La rénovation

par laurence

45 000 piscines enterrées construites en 2004, 28 000 en 2013. En moins de 10 ans, le nombre de nouveaux bassins a chuté de près de 40 %. Si la crise impacte le marché de la construction, elle a en revanche favorisé l’émergence d’un nouveau débouché : la rénovation.
Texte : Benoît Viallon

Pisciniers comme industriels perçoivent la rénovation comme un eldorado où la guerre des prix se terminera enfin pour laisser place à la qualité des produits et des prestations. Mais entre défis techniques, enjeux commerciaux et problématiques juridiques, les leviers restent nombreux pour que ce potentiel se traduise concrètement par un regain d’activité chez les professionnels.

 

La troisième table ronde animée par L’Activité Piscine a réuni quatre pisciniers (indépendants et membres d’un réseau), quatre industriels (fabricants et distributeurs), un consultant et le responsable juridique de la FPP.

À partir de quand peut-on parler de rénovation ?

Même lorsque le domaine d’application est technique, un même terme peut donner lieu à différentes interprétations. Réparation, conception ou encore amélioration, les contours d’une rénovation évoluent selon le point de vue de l’acteur qui en parle.

Les quatre pisciniers présents à cette table ronde s’accordent sur un point : ils commencent à évoquer la rénovation à partir du moment où ils interviennent sur l’étanchéité du bassin. D’autres actions peuvent venir se greffer ensuite, mais l’élément incontournable est systématiquement le renouvellement ou le changement de revêtement. Selon eux, le seul remplacement d’un tablier ne saurait être considéré comme une rénovation. Les pisciniers assimilent cette opération à un renouvellement de parc existant, voire à du SAV, alors que les industriels sont pour leur part enclins à la comptabiliser comme une rénovation.

D’un point de vue juridique également, la définition d’une rénovation n’est pas immuable. Jean-Michel Susini, responsable juridique de la FPP, rappelle ainsi qu’en l’absence d’une jurisprudence parfaitement explicite, les contours de la thématique restent flous. « Légalement parlant, l’article 1792 du Code civil relatif à la garantie décennale ne fait pas clairement le distinguo entre le remplacement d’un équipement d’usure et la rénovation nécessitant une nouvelle conception de l’ouvrage. La limite entre l’un et l’autre est pour l’instant uniquement financière, la jurisprudence en la matière s’appuyant principalement sur le coût de l’opération. De manière empirique, il est possible d’estimer ce seuil pécuniaire : entre 5 000 et 7 000 € de travaux, on suppose que le professionnel est soumis à une simple responsabilité contractuelle. Mais au-delà de 13 000 €, l’opération entre à coup sûr dans la catégorie de la garantie décennale en application de l’article 1792. »

Cette application des textes comporte bien des limites, ne serait-ce que parce qu’elle est soumise à l’interprétation du magistrat. Si la formulation précise du devis (par exemple “remplacement de liner‿ plutôt que “restauration d’étanchéité‿) peut orienter l’appréciation des instances judiciaires, elle n’assure en aucun cas au professionnel d’être exclu du champ d’application de la garantie décennale. D’autre part, se baser sur le montant de l’opération est à double tranchant : le seul changement d’un liner (opération qui ne relève normalement pas de la décennale) sur de grands volumes peut s’avérer plus coûteux que la rénovation intégrale d’un petit bassin… Plus que jamais, il convient donc de garder à l’esprit qu’il n’existe à ce jour pas de différence juridique véritablement établie entre l’entretien et la rénovation.

Un secteur devenu majeur

De l’aveu des participants, la baisse du marché de la construction ne peut, dans la situation actuelle, être contrebalancée par l’essor de la rénovation. Par contre, c’est devenu un débouché plus que déterminant pour leur activité.

La rénovation : un passage incontournable pour le parc existant

Depuis 2013, la France compte plus de 1,7 million de bassins, dont près de 60 % sont enterrés (chiffres FPP). Nous sommes donc en présence d’un parc de piscines conséquent, et surtout vieillissant : la plupart des bassins ont plus de 10 ans. C’est notamment le cas de toutes les structures réalisées lors du dernier pic d’activité sur les saisons 2003 et 2004.

D’un point de vue factuel, la piscine suit naturellement un cheminement identique à celui de n’importe quel bâtiment : la rénovation est une nécessité, une étape incontournable. À défaut, les structures risquent d’être affectées par des détériorations plus ou moins importantes. 100 % des bassins doivent un jour être rénovés.

Le potentiel est donc indéniable dans ce secteur d’activité, il y a peut-être même une place pour l’émergence de professionnels spécialistes de la rénovation.

 

« 25 000 à 30 000 bassins neufs sont réalisés chaque année. On estime à 60 000 le nombre potentiel de rénovations par an »

 

L’activité des pisciniers se traduit de plus en plus par de la rénovation

Les quatre pisciniers présents sont tous issus d’une structure relativement ancienne. Au départ, la construction était leur unique cœur de métier. Mais, les années passant, ils ont fort logiquement commencé à assurer la rénovation de leurs propres bassins. « En tant que piscinier, c’est une fierté que de donner une seconde jeunesse aux piscines réalisées par son entreprise » analyse Olivier Roguet, gérant de l’entreprise Roguet Piscine. Ce membre du réseau Everblue en Haute-Savoie porte un regard sans faux-semblants sur ce marché qui est devenu vital : « L’année dernière a été très difficile sur le plan de la construction, avec des prix systématiquement tirés vers le bas. Nous avons trouvé notre salut dans la rénovation qui a représenté 70 % de l’activité et du chiffre d’affaires 2014. »

La demande des particuliers apparaît donc de plus en plus forte. Max Delort, responsable du secteur rénovation de l’entreprise Mainaud Création, souligne également cet essor : « Même si notre activité piscine s’est développée depuis de nombreuses années déjà, notre vocation première est le paysagisme. Pourtant, 40 % à 50 % de notre activité s’inscrivent désormais dans le cadre de la rénovation d’un bassin. » Son de cloche identique chez Maxence Catusse, cogérant de l’entreprise familiale basée dans le Cantal : « La tendance est évidemment à la hausse. La rénovation représente aujourd’hui 40 % de notre activité, comme la construction. En revanche, cela ne représente que 30 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. »

Lorsqu’il leur est demandé si la rénovation est plus contraignante que la construction en termes organisationnels, les quatre pisciniers répondent par la négative. Leur fonctionnement demeure inchangé, les techniciens restent les mêmes et la structure bénéficie toujours d’une certaine lisibilité tant pour le planning que pour l’organisation.

Augmentation du volume de vente chez les industriels

Les industriels n’ont pas forcément accès à la typologie du client final mais ils connaissent dans la plupart des cas la répartition des débouchés de leurs produits : neuf ou existant.

En ce qui concerne la vente de volets, les données chiffrées des fabricants convergent vers une même estimation : 30 % des ventes de cette catégorie de produits sont aujourd’hui destinés à une structure existante. Attention, cela ne signifie pas forcément que l’installation se soit faite dans le cadre d’une rénovation, ce peut être un simple remplacement : en 2014, énormément de tabliers ont dû être changés à la suite de phénomènes météorologiques violents. Patrick Negro, responsable de la communication et du marketing pour le groupe Nextpool, met cependant l’accent sur l’évolution des ventes de couvertures à lames Abriblue : « En deux ans, la part de volets installés sur de l’existant a doublé. » Dans cette même optique, Clément Chapaton, président d’Annonay Productions France, relève que « pour les liners, la répartition neuf/rénovation est passée de 5 % à 30 % en l’espace de quatre ans ».

Plus généralement, les représentants des groupes APF, FIJA et Nextpool estiment que 40 % à 50 % de l’activité (en termes de chantiers, pas de chiffres d’affaires) de leurs clients professionnels s’opère sur des bassins existants. Une analyse qu’a souhaité pondérer Jean-Marie Geffroy, directeur commercial Fluidra France : « La rénovation représente un peu moins de 30 % des interventions de nos revendeurs. Il existe de grosses disparités entre familles de produits. Par exemple, notre gamme de pièces à sceller spécialement développée pour la rénovation constitue seulement 10 % à 15 % des ventes cumulées pour ce type de produits. »

Des produits dédiés à la rénovation

S’adapter à des nouvelles contraintes

Évolutions techniques, effets de mode, modification des équipements… les changements sont nombreux et ont amené les industriels à se remettre en question.

Le liner illustre à lui seul ces bouleversements qui sont apparus en quelques années seulement. D’une part, l’évolution de la réglementation européenne en ce qui concerne les matières chimiques (directive REACH) a impacté la composition des matières constituant le liner. Christophe Cadu, directeur commercial DEL et CEC, dresse ainsi un constat mitigé : « Intrinsèquement, le liner est peut-être aujourd’hui moins performant qu’avant. »

D’autre part, les configurations de bassin ont été profondément modifiées : volumes réduits, systèmes de chauffage ou de couverture de plus en plus répandus, sans compter l’avènement du traitement par électrolyse… L’environnement du liner ne bénéficie plus de l’inertie que généraient les grandes dimensions et se trouve soumis à de nouvelles contraintes en termes d’agressivité de l’eau.

Enfin, de l’aveu même des industriels, la mode a joué un rôle catalyseur :« La démocratisation de couleurs plus sombres comme le noir ou le gris a eu un effet pervers. Ces coloris souffrent plus rapidement de phénomènes de décoloration. Il a fallu réagir rapidement pour proposer de nouvelles solutions, avec une résistance accrue. »

Du neuf sur de l’ancien

Pour reprendre l’exemple du liner, son remplacement pose le problème de la compatibilité d’une étanchéité neuve sur une structure déjà ancienne. « Une piscine sous liner, c’est un milieu qui a évolué en anaérobie pendant une dizaine d’années », analyse Clément Chapaton. « On ne peut pas se permettre de poser du neuf sur de l’ancien comme on pose du neuf sur du neuf. Dans le cas du liner, le vernissage sur les deux faces permet de réduire le phénomène de migration qui peut affecter les composants. »

 

« Un mot résume toute la problématique technique que soulève une rénovation : homogénéisation. Comment concilier des produits neufs avec des matériaux existants ? »

 

C’est pour cette raison que les industriels ont développé des gammes de produits spécifiques à la rénovation, et identifiées comme telles dans leurs catalogues. L’enjeu est de proposer des solutions répondant aux contraintes de la rénovation, que ce soit pour la compatibilité des matériaux ou pour la facilité de mise en œuvre. L’exemple des flasques pour volets automatiques a entre autres été évoqué : leur remplacement doit être à la fois rapide et aisé.

Quand le volet reste conforme, mais pas homologué

Dans le cas d’une intervention sur un volet, lorsque certaines pièces sont changées (tablier, caillebotis ou mécanique…), mais pas la totalité du système, l’installation satisfait-elle toujours aux exigences de la norme ?

Si tous les composants, neufs et anciens, sont homologués et que la mise en œuvre respecte les préconisations fabricants, alors l’installation sera considérée comme conforme au regard de la NF P90-308. Cette conclusion vaut même en présence de pièces originaires de différents fournisseurs. Par contre, il n’y a pas de certificat d’homologation comme c’est le cas d’un volet neuf, car ceux-ci sont délivrés pour des catégories de produits bloquées.

Sécurité et conseil

Les pisciniers ont soulevé un cas de figure encore récurrent, celui des bassins qui ne sont équipés d’aucun dispositif de sécurité tel que prévu par la loi de 2003.

Jean-Michel Susini est revenu sur le fait que « la norme, même lorsqu’elle vient durcir une loi, est toujours d’application volontaire. Légalement parlant, il n’est donc pas possible de forcer la vente d’un équipement de sécurité. Le client ne peut pas être obligé de modifier son bassin ». Le responsable juridique de la FPP attire cependant l’attention des pisciniers sur le devoir de conseil auquel ils sont soumis. « Une intervention atteste de la connaissance du bassin par le professionnel, qui est supposé avoir appréhendé les caractéristiques du bassin. Ne pas stipuler l’absence d’un dispositif de sécurité relève du défaut de conseil au regard de l’article 1383 du Code civil français. Pour dégager sa responsabilité, il incombe donc au piscinier de notifier par écrit, en pied de devis et de facture, les manques. En cas de litige, l’information sera alors considérée comme transmise à l’utilisateur ».

Un seul mot d’ordre : adaptabilité !

Les pisciniers sont parfois confrontés à des problèmes d’approvisionnement, voire même de disponibilité, au moment de changer des pièces anciennes. Certaines séries sont discontinuées et des produits peuvent s’avérer définitivement hors stock. Le professionnel peut alors être dans l’impossibilité de changer l’élément usé, ou alors obligé de changer tout un ensemble. C’est un problème qui se rencontre fréquemment lors du remplacement de brides de skimmers. Pour Maxence Catusse, « le piscinier souhaite des produits adaptables et non pas adaptés. En rénovation, le standard n’existe pas ».

Les industriels ont dû adapter leurs processus de production pour pouvoir répondre à ces nouvelles contraintes. « Si nous réalisons toujours des fabrications en série, nous avons (ré)intégré le sur-mesure dans notre manière de fonctionner. Pour répondre au mieux aux besoins ponctuels des pisciniers, notre procédé devient artisanal. » Les flasques de volet ou les sabots supportant la poutre sont ainsi fréquemment réalisés aux cotes précises d’une installation existante.

Les principales tendances du marché

Qui sont les rénovateurs ?

Trois grands types de clients semblent se dégager au sein du marché de la rénovation :
– le client qui sollicite le piscinier pour un changement d’étanchéité et qui peut ou non embrayer vers une rénovation plus large intégrant d’autres équipements ;
– le client qui recherche un professionnel reconnu pour résoudre des problèmes après avoir subi des déconvenues avec les intervenants précédents ;
– le client qui souhaite transformer complètement son bassin car il ne correspond pas ou plus à ses attentes.

Il est ressorti des échanges de cette table ronde que le propriétaire qui initie une rénovation est bien différent d’un prospect se lançant dans la réalisation d’une piscine. Le client rénovation a déjà un vécu, il bénéficie d’une certaine expérience de la piscine. Cette clientèle est ainsi plus réceptive aux considérations matérielles et fonctionnelles : le côté technique l’interpelle et l’intéresse. Dans la plupart des cas, la rénovation s’accompagne d’une véritable réflexion sur les améliorations concrètes qui peuvent être apportées au bassin.

Maxence Catusse souligne cependant les contraintes financières auxquelles se heurtent parfois les projets de rénovation. « L’aisance financière ou la capacité de financement ne sont pas systématiquement présentes. Il ne faut pas occulter le turnover qui existe chez les propriétaires. Il est parfois difficile, financièrement parlant, de rénover le bassin présent dans la propriété qui vient d’être acquise. »

 

« Pour le client, il peut être difficile d’accepter de devoir remettre quasiment autant sur la table que lors de la construction du bassin. »

 

Le budget cristallise ainsi bon nombre d’interrogations chez les propriétaires de piscines, que l’acquisition soit récente ou non. Les sommes atteintes sont rapidement importantes et peuvent semer le doute dans l’esprit du client.

Que rénove-t-on ?

L’expérience des quatre pisciniers mais aussi des industriels présents est sans équivoque : l’origine d’un projet de rénovation résulte systématiquement d’un problème. Le facteur déclencheur est dans la plupart des cas une perte d’étanchéité. Viennent ensuite se greffer d’autres aspects pour améliorer l’existant : modification de l’accès au bassin (remplacement de l’échelle par un escalier), amélioration du niveau de confort (mise en place d’un traitement automatisé et d’un système de chauffage) ou sécurisation du bassin (installation d’une couverture automatique immergée). Pour le piscinier, cette montée en puissance des équipements est l’occasion de générer une plus-value.

Mais attention ! Parce qu’ils utilisent leur bassin depuis plusieurs saisons déjà, les propriétaires sont très pragmatiques. Olivier Roguet a ainsi constaté que la demande et l’utilisation avaient énormément changé chez les propriétaires. « Les clients savent exactement ce qu’ils veulent et ce qu’ils utilisent. Les besoins et les attentes sont clairement identifiés et parfois formulés dès le départ. Par exemple, l’éclairage n’est pas une demande fréquente, contrairement au chauffage. ». Les propriétaires identifient facilement ce dont ils ont besoin, l’équipement qui pourrait leur être utile ou au contraire ce qui est superflu. C’est pour cette raison que de manière récurrente, la géométrie du bassin est modifiée pour un usage optimisé : fond rehaussé pour une hauteur contenue et forme simplifiée sont des opérations fréquentes afin de faciliter l’intégration de nouveaux équipements (chauffage, abris) et de réduire les coûts de fonctionnement.

 

« Lorsqu’on rénove, on ne vend plus du rêve mais du concret : c’est une amélioration de l’existant au travers d’un confort ou d’une praticité accrus. »

 

Pour autant, Philippe Trojan, consultant pour le réseau Euro Piscine Services considère qu’il est possible de s’adresser à l’affect et pas uniquement à la raison. « La piscine a énormément évolué ces dernières années, que ce soit dans son aspect ou dans ses équipements… Ces changements peuvent provoquer des envies chez le propriétaire et devenir un facteur déclencheur. » De nouvelles attentes sont ainsi apparues chez le grand public, particulièrement en ce qui concerne l’esthétisme du bassin et de ses abords. Les margelles et le dallage constituent ainsi de nouveaux axes d’entrée à la rénovation.

Plus largement, c’est la perception de la piscine et de son utilisation qui a été profondément bouleversée ces dernières années. De plus en plus de particuliers recherchent un lien entre le bassin et l’habitation. « On nous a même demandé une fois de rapprocher la piscine de la maison » s’amuse Philippe Trojan. « Il existe des moyens créatifs pour donner une autre identité au bassin ou pour vivre sa piscine différemment ». Comme l’a rappelé Christophe Cadu, c’est l’un des grands enseignements de l’étude “Les Mots de la piscine‿ réalisée par l’Institut Médiascopie pour le compte de la FPP : la convivialité et la détente ont supplanté le sport dans la vocation d’une piscine résidentielle. La rénovation peut donc également s’adresser au style et au mode de vie dans et autour du bassin pour faire de la piscine un véritable lieu de vie.

Composer avec l’existant

Le spectre de la responsabilité

Clairement, la rénovation n’est pas toujours appréciée par les pisciniers : c’est un domaine d’application exigeant qui soulève le problème de la responsabilité du dernier intervenant au regard de la garantie décennale. Olivier Roguet pointe du doigt une réalité difficile : « Parfois, dans le cadre d’un simple changement de liner, le piscinier peut être amené à intervenir sur les skimmers… Il peut très rapidement se trouver dans le champ d’application de la garantie décennale. » Pour une même prestation de départ, il peut ainsi y avoir différentes opérations à réaliser, avec une évolution progressive du devis. Au final, c’est l’état de la structure qui détermine l’ampleur des interventions.

Si la garantie décennale préoccupe tant les pisciniers, c’est parce qu’elle implique qu’ils pourraient se retrouver en première ligne en cas de litige. Dans un contexte sociétal où les recours procéduriers se multiplient, c’est un risque pour le professionnel : sans parler du dédommagement financier, une action juridique s’avère coûteuse en temps et en argent. « Ce n’est pas le métier d’un piscinier, une défense devient vite chronophage », confirme Jean-Marie Geffroy. « Surtout, une réputation est très vite impactée par un conflit, quel que soit son fondement. »

La rénovation serait donc une source de litige ? « Pas systématiquement » répondent les participants. « Objectivement, on ne peut pas affirmer qu’une rénovation pose plus de problèmes qu’une construction avec le client » constate Olivier Roguet. « Mais en tant que piscinier, j’aimerais pouvoir appréhender précisément le risque encouru lorsque j’attaque une rénovation. »

Peut-on se prémunir contre l’inconnu ?

Contrairement à la construction, la rénovation implique une certaine part d’aléatoire. « Le piscinier ne maîtrise pas tout », déplore Michel Lhopital, concessionnaire Everblue. La probabilité que l’aléa se transforme en risque dépend d’une chose : le degré de connaissance du bassin dont peut bénéficier l’intervenant.

Dans l’idéal, le piscinier rénove un bassin qu’il a lui-même construit quelques années auparavant ou dont les propriétaires n’ont pas changé. « Mais dans les faits, on n’a pas toujours accès aux informations techniques ou à l’historique », regrette Maxence Catusse. « L’antécédent du bassin n’est pas forcément connu et le constructeur a parfois même disparu. » Dans la plupart des cas, il est matériellement impossible d’établir un devis précis et figé dès le départ sans un minimum d’investigation.

« Un diagnostic est tout simplement incontournable », insiste Jean-Michel Susini. « Proposer des prestations forfaitaires est bien trop risqué pour l’équilibre financier de l’entreprise, cela revient à jouer à la roulette russe. ». C’est ce travail de recherche qui détermine le montant du devis prévisionnel. « Pour chiffrer le doute, le devis conditionnel s’impose », précise le responsable juridique de la FPP. « La rédaction de l’offre soumet alors l’application et le coût de la prestation à un certain nombre de critères. »

Comme le reconnaissent les pisciniers, « typiquement, le risque ce n’est pas le changement de liner. Mais tout ce que l’on découvre après. Tous les problèmes que l’on ne décèle pas au départ peuvent s’avérer très coûteux à la fin. » Le devis conditionnel constitue ainsi une sécurité pour eux : « concrètement, vous vous engagez à réaliser une opération donnée si tel élément est comme ceci et tel critère est comme cela » détaille Jean-Michel Susini.

 

« Dans les faits, il faut choisir entre réussir sa vente et se couvrir juridiquement. »

S’appuyant sur l’exemple d’un changement de liner qui, dans l’absolu, devrait être soumis à la présence d’un puits de décompression, les pisciniers ont mis en exergue la difficulté que représente pour le professionnel la mise en application d’un devis conditionnel. Concrètement, le piscinier est confronté à un dilemme : soit il se protège en informant le client du fait que son devis va certainement évoluer selon l’état de son bassin existant, soit il privilégie la vente. Dans ce cas, il prend le risque de devoir réaliser à ses frais d’autres opérations pour respecter les prescriptions de mise en œuvre ou d’effectuer des opérations dont il n’est pas assuré de la pérennité.

Un débouché pour professionnels

Un domaine d’expertise

Le secteur de la rénovation représente un véritable potentiel en termes de clientèle captive pour les pisciniers. Les professionnels qui proposent des services de qualité et qui ont su fidéliser leurs clients au travers de prestations abouties ou d’un showroom attrayant bénéficient d’un solide vivier de rénovateurs en puissance. Le lien commercial durable devrait naturellement déboucher sur des projets de rénovation.

Étape incontournable dans la vie d’un bassin, la rénovation constitue également pour les pisciniers l’opportunité de récupérer une clientèle qui leur avait échappé lors de la construction. Malgré la présence d’acteurs qui affichent des tarifs agressifs, Max Delort considère ainsi que la rénovation est étroitement liée à la notion de compétence : « L’urgence est très souvent le point de départ d’une rénovation. Pour résoudre ses problèmes, le propriétaire est enclin à rechercher un professionnel réputé plutôt qu’un tarif avantageux. Même s’il faut être réactif pour réaliser le dépannage, on prend le temps de conseiller et de rassurer le client, pour lui apporter une solution le plus pérenne possible. »

Le parallèle a été fait avec l’automobile : lorsqu’une panne survient, tout l’enjeu est de trouver le bon interlocuteur, le professionnel le mieux à même de réparer l’engin. « Contrairement à la vente, où le professionnalisme n’est pas toujours requis, le nombre d’acteurs en capacité d’assurer correctement des travaux de rénovation est très limité », comme le note Jean-Michel Susini. « Lorsqu’il s’agit de répondre à un problème précis grâce à son savoir-faire, la concurrence est moindre. »

Alors que de nombreux intervenants du marché disparaissent faute de compétences, les particuliers sont susceptibles de solliciter des pisciniers expérimentés pour leurs travaux de rénovation. « La rénovation est un domaine d’application extrêmement complexe », reconnaît Clément Chapaton. « Seuls les véritables professionnels savent s’adapter aux spécificités d’un chantier pour apporter la solution idoine au client. L’industriel fournit les produits adaptés et le piscinier réalise les bonnes prestations. » La rénovation peut se révéler comme un faire-valoir du savoir-faire pour apporter une légitimité accrue au professionnalisme des acteurs. « Ce secteur ne peut en aucun cas être bénéfique aux opportunistes », conclut même Clément Chapaton.

Les enjeux de demain

« S’il est évident que les seuls acteurs légitimes sont effectivement les vrais professionnels, toute la question est de savoir si le client a conscience de ses besoins véritables », relève Patrick Negro. « Il y a actuellement un déficit information auprès du grand public. » C’est en structurant une offre commerciale dédiée que la filière parviendra dans le futur à ériger la rénovation comme incontournable dans l’esprit du consommateur. « Surtout, cela permettrait de limiter le risque de voir des acteurs extérieurs venir capter ce potentiel marchand », insiste le responsable de la communication et du marketing du groupe Nextpool.

Plus encore, le véritable défi est de provoquer l’envie chez le consommateur pour que la rénovation soit désirée, et pas seulement envisagée comme une nécessité. « Aujourd’hui, la rénovation d’une piscine c’est un peu comme le changement des pneus d’une voiture », illustre Olivier Roguet. « Le propriétaire attend que ça pète pour réagir. L’idéal serait de faire comme pour les cuisines où l’envie de changer naît avant le problème. » De ce point de vue, le changement de perception des consommateurs est à prendre en considération : la piscine n’est plus uniquement un lieu de baignade, c’est devenu un support à la convivialité et au confort. À partir de ce constat, il est possible d’être créateur d’envie, y compris sur des considérations d’ordre technique. « Les propriétaires sont enclins à entendre un discours de ce type, très matériel » suggère Philippe Trojan. « Il est donc possible de susciter leur envie en les intéressant à la plus-value que peuvent leur apporter certains équipements, certaines modifications de leur bassin. »

À l’heure où le lien entre le bassin et l’habitation est de plus en plus recherché, l’esthétisme de la piscine est devenu une considération primordiale. Aux États-Unis, les effets de mode génèrent par exemple un renouvellement fréquent des liners. « Sur ce marché, le liner est moins épais que chez nous », comme le fait remarquer Patrick Negro. « Plus accessible, sa vocation est clairement d’être changé régulièrement. Mais nous pourrions nous inspirer de ce positionnement marketing. » Le marché de la sécurité constitue également un fort potentiel. « La rénovation ne se traduit pas uniquement par du remplacement : cela peut être du rééquipement », précise Clément Chapaton qui appuie son analyse sur l’exemple de la sécurité. « Il y a un besoin réel de remplacer des équipements vieillissants, soit par de l’équivalent soit en allant sur des solutions plus haut-de-gamme. Typiquement, un dispositif d’alarme peut laisser place à une couverture automatique à l’occasion d’une rénovation. Et puis, il ne faut surtout pas oublier qu’il reste encore plusieurs centaines de milliers de bassins qui ne sont pas équipés d’un système de sécurité normalisé. »

En guise de conclusion, deux leviers exogènes ont été évoqués pour booster le marché de la rénovation : la baisse de la TVA et les solutions de financement, à l’instar de ce qui se pratique dans le bâtiment. « Pour l’instant, la piscine est trop assimilée au luxe pour envisager une baisse de la TVA », regrette Jean-Michel Susini. « Il faudrait que la rénovation du bassin soit clairement assimilée à une amélioration sur le plan environnemental pour espérer en bénéficier un jour. » Par contre, les plans de financement trouvent naturellement leur place dans l’univers de la piscine aux yeux de Patrick Negro : « Les solutions de financement sont un axe de développement. Pour le piscinier, il peut être opportun d’axer parfois son argumentaire commercial sur la thématique du coût mensuel. » Pour l’instant, les organismes financeurs ne sont pas présents sur le marché de la rénovation piscine. « Ce sera un bon indicateur : quand ils percevront le potentiel, ils proposeront des solutions dédiées. » Dans ce cas, le marché de la rénovation aura bel et bien décollé.

Le devis conditionnel : quelques points de repères

Parmi les critères auxquels l’application du devis devrait être soumise, certains sont incontournables : fonctionnement du système de filtration, état des canalisations, des pièces à sceller et de la structure, tenue des margelles ou encore présence d’un puits de décompression et d’un dispositif de sécurité. Pour Max Delort, « la variable la plus difficile à appréhender demeure l’évolution du sol. Il peut y avoir des infiltrations voire même l’apparition de nappes d’eau ». À noter que sur son Intranet, la FPP met à disposition de ses adhérents un devis conditionnel type.

Le piscinier bénéficie d’un laps de temps, stipulé dans le devis, pour mener son travail d’investigation. Passé ce délai, les clauses suspensives fixées dans le devis conditionnel ne sauraient être reconnues comme telles.

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