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Techniciens, commerciaux…, où les trouver et comment les attirer ?

par laurence

Le marché de la piscine se porte bien. En 2020, et ce pour la 5e année consécutive, il a fortement progressé pour frôler le cap des 3 millions de piscines. Pour 2021, l’ensemble des indicateurs sont au vert : expérience du confinement, difficultés pour voyager renforcent l’envie des Français de faire de leur maison un lieu confortable, où l’on se sent bien, et la piscine s’inscrit tout naturellement dans leurs projets. Cependant, face à cette demande soutenue, le développement des entreprises de piscines est handicapé par une situation récurrente : le manque de main d’œuvre qualifiée. Si la piscine fait rêver nos concitoyens, il faut bien constater que nos métiers n’attirent pas les jeunes. Au-delà de ce constat il y a probablement des solutions que l’ensemble de la profession peut mettre en œuvre afin de les rendre plus attractifs.

Organisée par la rédaction de L’activité Piscine et animée par Michel Dupenloup, cette nouvelle Table ronde, qui s’est tenue pour la première fois à distance en raison de la crise sanitaire, a réuni une douzaine de participants, pisciniers, réseaux, industriels, apprentis, centres de formation et institutionnels à échanger sur cette problématique forte du secteur : le recrutement.

 

Pierre CABERLON, piscinier – Piscine Weekend (38) – réseau EuroPiscine / Roch PERRIN, piscinier – ADP (34) / Arnaldo MONTEIRO, piscinier – Bati Azur (03) / Clément MONTEIRO, apprenti en 1re année à Pierrelatte / Hervé MERY, piscinier et administrateur de la FPPPiscines et Bains (77) / Flore-Anne RONCIN et Philippe GAUTIER – réseau Mondial Piscine / Aurélie ROUSSEL, centre de formation de Rignac / Manuel MARTINEZ et Christelle MARSOT, centre de formation de Pierrelatte / Jean-Marie GEFFROY, industriel – Fluidra / Sarah GUEZBAR, industriel – Pool Technologie / Grégory GERARD, FPP / EN INTERVIEW : Vanessa DELHOMME, Objectif Emploi – Pôle Emploi

MD : Le secteur a des problèmes de recrutement alors que le marché de la piscine progresse et que tous les indicateurs sont au vert. Les métiers de la piscine n’attirent pas les jeunes ce qui handicape les entreprises. Partagez-vous ce constat ?

Pour Roch Perrin (ADP), cela vient du fait que « les jeunes n’ont plus beaucoup envie de travailler ». Sarah Guezbar (Pool Technologie), fait le même constat pour la majorité des jeunes en ajoutant que « ce n’est pas seulement lié au secteur de la piscine. C’est la même chose pour les secteurs de la boulangerie ou de l’industrie. La relation au travail a changé pour les jeunes qui ont des attentes différentes. Aujourd’hui, pour beaucoup, le travail est plus une variable d’ajustement qu’un pilier d’épanouissement. Heureusement, il y a toujours des gens pour lesquels ce n’est pas le cas. Il nous faut utiliser de nouveaux leviers pour les attirer. »

Pierre Caberlon (Piscine Weekend), partage son expérience : « Nous avons des soucis de recrutement alors que nous avons de plus en plus de piscines qu’il va falloir construire et entretenir. Pour ma part, cela fait un an que je cherche des techniciens. Et, quand j’en trouve un, il est difficile de le garder. Nous n’avons peut-être pas la même appréhension du travail que ces jeunes. C’est sûrement à nous de nous remettre en question et de les motiver, de leur montrer que nous leur proposons un métier d’avenir. »

Pour Philippe Gautier (Mondial Piscine), cela vient plus du fait que « l’image du métier de piscinier est très différente de la réalité du terrain. C’est un métier qui fait rêver mais qui s’avère très complet et extrêmement technique. Il est très différent d’autres métiers comme celui de couvreur qui ne fait que de la couverture de toiture. » Et Flore-Anne Roncin d’ajouter « nous avons des difficultés à trouver des techniciens pour nos concessionnaires mais aussi des personnels pour les magasins, pour accueillir les clients et répondre à leurs questions. Le client veut une réponse immédiate à une question technique ou demande un devis même si le commercial n’est pas là. »

Aurélie Roussel (Centre de formation de Rignac) remarque elle aussi « qu’il y a la génération des 35 h, une génération qui travaille mais qui n’en a pas besoin. Les jeunes de cette génération travaillent pour manger ou pour partir en week-end, mais ce n’est plus une raison d’être au quotidien. »

Arnaldo Monteiro, prend la parole : « Je viens du milieu de la gendarmerie. Dans ce secteur, il y a 10 ans déjà, nous recevions des jeunes du civil que nous étions obligés de reformater pour qu’ils s’adaptent aux contraintes du métier. Ces jeunes subissaient en plus la pression de leurs épouses qui ne comprenaient pas les nécessités du métier. » Et parlant de son fils, apprenti à l’UFA de Pierrelatte, « cela a été pareil avec Clément à qui il a fallu expliquer que pour travailler dans ce secteur, si on voulait avoir un magasin, il fallait être cohérent et comprendre que week-ends et vacances seraient forcément raccourcis ». Ce que confirme son fils, Clément Monteiro « J’ai toujours vu mon père travailler. Je suis allé à Pierrelatte parce qu’il y avait fait sa formation. J’ai eu un parcours particulier et fait un bac scientifique, un BTS et d’autres choses. Avec le confinement, j’ai dû rentrer à la maison. Mon père m’a emmené sur des chantiers et du coup j’ai eu du plaisir à découvrir le monde de la piscine. C’est un milieu particulier, même si les conditions de travail ne sont pas toujours faciles quand il fait chaud l’été ou froid l’hiver. On prend du plaisir lorsqu’on a un client heureux de voir son bassin fonctionner et ses enfants ou petits-enfants se baigner. Et j’ai retrouvé la chimie dans la piscine, une matière que j’aimais. Parfois on est comme des médecins, on a des symptômes très différents et notre travail est de trouver une solution, un remède. C’est un métier très intéressant. » Et parlant des jeunes de son âge : « Ma génération est dans le rapide et l’instantané. Elle ne prend pas de réel plaisir à faire les choses, à trouver de la satisfaction dans un petit plaisir du quotidien. Dans beaucoup de métiers, dès qu’il y a de la routine, on s’ennuie. »

Léa Composites

Grégory Gérard (FPP) en profite pour présenter les résultats d’une enquête de la FPP auprès de ses adhérents : « Concernant les difficultés de recrutement, les pisciniers interrogés ont exprimé un manque de qualification et de formation, un manque général de motivation et un manque de connaissance du métier, sauf s’ils ont de la famille ou des amis dans le métier ». Clément Monteiro confirme ce dernier point : « Mes amis travaillent dans des secteurs complètement différents, comme le médical. Ils sont travailleurs, professionnels et ambitieux et me ressemblent mais même s’ils évitent les commentaires négatifs, j’ai droit, au printemps et en été, à des « Ah ben tu travailles ? » ou « Ça ne doit pas être facile ». C’est vrai que c’est un métier de passionnés que tout le monde ne ferait pas. Si on ne connait pas ce métier avant de s’y lancer, on va vite déchanter, se décourager et s’arrêter. C’est un métier très complet. »

MD : Comment expliquer le manque de main d’œuvre ?

Hervé Méry (Piscines et Bains) : « Le constat principal de l’enquête menée par la FPP est que le nombre d’emplois à fournir est important. Pourquoi n’arrivons-nous pas à recruter ? Par un manque de connaissance du métier. Nous avons besoin de communiquer fortement dessus. Les centres de formation font beaucoup d’efforts pour recruter et former des apprentis. Simplement, nous n’avons pas de maillage complet du territoire en termes de formation professionnelle. Il faut se déplacer, souvent loin de chez soi, pour trouver un centre et le jeune doit être grandement motivé pour ça. Ceux qui intègrent les centres le sont donc mais il faut aussi les accompagner à la sortie et leur présenter les perspectives du métier, leur montrer qu’ils verront leur salaire progresser, leur carrière évoluer vers des postes de responsable technique, de chef de chantier… ». Et de raconter une expérience partagée avec le centre de Pierrelatte : « J’ai embauché un jeune il y a 5 ans qui avait des compétences en électricité. Je lui ai fait suivre un stage de 15 jours dans un centre de formation. Aujourd’hui il est responsable du service maintenance et SAV et je sais qu’il va continuer de progresser. » Revenant à la question des jeunes « On ne pourra pas changer les jeunes de cette génération ou leurs modes de consommation pour qu’ils s’adaptent à nos règles. C’est à nous de composer avec ces évolutions et d’avoir les bons arguments. L’autre élément clef, c’est le salaire. Une qualification doit être valorisée financièrement. On ne les forme pas pour qu’ils disparaissent mais pour qu’ils continuent dans le métier. »

 

Des points sur lesquels s’accorde Sarah Guezbar (Pool Technologie) : « Le travail a changé et c’est effectivement à nous de nous adapter. Les jeunes ont beaucoup plus besoin de visibilité que leurs parents sur leur avenir et nous demandent ce que nous allons leur apprendre et leur apporter. Nous devons être vigilants pendant le processus de recrutement, notamment au moment de l’intégration de ces nouveaux salariés, les accompagner et les former. Ils ont une dimension entrepreneuriale et veulent être associés aux décisions. » Elle observe que « nous devons également construire des organisations résilientes parce que nous avons affaire à une génération qui zappe vite. Au bout de 3 ou 4 ans, ils ont envie de faire autre chose. Nous devons agir sur deux leviers : investir dans l’accompagnement en premier lieu et rassurer les jeunes qui ont une certaine défiance vis-à-vis du monde de l’entreprise après avoir vu leurs parents perdre leur emploi pendant la crise de 2008. »

Une analyse partagée par Jean-Marie GEFFROY (Fluidra) : « On ressent cette défiance. Les jeunes pensent que l’entreprise est l’ennemie. Les 35h vont à l’opposé de la demande du consommateur final. A 18h, le client est encore en poste et s’il a besoin d’un technicien, celui-ci doit pouvoir intervenir en dehors des horaires de bureau. » A propos de la jeune génération, il ajoute « Les jeunes ont une appétence pour évoluer et une tendance à zapper. Ils ont besoin de se projeter dans le futur et de savoir qu’ils pourront progresser dans l’entreprise. À 43 ans, je me situe entre les deux générations. Nous avons maintenant des gens en poste depuis 2 ans qui demandent déjà à prendre des responsabilités. Le problème est que nous n’avons pas ces postes. Et il y a aussi la question de l’image du métier de piscinier, qui contrairement à ce qu’en pensent beaucoup, n’est pas toujours au bord du bassin mais doit aussi manier la truelle et le tournevis. C’est un métier très complet. Quand un jeune dans une entreprise ne fait que coller du tuyau, on comprend que cela ne l’attire pas alors que s’il est bien impliqué il va saisir tout l’intérêt du métier. Un dernier point très important est que les métiers manuels ne sont pas du tout mis en avant. Tout le monde veut être ingénieur aujourd’hui ! »

 

Aurélie Roussel (Centre de formation de Rignac), à ce propos : « Le brevet professionnel n’est pas du tout évoqué à l’école au moment de l’orientation. Le statut d’apprenti a été dévalorisé et l’apprentissage est considéré comme une voie de garage. Quand le jeune arrive dans l’entreprise, il doit trouver sa place car on ne lui demande pas la même chose qu’à un salarié. Et pourtant il a besoin de se projeter. En ce qui concerne le zapping, je remarque que les jeunes ont aussi à l’esprit qu’ils sont très demandés sur le marché et qu’ils pourront toujours trouver du travail. Ils changent donc souvent pour le salaire et pensent aussi à l’entreprenariat, même si ça ne les fait pas rêver, à cause des charges et des difficultés liées à la gestion d’une entreprise. »

Everblue Piscines / Art et Piscine

MD : Le zapping est-il un constat chez les pisciniers ? Quelles en sont les raisons ?

Roch Perrin (ADP) : « Cela fait 15 ans que j’ai mon entreprise. Depuis 3 ans, j’embauche des gens de tous milieux et de tous niveaux. Ils passent une saison avec nous avant que je les envoie en formation en hiver. Je leur fais signer un CDI ensuite. J’ai de bons résultats avec cette méthode et les collaborateurs que je recrute s’investissent beaucoup. J’ai aussi réussi à stabiliser l’équipe. Et je leur offre la possibilité de participer aux prises de décisions. Je prends leur avis sur les investissements à venir, le choix des véhicules… » Et d’ajouter : « Le salaire est important mais ce n’est pas une priorité aujourd’hui. Quand je leur pose la question de leurs prétentions salariales en entretien, le salaire demandé est en deçà de ce que je leur propose. Leur priorité concerne surtout les horaires : ils veulent sortir à 18 h pour retrouver femme et enfants. Avant c’était le salarié qui s’adaptait à l’entreprise. Maintenant c’est le dirigeant qui doit s’adapter au salarié. »

Pierre Caberlon (Piscine Weekend) : « Pour ma part, j’ai un noyau dur composé des 2/3 de l’effectif. Pour le restant, j’ai du mal à conserver les salariés. C’est peut-être un peu à cause du salaire mais c’est surtout qu’ils n’ont pas la compétence technique. Ils doivent montrer ce qu’ils savent faire. Je suis très sensible au sujet de la formation. Chaque année j’essaie de mettre en place des formations pour les garder, les impliquer. Sur la question du comment faire connaître notre métier, je pense qu’il faut peut-être aller chercher plus tôt nos jeunes dans les collèges et les lycées. Ils s’orientent trop tôt et après c’est trop tard. Il est vrai, également, que les centres de formation sont assez éloignés. »

Flore-Anne Roncin (Mondial Piscine), à propos des pisciniers de son réseau : « Nos adhérents ont du mal à recruter et à garder leurs salariés. Il y a 3 ans, nous avons décidé de monter un centre de formation interne, avec des formations commerciales au départ, mais aussi techniques maintenant. »

Sarah Guezbar (Pool Technologie) de compléter sur la fidélisation : « Le management est crucial. Nous avons 80 permanents et 10 collaborateurs supplémentaires en saison. Pour accompagner les salariés et les fidéliser, nous avons 4 personnes aux ressources humaines et travaillons en management de proximité. »

MD : Qu’en pensent les centres de formation ? Avez-vous des candidats qui intègrent les formations puis les abandonnent ?

Manuel Martinez (Centre de formation de Pierrelatte) : « Je ne partage pas tous les avis exprimés. Dans nos formations nous avons des jeunes motivés, dont certains, ont changé d’orientation pendant leurs études supérieures et ont bifurqué vers le Brevet Professionnel. Par contre, au global, le côté terrain ne les effraie pas. C’est quelque chose qui les attire de plus en plus et les sort du stéréotype du salarié qui reste toute la journée derrière son bureau. Quant à ceux qui sont en échec scolaire, ils retrouvent de la motivation en appliquant sur le terrain ce qu’ils apprennent en cours.

Notre principale difficulté est de trouver des jeunes. Grâce à l’antériorité de notre centre, nous affichons complet mais peu d’entre eux connaissent le métier. Quand nous échangeons avec des jeunes sur les salons des métiers, ils découvrent l’existence de ce métier et peuvent être séduits. » Même bilan pour Aurélie Roussel (Centre de formation de Rignac) : « Pareil pour nous. Nous affichons complet. Nous n’avons pas eu d’abandon en cours de formation mais plutôt des changements d’entreprise pour nos apprentis. Au niveau des publics de nos formations, le plus jeune a 18 ans et le plus âgé, 41 ans. Nous avons un large panel de tranches d’âges car nous avons de plus en plus de candidats en reconversion professionnelle. »

Hervé Méry (Piscines et Bains), à propos de la problématique de recrutement des centres de formation : « C’est un sujet sur lequel la FPP doit travailler. L’enquête que nous avons menée nous amène à penser que ce n’est pas seulement au centre de formation de trouver les candidats apprentis mais que nous devons aussi communiquer fortement. » Grégory Gérard (FPP) complète : « Nous avons un problème d’attractivité du métier. Ceux qui viennent ont déjà des accointances avec lui. La Fédération a décidé de mettre en place des flyers, un argumentaire et des outils pour aider à le faire connaître et favoriser les candidatures ».

Et Manuel Martinez (Centre de formation de Pierrelatte) de rapporter : « Le métier n’est pas connu par les jeunes mais lorsque nous organisons des journées portes ouvertes, nous réalisons qu’au minimum une entreprise sur deux, et dans un rayon de 100 km, ne sait pas que notre centre de formation existe. Nous sommes également surpris par le nombre de pisciniers qui n’arrivent pas à estimer leur charge de travail en saison, alors que la saisonnalité est une base du métier. Ils nous contactent en février pour avoir un jeune au moins d’avril ! Il est donc très important de sensibiliser les entreprises, les jeunes et les professionnels qui pourraient vouloir se reconvertir. Il faut également diffuser des annonces locales puisque, dans la majorité des cas, à la fin de son apprentissage, un jeune quittera son entreprise pour revenir au pays. Les gens motivés existent mais il faut multiplier les rencontres et surtout s’y prendre à l’avance ».

Clément Monteiro (Apprenti) : « Tout le monde souhaite faire le métier de ses rêves. Ma copine s’intéresse au métier de la piscine alors qu’elle vient du secteur de la restauration. Mais, pour moi, il y a deux problèmes inhérents : c’est un métier très peu connu des filles comme des garçons, et pendant toute ma scolarité, on m’a dit que si je ne réussissais pas, je finirais dans le bâtiment. Aujourd’hui les jeunes se dirigent vers des métiers dit élitistes alors qu’on peut très bien gagner sa vie dans l’électricité ou le bâtiment. Le secteur de la piscine est un milieu où l’on peut s’épanouir, qu’on soit bon ou pas à l’école. Il y a un manque d’information et un problème lié au système scolaire qui veut qu’un enfant intelligent qui réussit à l’école fasse forcément des études. »

Pierre Caberlon (Piscine Weekend) : « J’entends ce que dit Clément quand il dit que les métiers manuels ne sont pas valorisés. Mais comment les valoriser auprès des jeunes ? Doit-on prendre contact avec l’Education nationale pour valoriser notre métier tout en sachant que l’institution pousse les jeunes vers des diplômes ? »

Un autre problème soulevé par Aurélie Roussel (Centre de formation de Rignac) : « Nous avons de plus en plus d’entreprises qui nous demandent des formations sur mesure et très courtes pour former un technicien ou une vendeuse au traitement de l’eau par exemple. Les entreprises doivent donc comprendre qu’il est important d’anticiper leurs besoins et de préparer un plan de formation pour leurs collaborateurs ». Ce que confirme Roch Perrin (ADP) : « Cela ne fait que 4 ans que je sais qu’il existe des formations prises en charge, financées par nos cotisations, que c’était un droit et que ça ne coûtait rien. Je croyais que l’entreprise payait tout. Depuis, j’envoie mes salariés en formation tous les hivers. »

Carré Bleu

MD : Que peut-on faire pour valoriser le métier et inciter les jeunes à le rejoindre ?

Hervé Méry (FPP) : « Cela doit passer par un discours précis avec un argumentaire qui contribue à faire connaître le métier. Nous devons également travailler avec les organismes institutionnels. Quand un piscinier rentre dans Pôle Emploi et explique qu’il cherche un technicien piscine, il se retrouve face à quelqu’un qui ne connaît pas le métier. D’autre part, avec la crise de la Covid-19, les salariés qui auront perdu leur emploi vont vouloir se reconvertir et notre devoir va être de faire connaître nos métiers et nos entreprises. Avant, je recevais peu de candidatures spontanées, alors que j’en ai de plus en plus aujourd’hui. Il faut que nous travaillions sur des fiches de poste pour rendre nos métiers attractifs et faire passer des entretiens annuels à nos collaborateurs pour savoir ce qu’ils pensent, ce qu’ils veulent… »

Roch Perrin (ADP) partage son expérience : « Avant nous passions par Pôle Emploi pour trouver des techniciens. Nous avons arrêté et décidé d’utiliser Linkedin. Nous avons effectivement trouvé des techniciens piscine mais le problème est qu’ils voulaient repenser l’entreprise, l’organisation des chantiers, les méthodes d’installation des appareils… Nous avons donc arrêté et je suis retourné à Pôle Emploi. Leurs conseillers sont comme les conseillers bancaires, il faut tomber sur la bonne personne. J’en ai eu un qui m’a dit « Vous ne pouvez pas payer quelqu’un comme ça ! ». J’ai heureusement trouvé une conseillère qui me contacte dès qu’elle a un CV qu’elle sait pouvoir m’intéresser. Et quand j’ai un candidat devant moi, je lui explique que c’est un métier passionnant, qu’on travaille à l’extérieur et je lui en présente aussi les mauvais côtés. »

MD : Quels sont vos rapports avec Pôle emploi ? Avez-vous des expériences favorables ?

Aurélie Roussel (Centre de formation de Rignac) : « Quand nous recrutons des apprentis pour le centre, nous prenons des jeunes qui sont déjà à Rignac pour qu’ils restent dans leur environnement. A chaque fois, nous faisons appel à Pôle Emploi mais en général, ce sont les candidats qui postulent et non pas Pôle Emploi qui nous les envoie. Nous devons donc faire un très gros travail de tri avec le risque de rater des candidats à potentiel. Nous travaillons aussi avec les missions locales afin d’y présenter nos formations mais toutes n’ont pas la même approche. Certaines acceptent qu’on intervienne chez elles, d’autres pas. Il faut faire un gros travail auprès d’eux et les impliquer pour qu’elles nous aident à recruter ».

Pierre Caberlon (Piscine Weekend), parlant de son expérience personnelle : « L’année dernière, j’ai voulu déposer un dossier de recrutement auprès de Pôle Emploi. Je leur ai demandé un certain nombre de renseignements pour affiner le profil recherché mais je n’ai malheureusement pas eu de retour. Je suis un peu déçu. Je suis de l’avis de Roch Perrin, qui préfère former des gens qui ne sont pas du milieu et plus « neutres ». Cela nous permet de les former à notre entreprise et à nos matériels sans qu’ils aient de préjugés ou d’idées arrêtées. » Une volonté également partagée par Hervé Méry (Piscines et bains) : « Nous allons ouvrir un 2e site et embaucher des personnes aux profils différents de ceux que nous avons actuellement dans l’entreprise. C’est un pari. L’objectif est d’essayer de ne pas reproduire ce que nous avons fait par le passé et d’éviter d’avoir des problèmes de déformation professionnelle difficiles à corriger. Nous voulons tout faire autrement avec une organisation différente. »

Et d’ajouter à propos de Pôle Emploi, « le principal problème que nous rencontrons avec Pôle Emploi, est qu’il n’existe pas de case « piscinier ». Le métier est tellement varié qu’il est très difficile de définir un profil précis. » Ce que confirme Grégory Gérard (FPP) : « Il est impossible pour un conseiller de nous mettre dans une seule case, au regard de tous les codes APE concernés. La FPP va se rapprocher de Pôle Emploi pour préciser le métier de piscinier. C’est l’une de nos pistes de travail. Il y a un gros travail à réaliser de la part de la FPP, des pisciniers, de la presse pour expliquer que nous proposons des métiers d’avenir et qu’il y a beaucoup de choses à faire. »

MD : Il y a une méconnaissance du métier et même des métiers de la piscine, un maillage de formation qui n’est pas encore optimum, un problème de rémunération qui n’est pas forcément un problème… C’est aussi un métier considéré comme masculin. Pour avoir un réservoir de candidats disponibles ne se prive-t-on pas de potentiels féminins ?

Sarah Guezbar (Pool Technologie) : « C’est tout à fait vrai, les postes que nous avons du mal à pourvoir sont ceux de techniciens hotline, qui assistent les pisciniers sur les appareils, des postes liés à notre forte activité saisonnière. Jusqu’à récemment, nous n’avions que des hommes. Nous avons eu l’opportunité d’embaucher une jeune femme, auparavant technicienne chez un lunetier, qui a apporté quelque chose de nouveau et de frais à ce poste. Et ça fonctionne vraiment bien. Nous sommes parfois formatés, ce qui fait que le problème vient plus de l’intérieur que de l’extérieur. Les femmes s’autocensurent pour certains emplois et nous ne pensons pas non plus qu’ils sont aussi faits pour elles. » Un avis partagé par Jean-Marie Geffroy (Fluidra) : « C’est une évolution que nous connaissons aussi depuis quelques années. Avant, l’équipe terrain était 100 % masculine. Quand j’ai été nommé directeur commercial, j’ai commencé à embaucher des commerciales. Nous avons reçu des femmes avec des profils très différents qui se sont très bien adaptées au marché. Pareil en agence. Nous avions peur de proposer aux femmes, par exemple, des postes en manutention, mais elles ont en réalité une approche différente et ça fonctionne. Nous rencontrons des soucis avec certains pisciniers qui ont du mal à accepter les conseils d’une femme. A l’inverse, avec d’autres, le fait qu’ils aient une femme face à eux permet de calmer la discussion et de trouver une solution plus facilement. Aujourd’hui nous essayons d’atteindre la parité dans nos services. »

MD : Comment faire alors pour valoriser le métier ? Quelles actions pourraient être entreprises par la filière, les entreprises, les centres de formation, les pouvoirs publics ? La presse pourrait, par exemple, mettre en avant les performances d’un technicien, faire un focus sur les MOF (Meilleur Ouvrier de France), dans les pages de ses magazines grand public et ses réseaux sociaux… bref, parler des hommes et femmes du métier.

Grégory Gérard (FPP) : « Ces témoignages et focus sont importants car qui de mieux qu’une personne du métier pour le promouvoir ? La Fédération pourrait également réaliser des vidéos que la presse pourrait relayer. » Jean-Marie Geffroy (Fluidra) d’ajouter « Nous devons communiquer au-delà de la presse piscine pour attirer des gens d’autres secteurs. Au travers de la presse généraliste, nous pourrions présenter des entreprises qui montent, pour attirer des jeunes cherchant des débouchés, des gens en reconversion professionnelle. Le monde du travail n’est pas simple aujourd’hui. Il faut pouvoir proposer un débouché qu’ils ne connaissent pas et qu’ils découvrent l’intérêt des métiers de la piscine. »

Manuel Martinez (Centre de formation de Pierrelatte) explique qu’« on parle souvent des MOF, un concours qui concerne tous les métiers manuels. Ce serait important de lui donner plus de visibilité. On a vraiment besoin d’un gros travail de communication ».

Clément Monteiro (apprenti) a l’idée que : « pour faire parler de ce métier, il faut communiquer vers le grand public, auprès d’adultes qui pourraient se reconvertir vers les métiers de la piscine. Mais qui pourrait le faire ? Présenter l’intérêt du métier ? De son côté high tech ? Qui pourrait aller sensibiliser les jeunes à ces métiers dans les collèges ? Cela pourrait être une bonne chose et pourrait faire naître des vocations y compris avec les stages de découverte en entreprise. »

Jean-Marie Geffroy (Fluidra) pense aussi que « l’utilisation des réseaux sociaux, de formats avant/après diffusés vers les secteurs du bâtiment ou de l’immobilier, avec des vidéos mettant en scène et montrant la technicité des personnes intervenant sur les chantiers de piscine pourrait être une bonne solution. » Il rappelle que « les émissions à la télévision ont participé à redorer l’image et à valoriser le travail du secteur du bâtiment. » Une idée partagée par Michel Dupenloup pour qui en « synthétisant ce que représente la profession dans son ensemble et en présentant l’intérêt du métier, avec ces avant-après, cela permettrait de mieux faire connaître le travail des professionnels ». Et Jean-Marie Geffroy (Fluidra) d’ajouter que « cela permettrait de montrer aussi l’aspect pluridisciplinaire du métier et le faire découvrir autrement. Que les pisciniers interviennent également sur la décoration autour de la piscine ». Une idée que rejoint Flore-Anne Roncin (Mondial Piscine), qui rapporte : « nous avons produit des vidéos de concessionnaires. Il n’y a pas mieux qu’un technicien pour faire venir un autre technicien. Ça peut aussi donner des idées à quelqu’un qui voudrait faire de l’électricité, par exemple, de venir le faire dans le secteur de la piscine. » Elle suggère également que pour offrir plus de visibilité au milieu, « on présente la piscine comme un domaine annexe aux secteurs du bâtiment et du paysage. Nous travaillons beaucoup avec le secteur du paysagisme où nous trouvons des gens compétents en matière de plomberie par exemple ou de maçonnerie. Ils ont aussi de plus en plus de demande de constructions de piscine. Nous leur présentons la piscine comme une plus-value pour leur activité. Le bac pro et le BTS aménagement paysagé ont déjà une option piscine. Les apprentis ont le choix, à la fin de leur formation, entre travailler dans la piscine ou le paysage. Nous avons également de plus en plus d’entreprises du paysage qui viennent se former à la piscine. »

Pour Michel Dupenloup : « être piscinier ne consiste pas seulement à creuser un trou dans un jardin, c’est une filière qui recrute, un métier où l’on prend du plaisir, un ascenseur social… Ce sont des points qui pourraient être retenus pour une campagne de communication vers l’extérieur ».

Philippe Gautier rappelle que : « Roch Perrin a ajouté que c’était un métier accessible à tout le monde mais qu’on ne devait pas le choisir par dépit. Il forme chaque personne qu’il recrute, quel que soit son niveau et lui accorde sa confiance. Il faut également communiquer sur le fait que l’évolution sociale ne se fait pas forcément de manière pyramidale mais aussi horizontale, un technicien peut aussi devenir un bon commercial. »

Hervé Méry, à propos de la fédération, explique : « Nous essayons d’avancer sur ces sujets mais notre fédération est toute petite par rapport à celle du bâtiment. Nous vivons des cotisations mais plus nous aurons de pisciniers adhérents et plus nous pourrons développer d’actions et les financer. » Des premières actions décrites par Grégory Gérard : « La presse comme la fédération ont un rôle majeur à jouer. Au sein de la FPP a été créée la Commission recrutement, formation et professionnalisation dont la feuille de route consiste à promouvoir la filière et à aider au recrutement. Nous venons de mettre en place une bourse de l’emploi qui permet aux adhérents de déposer leurs offres. 80 % des demandes concernent des techniciens piscine. Nous avons eu quelques retours positifs mais c’est encore insuffisant pour l’instant. La bourse fonctionne parce que les adhérents y croient mais les candidats ne sont pas encore là. Nous avons également envisagé de travailler sur des témoignages de techniciens, des vidéos courtes qui seront mises en place rapidement. Des flyers seront mis à la disposition des centres de formation et de Pôle Emploi pour expliquer les métiers de la piscine. Et nous allons travailler sur l’orientation en nous rapprochant des salons de l’étudiant. »

MD : Quelques mots de chacun en conclusion ?

Roch Perrin : « On ne connaît pas la piscine parce qu’on s’y baigne. On ne voit pas ce qu’il y a derrière alors que c’est un métier très intéressant. »

Pierre Caberlon : « Les filières à aller chercher en priorité sont celles du paysage, du bâtiment mais aussi celles des électrotechniciens et électromécaniciens. »

Jean-Marie Geffroy : « Les pisciniers nous appellent pour nous demander si nous connaissons un bon technicien ou une bonne secrétaire, mais même en BtoB il est compliqué de trouver les bons. Nous devons valoriser le côté pluridisciplinaire du métier. C’est un effort collectif. »

Philippe Gautier : « Il faut démontrer que ce métier peut être accessible. »

Flore-Anne Roncin : « Les têtes de réseau doivent faire passer un message suivant sur leurs réseaux sociaux où il y a forcément de futurs salariés de concessions : le secteur recrute. »

Aurélie Roussel : « Il faut essayer d’expliquer aux pisciniers qu’il existe plein de moyens de recruter des techniciens novices ou des gens en poste déjà spécialisés, communiquer et mettre en place des partenariats avec tous ceux qui peuvent nous aider à rallier des jeunes. »

Sarah Guezbar : « Nous œuvrons sur un marché très dynamique, avec de nombreux défis à relever, qu’ils soient technologiques ou liés à l’évolution des comportements. Les opportunités sont nombreuses. C’est passionnant. Avec le réchauffement climatique, par exemple, la piscine d’aujourd’hui n’est plus un simple équipement de loisir gourmand en eau et en énergie. Nous devons communiquer sur cette dimension-là car les jeunes sont très sensibles à l’écologie et recherchent du sens dans leur travail. »

Grégory Gérard : « Il faut susciter l’envie pour notre métier et accompagner la reconversion professionnelle qui est un vrai vivier d’emplois. »

Hervé Méry : « Tout ce que nous pouvons exploiter doit l’être. Nous devons vraiment susciter l’envie du métier et accompagner la reconversion professionnelle. Nous avons tous, autour de la table, quelque chose à faire pour faire avancer le sujet. »

Nicollier Piscines (CH) Carré Bleu – Architecte : Archi DT – © Morgane Nicollier

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