Interview de Philippe Grard, Pool Technologie
Quelle a été votre réaction lors de l’annonce
du confinement ?
Nous n’avons pas eu de choc sur le confinement mais sur ses conséquences économiques, sur l’impact de la crise sur l’activité et sur les mesures à mettre en œuvre. Nous avions déjà anticipé le confinement deux jours avant son annonce et mis en place des outils pour le télétravail et réfléchi à un mode de fonctionnement dégradé. Le jour de l’annonce, le plan mis en place a dérivé de ce premier plan. L’entreprise ne s’est pas arrêtée.
Comment avez-vous organisé cette reprise d’activité ?
Nous avons utilisé toute la palette de mesures imaginables pour nos collaborateurs avec du présentiel pour certains, du chômage partiel ou du télétravail pour d’autres, des départs en congés payés ou des arrêts pour garde d’enfant. Tout cela s’est passé naturellement et nous avons donc commencé avec des effectifs fortement réduits tout en restant concentrés sur une production qui n’a cessé d’augmenter progressivement.
Dans le métier, ça a été un vent de panique ou en tout cas une réaction assez peu raisonnée, comme chez tous les Français. Nous l’avons ressenti chez nos clients. Le marché s’est arrêté non pas parce que le marché n’allait pas bien mais parce que le message de l’État français n’était pas clair : fermer ou pas ? Dans le doute, beaucoup ont fermé. Cette étape de sidération a duré a minima deux semaines. Certains ont alors commencé à rouvrir partiellement mais sans vraiment être actifs vis-à-vis de leurs clients ou de leurs fournisseurs. Du côté des industriels, la réaction a plutôt été de rester ouverts la première semaine puis ils ont fermé.
De notre côté, nous avons réagi en informant nos clients que nous continuions à fonctionner. Nous les avons tous appelés pour savoir s’ils voulaient toujours leur commande et s’ils étaient en capacité de la réceptionner. Il n’y a pas eu de vague de
reports, mais une série de cas particuliers. Certains ont décalé leurs commandes, d’autres les ont figées (« on ne sait pas, mais ne livrez pas »). Certains ont annulé, puis ont annulé l’annulation quelques jours plus tard.
À partir de la troisième semaine de confinement, le marché a commencé à « frétiller » avec des réouvertures d’entreprises. Le véritable redémarrage a commencé la quatrième semaine. Et cette semaine, nous nous faisons même « engueuler » par des clients parce que leur commande n’est pas arrivée avant, mais cela reste une exception.
Aujourd’hui, nous gérons les urgences et nous nous organisons pour savoir à qui nous pouvons livrer en priorité, alors qu’au début c’était l’inverse.
Quelles contraintes avez-vous rencontrées ?
L’une de nos principales contraintes a été que nos partenaires sous-traitants ont eux aussi fermé. Nous avons donc dû fabriquer avec les matières premières dont nous disposions. Difficile aussi de gérer la production avec un personnel incomplet et en l’absence de personnes clés mais ça se gère… et nous l’avons fait. Il est certain que la facilité aurait été de fermer l’entreprise et d’attendre que la situation se clarifie. Mais c’est très contraignant pour une entreprise de notre taille. Nous avions aussi une personne qui faisait de la veille en permanence auprès des fédérations de la piscine, de la métallurgie, des organisations patronales, des associations d’entreprises. Il nous a fallu digérer ces informations, en tirer des conclusions, établir un plan d’action et en informer les collaborateurs. Ce qui est très compliqué quand l’entreprise reste ouverte. Il est dur aussi de gérer les hommes. Dès le début, nous avons décalé les horaires, déplacé les tables avec des ateliers non permanents et mis en place plein de mesures (gel hydroalcoolique, désinfection des postes, lavage des mains, cantine avec places limitées et tables décalées…). Mais comme dans toutes les entreprises, cela a été très « douloureux » de faire passer le message « pour les bons gestes » quand les gens continuent d’arriver en troupeaux ou s’agglutinent à la cantine… Un truc qui ne s’est pas arrêté chez nous, c’est la pétanque à la pause de midi mais aujourd’hui chacun amène ses propres boules et son cochonnet.
Nous avons donc progressé au fur et à mesure en nettoyant tout ce que nous touchons avec du désinfectant fabriqué par nos propres appareils, les Pure Chlore. Nous avons d’ailleurs partagé cette production avec des professionnels et des institutionnels.
Comme cela se passe-t-il aujourd’hui et comment préparez-vous l’après-confinement ?
Aujourd’hui, plus de 60 % des heures ouvrables sont travaillées. C’est un chiffre que nous suivons semaine après semaine. Mais comme nous devons faire le travail des sous-traitants, nous avons plus d’heures travaillées qu’en temps normal mais avec moins d’efficacité et de rapidité. Nous sommes en train de livrer les commandes de présaison qui ont pris du retard à cause du Covid-19.
Le jour où le déconfinement interviendra en France, nous serons en quasi pleine activité.
Le marché s’en sortira beaucoup mieux que beaucoup d’autres. Dans notre métier, un certain nombre d’industriels, coquistes et fabricants de piscines en kit, ont reçu pas mal de commandes et devraient pouvoir livrer pour la saison. Les pisciniers haut de gamme, de leur côté, ont des carnets de commandes pleins.
Le chiffre d’affaires est un problème mais pas la prise de commandes. Et comme les gens sont confinés chez eux, ils vont s’intéresser à leur environnement immédiat : le mobilier et… la piscine.