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De la vente d’une piscine à la vente d’une performance d’usage

par laurence

Du produit au service, vers une économie de la fonctionnalité ?

 Quel besoin cherche à satisfaire un client quand il achète une piscine ? Veut-il simplement un bassin dans son jardin ou achète-t-il la possibilité de pouvoir se baigner quand il le désire ? Les deux me direz-vous. Mais êtes-vous réellement en mesure de satisfaire ces deux attentes aujourd’hui ? Autre question d’importance : les clients sont-ils prêts à payer d’un côté pour la construction de leur piscine et de l’autre pour sa maintenance ? La réponse est non pour une grande majorité d’entre eux.
Et si le problème ne venait pas seulement du client mais aussi de notre façon de lui vendre le “produit” piscine ? Pourquoi la piscine devrait-elle être pensée comme un simple bien d’équipement plutôt que comme une solution à ses attentes ? Quels en seraient les bénéfices pour vos clients et pour votre entreprise ?

 

La piscine, un “produit” à part entière…

Comme l’indiquent les derniers chiffres de la FPP, avec 2 millions de bassins en France en 2017, le marché de la piscine retrouve des couleurs et se rapproche de 2007, année de référence du baromètre, tant en termes de volumes (+ 12,5 % de piscines construites en un an) que de chiffre d’affaires.
Mais pour une entreprise de la piscine, pas question de parier sur la météo ou de compter sur le renouvellement du parc pour remplacer le volume d’affaires que représente à elle seule la vente d’une piscine. Car même si elle a besoin d’être rénovée de temps en temps, la piscine est un produit durable.
Le marché de la rénovation vient compléter et soutenir celui de la construction, ce qui laisse encore augurer de bonnes années, mais il s’avère indispensable dès aujourd’hui, pour les entreprises du secteur, de réfléchir à leur avenir.

… mais un “produit” amené à évoluer

Une évolution de la notion de produit
En effet, cela fait maintenant plusieurs années que la vision de la propriété des produits évolue. Ce qui compte aujourd’hui c’est la satisfaction d’un besoin couplée à la réduction des coûts d’achat, de fonctionnement, et de maintenance des biens. Le produit existe de moins en moins pour ce qu’il est mais de plus en plus pour la fonction qu’il remplit : une solution de transport, de nettoyage, de communication… une solution de baignade ?

Ce phénomène gagne progressivement chaque secteur de l’économie :

  • les transports avec l’autopartage (OuiCar, ZipCar, Citiz, etc.) et le covoiturage (Blablacar…) entre particuliers. Les collectivités locales ne sont pas en reste et proposent tout un panel de solutions de mobilité (du vélo au train en passant par la moto et la voiture). Certains fabricants comme Hyundai, commencent même à proposer des véhicules électriques disponibles uniquement sur abonnement (IONIQ). Même chose, dans une moindre mesure, du côté des bateaux et des avions ;
  • le divertissement avec le streaming vidéo et musical (Deezer, Apple Music, Spotify) ;
  • l’électroménager et le multimédia avec la location de machines à laver, de téléviseurs, de téléphones par les distributeurs (Fnac, Boulanger, etc.) ou les marques (Samsung) ;
  • l’habillement avec la location de vêtements ;
  • l’informatique avec le stockage de données à distance (cloud), l’abonnement logiciel (SaaS)…
Notions d’usage et d’utilisabilité

Usage : « destination, fonction d’un bien. » – Larousse.
Utilisabilité : « degré selon lequel un produit peut être utilisé […] avec efficacité, efficience et satisfaction. » (norme ISO 9241-11).

D’après une étude de The Economist Intelligence Unit, 80% des consommateurs seraient aujourd’hui à la recherche de nouveaux modèles de consommation (abonnement, partage, leasing, etc.).
Le client devient de plus en plus un abonné. Réticent jusqu’alors à s’abonner une prestation de service, il s’y est accoutumé et n’hésite plus à s’engager dès lors qu’il garde la possibilité contractuelle de changer de prestataire si celui-ci ne satisfait pas son besoin d’usage.

Une évolution nécessaire face à la concurrence

Vous avez le meilleur produit du marché mais vos concurrents aussi. Dans la piscine, la différence se fait de moins en moins sur la technique de construction mais de plus en plus sur la capacité de votre produit à satisfaire les besoins de vos clients. En effet, en quoi une piscine polyester est-elle réellement différente d’une piscine modulaire ou d’une piscine en béton ? Pour une large majorité de clients cette différence est réellement mince.
Ce qu’il veut avant tout c’est une piscine qui lui permette de se baigner, non ?
Le client est de plus en plus exigeant et de mieux en mieux renseigné. Le prix devient lui aussi secondaire (même s’il reste important). Ce qui compte c’est le prix global intégrant les coûts directs et induits du produit (achat, fonctionnement, maintenance voire recyclage). Le retour sur investissement se mesure dans le temps sur le degré de satisfaction procuré par l’usage de la piscine et de moins en moins sur le fait de la posséder.

Une évolution facilitée par les technologies

Avec le développement d’Internet, des produits connectés, des interfaces mobiles, le client s’habitue à gérer et contrôler ses équipements à distance. La maison devient le territoire de prédilection des technologies connectées (sécurité, chauffage, éclairage, cuisine, etc.).

La piscine connectée trouve elle aussi tout son sens. La largeur de l’offre du marché y est pour beaucoup. Meilleur contrôle de la qualité de l’eau, moindre consommation de produits, confort accru d’utilisation de la piscine… Autant d’avantages que le client commence à intégrer dans sa décision d’achat.

La vente d’une piscine ne doit plus être une finalité

Dans ce contexte, la piscine ne peut plus être considérée comme un produit ou un service mais comme une solution destinée à satisfaire le besoin du client. Sa valeur n’est plus dans sa seule valeur d’achat mais dans sa valeur d’usage tout au long de son cycle de vie.

Du produit à la solution
Le concept du Product-Service System (PPS) : « Un PSS est constitué de produits tangibles et de services intangibles conçus et combinés de façon à être capables de satisfaire conjointement les besoins spécifiques des consommateurs »Arnold Tukker – 2004

Le piscinier doit donc s’engager sur une performance d’usage ou d’utilisabilité en proposant à son client un bouquet d’équipements et de services intégrant un contrôle de l’effectivité (mesure du taux de performance) pendant toute la durée du contrat. L’objectif n’est plus de fournir un service additionnel à la piscine mais d’entretenir une relation permanente avec ses clients.
D’interagir avec eux, avec leurs équipements, de leur faire des préconisations, des recommandations, d’intervenir dès que nécessaire à distance ou sur site, de proposer une évolution du bouquet de solutions en fonction de l’historique de fonctionnement et d’utilisation de leur piscine…
Pour garantir cette performance d’usage, le piscinier se doit de choisir des fabricants à même de lui proposer des équipements à la fiabilité maximale, d’une longue durée de vie (terminée l’obsolescence programmée) et conçus pour simplifier le SAV.

3 raisons de faire évoluer votre modèle économique

Meilleure satisfaction du client, meilleure performance économique des entreprises et meilleure gestion des ressources naturelles sont des objectifs qui vous paraissent totalement antinomiques ?
Dans une économie du produit, oui, c’est vrai. Mais dans une économie de la fonctionnalité, il est tout à fait possible d’augmenter ses marges en satisfaisant mieux ses clients tout en réduisant son empreinte écologique !

  1. Développer votre performance économique

De la marge en plus
Pour augmenter votre marge, vous avez deux possibilités. Soit augmenter vos prix – ce qui paraît compliqué sur un marché concurrentiel avec des produits peu différenciés – soit réduire vos coûts.
La vente d’une « solution piscine » permet :

  • de réduire vos déplacements, avec à la clé des économies sur vos consommations de carburant ;
  • de passer moins de temps en intervention chez le client ce qui vous laisse plus de temps pour la prospection, la relation-client, le suivi des chantiers ;
  • d’optimiser l’utilisation de vos véhicules qui sont alors plus disponibles pour fournir d’autres services aux clients (livraison à domicile par exemple).

Des prix en baisse
La gestion à distance d’une piscine – cela est encore plus vrai pour un parc de piscines – permet de réduire vos coûts et de facturer vos clients au plus près de la réalité (cliquer sur une icône pour lancer un cycle de filtration coûte beaucoup moins cher que de se déplacer chez le client !).
Une évolution vers ce modèle économique vous permet donc de baisser vos prix. On ne parle plus alors de prix à l’intervention (nécessitant déplacement, diagnostic et intervention) mais de prix pour un fonctionnement optimal.
Cette gestion de parc est aussi proactive ! En régulant le pH de la piscine d’un client au bon moment, vous évitez tout un tas de problèmes et leurs coûts induits (économies d’énergie, de produits, de déplacement, de temps…).

Une gestion plus facile de votre trésorerie
La vente d’une “solution piscine” implique un modèle fondé sur l’abonnement. Et l’abonnement, c’est de la trésorerie tous les mois.
Cela vous permet d’anticiper sur les périodes difficiles tout en investissant sur l’avenir grâce à une meilleure visibilité.

Objectif de l’économie de fonctionnalité
« Créer une valeur d’usage la plus élevée possible pendant le plus longtemps possible tout en consommant le moins de ressources matérielles et d’énergie possibles. Le but est d’atteindre ainsi une meilleure compétitivité et une augmentation des revenus des entreprises »

Walter R. Stahel, The Performance Economy – 2006

  1. Développer la valeur et la satisfaction de vos clients

Une valeur du client plus importante
Rien de tel qu’augmenter la “durée de vie” d’un client pour augmenter sa rentabilité dans le temps.
Un client satisfait de la performance d’usage atteinte pendant la saison de baignade, ne se posera pas la question de savoir s’il doit poursuivre ou non sa relation contractuelle avec son piscinier… à condition bien sûr que celui-ci lui apporte régulièrement des preuves de son efficience (niveau de performance atteint par rapport aux engagements contractuels).

Une relation durable et renforcée
Avec ce modèle de business fondé sur la valorisation de l’usage, nous sortons du modèle « je te vends, tu entretiens, je répare » pour passer à un modèle fondé sur des échanges permanents permettant l’utilisabilité maximale du produit. La coopération est essentielle entre le client (sa piscine et ses équipements) et le piscinier (ses interfaces et ses équipes). Vos intérêts convergent et doivent être clairement contractualisés pour être bien valorisés.

  1. Développer votre engagement écologique et sociétal

La vente d’une performance d’usage, plutôt que celle d’un produit et de services, permet aussi d’intégrer le développement durable dans votre modèle économique.
Pour le ministère de la Transition écologique et solidaire, « l’économie de la fonctionnalité consiste à remplacer la notion de vente d’un bien par celle de la vente de l’usage du bien, ce qui entraîne le découplage de la valeur ajoutée et de la consommation d’énergie et de matières premières ».
L’objectif est donc de sortir du modèle « achat, obsolescence et répétition de l’achat ». La durée de vie de la piscine et de ses équipements est allongée et ses consommations de ressources naturelles moindres (énergie, eau, produits chimiques).
C’est d’ores et déjà un premier pas vers un processus d’économie circulaire.

Les 4 défis de l’économie de la fonctionnalité

  1. Comment valoriser la performance d’usage ?

Difficile de définir un prix sans tenir compte du cycle de vie de la “solution piscine”. Quelle est la durée de vie moyenne d’un client ?  Quel sera le coût global (fonctionnement + maintenance + évolution + recyclage) de sa piscine pendant cette période ? Quelle performance d’usage attend-il ?
Devez-vous définir une part fixe (renouvellement ou ajout d’un matériel indispensable pour maintenir ou atteindre cette performance) et une part variable dans le contrat (consommables) ?
Tout est à inventer aujourd’hui sur le secteur de la piscine.

  1. Comment vendre une “solution piscine” ?

Une évolution de votre offre
À nouveau modèle économique, nouvelle offre commerciale de façon à le différencier clairement de votre offre classique. Vous devez proposer un produit différent intégrant un bouquet de solutions évolutif selon le degré de performance d’usage attendu par le client.
Prévoyez des options permettant d’en améliorer l’utilisabilité (couverture, robot, etc.).
Évitez les technologies « esthétiques » ou « gadgets » qui ne vont satisfaire qu’un besoin secondaire pour vous concentrer sur des technologies au service de l’objectif de performance à atteindre.

Une évolution de votre discours marketing et commercial
Faites évoluer vos argumentaires. Vous ne vendez plus un produit ou un service mais de la performance d’usage, du temps de baignade, du confort maximal.
Votre discours commercial doit désormais intégrer des arguments visant à convaincre le client des avantages d’une telle solution et de son impact sur ses consommations, sa tranquillité, l’environnement, le coût de maintenance, l’allongement de la durée de vie de ses équipements, etc.

  1. Comment prouver l’efficience de votre solution ?

Le plus grand défi de ce nouveau modèle économique est de réussir à valoriser votre travail auprès du client. Comment peut-il savoir que vous êtes intervenu 12 fois sur sa piscine à distance ce mois-ci par exemple ?
Grâce à des rapports d’efficience et des messages réguliers l’informant des problèmes identifiés, des actions correctrices effectuées, des déplacements nécessités, mais aussi et surtout des économies d’eau, de produits chimiques, d’énergie, d’intervention réalisées grâce à votre travail (en euros).
Indiquez bien aussi, pour comparaison, ce que cela lui aurait coûté sans votre intervention. Et en fin de rapport, précisez le total des économies réalisées et le taux de performance atteint sur la période (temps de disponibilité à la baignade de la piscine, taux de produits utilisés, etc.) ainsi que des préconisations et conseils d’équipement.

 


Les 6 freins du piscinier à lever

Pour réussir avec ce nouveau modèle,
le piscinier doit accepter :

  1. d’intervenir moins souvent chez le client ;
  2. de vendre moins de produits :
  3. de renouveler moins souvent les équipements : filtres, pompes, robots, etc.
  4. de dédier une personne au minimum à la gestion à distance du parc de piscines ;
  5. d’envoyer régulièrement au client
    un rapport d’efficience ;
  6. d’accompagner le client dans le temps : information, conseils et recommandations.
  1. Comment réorganiser votre entreprise ?

L’économie de fonctionnalité s’inscrit dans une logique évolution du métier de piscinier. Mais elle nécessite de repenser votre organisation.
Comme pour toute activité de télésurveillance, il faut un espace dédié avec moniteur de contrôle et un ou plusieurs techniciens piscine formés aux outils de gestion de parc.
Cela implique aussi d’organiser des permanences avec astreintes (télépho-niques, e-mail, SMS) de façon à intervenir et répondre 7 jours sur 7 sur les piscines de vos clients. Et bien sûr de s’équiper d’un logiciel de suivi, de relation et de facturation client adapté à ce type de prestation.

 

Demain c’est aujourd’hui
Science-fiction ? Utopie ? Vous pensez que l’économie de fonctionnalité, l’économie de la performance, l’économie circulaire ne sont pas applicables à la piscine ? Mais au regard des chiffres du marché, de l’évolution des comportements d’achat et des attentes des consommateurs, la question mérite d’être posée et une réflexion lancée. Le marché de la rénovation, avec ses utilisateurs de piscine avertis, conscients des efforts et du coût d’une bonne gestion de la qualité et de la propreté de l’eau, offre peut-être l’opportunité de lancer des expérimentations. Cela ne concernera pas tous les clients, c’est évident ; mais pourquoi se priver des clients plus regardants et professionnels que sont les propriétaires de piscines collectives privées (17 000 hôtels, 6 000 campings, 70 000 gîtes en France notamment), qui seraient certainement plus enclins à choisir ce modèle ?

 

Texte : Sébastien Carensac

 

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