachat de FIJA par Chemoform. Cette opération a été finalisée en octobre 2019, le temps que tout se mette en place, pour devenir officiellement « CF Group ». Le rapprochement nous a apporté une taille critique et une stabilité. Nous sommes tous les trois actionnaires du groupe. Cedrik, actionnaire majoritaire, dirige le groupe depuis Stuttgart. Marc est administrateur, très actif sur la stratégie, il a pris un peu de recul sur l’opérationnel. Avec les équipes, je m’occupe des activités françaises pour le Groupe.
Quelles sont les spécificités de CF Group ?
Nous faisons les choses étape après étape. On dit que l’Allemand s’attache au chemin quand le Français se concentre sur la finalité. C’est le cas pour nous. Nous pensons que l’excellence opérationnelle est tout autant nécessaire que la stratégie à terme. Nous sommes une structure familiale avec une vision à long terme et non pas une logique de retour sur investissement à court terme. Et nous sommes prudents. Nous avons une stratégie de gestion en bon père de famille en répartissant les risques. Les valeurs humaines sont également au centre de notre modèle économique avec un management bienveillant. Il était essentiel d’être bien organisé pour limiter les impacts de la crise avec des freinages et des accélérations successifs. Nos collaborateurs ont été exceptionnels. Nous avons pu produire et servir nos clients pendant toute la période. Nous avons même beaucoup progressé grâce à l’organisation et la structuration de CF Group. Notre stratégie d’indépendance nous a permis de réagir rapidement. Comme nous ne fabriquons pas en dehors de l’Europe, nous n’avons pas les mêmes contraintes de logistique ou de stockage que ceux qui dépendent de prestataires externes et de productions chinoises ou américaines. Il est évident que la production locale, la conception franco-allemande et européenne font toute la différence. Nous avons fait évoluer notre made in France initial pour nous positionner sur un made in Europe. Nos partenaires sont nos voisins européens.
Notre rapprochement nous a permis de développer d’importantes synergies. Nous sommes implantés dans 15 pays d’Europe (sauf Italie). La France et l’Allemagne sont évidemment nos deux plus gros marchés. Les produits sur-mesure et la chimie solide sont fabriqués en France. Nous sommes implantés à Brécé (35), Buhl (68), Bruges (33), Pia (66), Saint-Rémy-de-Provence (13), Saint- Quentin-Fallavier (38)… soit 70 000 m² dédiés à la fabrication et à la logistique. Les poudres et les liquides sont produits en Allemagne où nous avons également une importante chaîne de production. Nous avons des sites en Pologne, en Roumanie… et une usine en Tunisie pour la fabrication de produits en série comme les coffrets électriques et les pièces à sceller, des équipements sur lesquels il existe moins de barrières à l’entrée. Cela nous permet d’être plus réactifs et compétitifs par rapport aux produits chinois. En 2020, le groupe a réalisé 260 millions d’euros de CA consolidé, (dont 120 millions en France) et emploie près de 1 000 collaborateurs.
Qui sont vos clients ?
Nos clients sont des fabricants et des distributeurs. Nous avons deux marchés principaux :
• le marché des spécialistes : ce sont les clients professionnels qui vivent de l’offre piscine. Nous leur destinons des gammes verticales avec nos marques Vitalia, DEL ou Chemoform, et d’autres produits complémentaires.
• le marché des généralistes : ce sont des clients distributeurs qui proposent une offre piscine en complément de leur activité principale ou qui confient leur rayon piscine à un fournisseur. Ils ont accès à des gammes horizontales comme Planet Pool.
Pour nous adapter à chaque type de client, notre organisation croise des modèles de centralisation et de proximité. Nous avons un site dans chaque région de France avec une structuration qui nous permet d’apporter un service local et une organisation centrale en charge des têtes de réseaux avec des commerciaux grands comptes. Ce qui est important, c’est de parler au bon décideur en mettant en place les bons points de contact : chef de service, chef d’entreprise, technicien, installateur, acheteur de centrale d’achat…
Nous côtoyons nos clients depuis 40 ans, cela ne se remplace pas. Ce n’est pas parce que l’on investit uniquement de l’argent pour s’attaquer à notre secteur qu’il est possible d’y rentrer. Il faut avoir un ADN de proximité et une stabilité qui permettent de rassurer les clients année après année.
Comment avez-vous structuré votre offre ?
Notre offre s’organise autour de trois piliers et de six univers :
• les équipements en marque Vitalia, historiquement des produits Aqualux,
• le sur-mesure en marque DEL, une offre essentiellement Fija,
• la chimie en marque Chemoform.
Chacun de nos 6 univers est sous la responsabilité d’un chef de produit : les équipements, le sur-mesure, la chimie, le bien-être et les fragrances, les solutions et les objets connectés.
En matière de recherche et développement, nous nous sommes organisés en pôles de compétences avec docteurs, ingénieurs et techniciens d’essai pour développer des produits qui améliorent la performance de nos clients professionnels et simplifient la vie des usagers. Les équipements connectés vont se démocratiser. Cela prend doucement mais c’était inévitable. Avec LivePool, nous avons des horloges et des régulations connectées pour faciliter le pilotage des différents équipements des piscines des particuliers. Quant aux professionnels, ils peuvent faire de la gestion de parc, du diagnostic à distance, du dépannage avec ces nouveaux outils. L’autre avantage est qu’en connectant les bassins, nous allons pouvoir mieux informer le consommateur et le conseiller sur des points spécifiques liés à ses usages. Nous procédons à des milliers d’analyses d’eau chaque saison. TAC insuffisant, mauvais pH…, nous nous sommes rendu compte que plus de 50% des bassins avaient des paramètres de qualité d’eau en dehors des valeurs cible. Le bon équilibrage de l’eau est un basique de la profession, mais pour beaucoup de gens cela consiste uniquement à ouvrir le skimmer et à mettre un galet dedans sans procéder à aucune analyse de l’eau. La piscine est le premier centre de plaisir de la maison mais aussi le premier centre d’ennuis quand elle ne fonctionne pas correctement.
Nous travaillons sur la qualité de nos produits en termes de fiabilité et modernisons nos systèmes pour qu’ils puissent convenir à des standards d’installation différents en Europe. En France, par exemple, un électrolyseur s’installe en ligne avec du sel dans le bassin, quand en Allemagne il sera posé hors ligne et utilisé comme une station de production de chlore liquide.
Enfin, nous développons aussi bien des produits « basiques » que des produits « modernes » pour satisfaire l’ensemble de nos clients avec, par exemple, des régulations électromécaniques et d’autres électroniques et connectées.
Quels services proposez-vous à vos clients ?
La disponibilité et les délais sont primordiaux pour nous. Grâce à notre plateforme logistique de St-Quentin-Fallavier, nous nous engageons sur la disponibilité et les délais de livraison de nos produits. Notre service a certes un prix mais nous respectons nos délais et nos engagements clients. Nous sommes reconnus pour cela. La proximité est aussi l’une des valeurs qui font notre différence. Grâce à notre force de vente et notre centre d’appel qui traite plus d’un millier d’appels par jour, nous nous rendons disponibles physiquement pour nos clients afin de les assister et de répondre à leurs besoins. Chaque année nous mettons à la disposition des professionnels, les Outils du piscinier, un guide qui récapitule toutes les règles métier pour installer correctement les produits. Nous avons aussi le site www.my-cfgroup.fr qui leur fournit des informations sur le suivi de leurs commandes et leur donne accès à des notices, des cahiers de pose et des vidéos explicatives.
Nous ne livrons pas qu’un produit mais aussi tout ce qui va autour à nos deux profils de clients : du marketing et du conseil, de la proximité sur le terrain, des outils physiques ou digitaux.
Chaque année nous organisons les « Technical Days » pour former nos techniciens et nos commerciaux à l’intégralité de notre offre. Nous proposons également des formations sur le terrain à nos clients et apportons notre soutien aux centres de formation ainsi qu’à tous les organismes qui aident à professionnaliser le secteur. Nos agences invitent les clients à des petits déjeuners autour de thèmes pratiques comme par exemple la prise de cote. Il est important que tous les acteurs de la chaîne, de l’amont à l’aval, soient professionnels. La formation continue est d’autant plus indispensable que les évolutions technologiques apportent de la complexité.
Quelle est votre stratégie de marque ?
Nous ne nous affichons pas trop et préférons investir dans nos usines. Nous arrivons à pattes de velours. En termes d’image, CF Group est à la fois fabricant et distributeur. Nous avons procédé à un recentrage de marques en passant d’une centaine à moins d’une dizaine de marques pour qu’elles soient plus facilement identifiables. Nous préférons accompagner nos clients ou montrer via nos blogs et les réseaux sociaux comment nous avons construit notre offre plutôt que de nous mettre systématiquement en avant dans de la publicité.
Comment intégrez-vous les questions environnementales dans votre stratégie ?
Le fil conducteur de nos développements est la piscine éco-responsable. Cela fait partie de nos axes de travail. A notre échelle, nous souhaitons proposer les produits les plus éco-responsables possibles. En chimie, le problème n’est pas le chlore, c’est le surdosage, les stabilisants, les adjuvants. Nous avons donc développé, par exemple, des gammes de galets non comburants et sans acide borique. Ce n’est pas normatif, c’est un choix d’entreprise pour nous différencier et être plus respectueux de l’être humain. Nous avons également un floculant bio, sans chimie, à base de coquilles de crustacés, qui permet de réduire la teneur en phosphates d’une piscine et d’éviter la prolifération d’algues. Nous travaillons sur des gammes de chlore vendues dans des seaux en plastique recyclés, mais aussi sur des enzymes ou des substances chimiques alternatives. L’électronique permet également de réduire les consommations d’eau et d’énergie, ainsi qu’un dosage adapté au juste nécessaire. Nous avons même lancé le thème de la « piscine éco-responsable » en partenariat avec le CFA de Pierrelatte que nous parrainons cette année.
Nous produisons localement, nous avons une politique de RSE interne, les voitures de nos managers deviennent électriques… Tout cela permet de limiter nos émissions de CO2. Si chacun d’entre nous, à son niveau, peut faire un effort, cela limitera l’impact de la piscine et de son industrie sur l’environnement.
Que pensez-vous du marché de la rénovation ?
Le parc de piscines existant est énorme, c’est une superbe opportunité pour l’avenir. Il y a trois problématiques sur une rénovation : le professionnalisme, la responsabilité juridique et la question du coût. Un professionnel ne sait jamais par avance ce qu’il va trouver lorsqu’il enlève un liner mais il devient responsable juridiquement s’il intervient. Et il a, face à lui, un client qui n’a pas toujours la possibilité de mettre le prix pour une bonne rénovation. Il est donc difficile pour les pisciniers de se positionner sur de petites rénovations qui leur font endosser une responsabilité qui n’est pas forcément en adéquation avec ce qu’ils doivent réaliser.
Comment pensez-vous que le marché va évoluer ?
Nous avons eu une très belle arrière-saison sur la construction et la chimie. Nous travaillons activement à préparer 2021 qui devrait être une belle année. Mais il faut rester vigilant. L’État Français a accordé beaucoup de prêts garantis (PGE), les dettes publiques explosent partout dans le monde. Tôt ou tard il faudra le payer d’une façon ou d’une autre. Il risque donc d’y avoir de la casse sociale en 2022 et 2023. Les cadres et les catégories socio-professionnelles les plus favorisées représentent une partie de nos clients. S’ils perdent leur emploi, ce serait un drame social et nous concernant, ils ne pourraient plus acheter de piscines. Il y aura obligatoirement une reconfiguration économique. La crise d’aujourd’hui est plus importante que celle de 2008. Nous ne sommes pas sur une crise financière mais sur une crise de l’économie réelle et certains secteurs n’ont plus de flux économiques. L’écologie et le chômage sont, en outre, des paramètres qui rentrent maintenant dans les réflexions politiques. Une prise de conscience que la crise actuelle accélère. Pour exister dans l’ancienne économie, il fallait impérativement être gros, standardiser l’offre, baisser les prix, négliger la qualité et les services…
Ce modèle n’est plus viable, l’économie de masse devient une économie de niches, de sur-mesure, circulaire, … Côté CF Group, nous souhaitons développer notre créativité, notre spécificité, notre intelligence collective.
Il y a un changement de paradigme qui s’opère, avec le développement de l’économie de proximité et la tendance au cocooning, ce qui est une super-opportunité pour le secteur de la piscine !
Principales dates marquantes pour “CF Group”
1962 : création de Chemoform / 1973 : création d’Aqualux / 1975 : création de DEL / 1989 : Marc Maupas, PDG du Groupe Fija SAS (DEL) / 1996 : Cedrik Mayer-Klenk, Président de Chemoform AG (CF Group) / 2009 : Sébastien Guillot, Président du Groupe TGP SA (Aqualux) / 2014 : Chemoform et Fija entrent au capital de TGP / 2019 : Rachat de Fija par Chemoform qui devient “CF Group”