Quel impact sur le marché de la piscine ?
Ces trois dernières années, deux grands courants secouent le marché de la piscine, une déferlante de concentrations et une vague de nouveaux acteurs à caractère technologique : les start-ups.
Issues d’autres secteurs économiques, ces jeunes entreprises développent de nouvelles approches du marché, répondent à de nouveaux besoins en s’appuyant sur les nouvelles technologies.
Présentent-elles un risque pour le marché et ses entreprises ou offrent-elles de réelles opportunités tant pour les clients et les pisciniers que pour les fabricants ? Est-il possible pour un piscinier de s’en inspirer pour insuffler un esprit start-up dans son entreprise et mieux développer son activité ?
De plus en plus de start-ups
Avec l’arrivée des start-ups, un vent nouveau semble souffler sur le marché de la piscine. Pour la première fois de son histoire, l’innovation ne vient plus seulement du secteur mais aussi de l’extérieur, portée par des entrepreneurs issus d’univers complètement différents.
Il suffit de se promener dans les salons spécialisés en France et à l’étranger pour se rendre compte de l’importance du phénomène. Ce fut le cas, par exemple, du salon Piscina & Wellness de Barcelone, où l’on pouvait découvrir un village regroupant 11 start-ups aux solutions et services innovants, pour les piscines tant privées que collectives.
Même chose au CES de Las Vegas, où au moins 5 start-ups françaises étaient présentes (dont Asamgo, Ondilo et Riiot Labs). Deux d’entre elles ont d’ailleurs été récompensées par un prix de l’innovation. Sur les plateformes de financement participatif (Kickstarter, Wiseed, etc.), de nombreux projets et idées recherchent partenaires et investisseurs.
Qu’est-ce qu’une start-up ?
D’après le Larousse, une start-up est une « Jeune entreprise innovante dans le secteur des nouvelles technologies ». Mais cette définition s’avère largement insuffisante.
Pour être une start-up, une entreprise doit remplir 3 conditions essentielles :
- perspective d’une forte croissance ;
- usage d’une nouvelle technologie ;
- besoin d’un financement massif.
Un contexte particulièrement favorable…
La piscine intéresse, c’est un fait. Les raisons en sont multiples.
- Un marché avec un potentiel de développement rapide et international, grâce à un parc de piscines dépassant largement les 15 millions de bassins.
- Des clients aux nouveaux usages, désormais habitués aux services connectés, en attente de solutions simplifiant et facilitant l’utilisation et l’entretien de leur piscine.
- Des technologies ouvertes et connectées : développer des produits et services connectés est à la portée de tout entrepreneur grâce à l’interopérabilité des réseaux, au prototypage rapide, à la standardisation des outils et langages de développement, aux possibilités d’association avec des équipes de recherche publiques ou privées…
- De nouveaux modèles économiques : économie de la performance (cf. “De la vente d’une piscine à la vente d’une performance d’usage” – L’Activité Piscine n°107), économie de l’abonnement (abonnement à un service de maintenance), économie collaborative (plateforme de location de piscine entre particuliers)… Les start-ups n’hésitent pas à essayer de nouveaux business models.
- Des facilités de financement : incubateurs, investisseurs publics et privés, plateformes de financement collaboratif (crowdfunding)… Il en existe une pléthore aujourd’hui, prêtes à apporter leur soutien à ces nouveaux acteurs du marché.
Une nouvelle approche du couple produit/service
L’approche de ces entrepreneurs s’oppose à celle des acteurs traditionnels. Elle n’est plus axée sur le produit et sur les besoins qu’il peut satisfaire mais sur les attentes à combler et l’usage. Il n’est donc pas surprenant que la plupart d’entre eux soient avant tout des utilisateurs de piscine comme Annick Le Bihan (Asamgo), responsable de projet dans le secteur bancaire, qui « avait beaucoup de frustration à devoir utiliser des languettes d’analyse » et qui « voulait pouvoir savoir depuis chez elle si elle pouvait se baigner ou non » ou Nicolas Fiorini (Ondilo), originaire du monde des télécoms et du logiciel, qui souhaitait « simplifier la gestion et la vie de l’utilisateur qu’il était » en partant du principe « que chaque piscine était un peu différente ».
Autre cas de figure, celui de Benjamin Stevens (Blue Riiots, racheté en 2017 par Fluidra), issu du monde de l’informatique, qui a détecté une opportunité à saisir sur le marché, en contactant des propriétaires de piscine qui ont invalidé sa première idée, mais lui ont permis d’identifier un besoin dans l’analyse de l’eau.
Un nouveau modèle de développement économique
Autre différence majeure avec les entreprises classiques : leur stratégie de développement.
Là où un fabricant doit développer ses marges, augmenter ses parts de marché, élargir sa clientèle, améliorer son image, une start-up doit avant tout se faire connaître, trouver ses premiers clients, les fidéliser et définir un modèle économique viable.
Les start-ups ont tout à gagner et n’ont rien à perdre. Leur stratégie s’appuie sur l’innovation et elles mettent tout en œuvre pour accéder rapidement à un marché. Quid de leur modèle ? Il se dessine et s’affine au fur et à mesure qu’elles se confrontent au marché (utilisateurs, distributeurs et concurrents). Et elles n’hésitent pas à modifier les équilibres concurrentiels.
Une autre vision de l’innovation
De l’innovation technologique à l’innovation de rupture
Leur conception de l’innovation oppose aussi start-ups et entreprises traditionnelles.
Là où ces dernières proposent une innovation technologique ou incrémentale visant à améliorer leurs produits, leurs procédés, leur organisation, les start-ups travaillent sur des innovations de rupture combinant nouvelles technologies, nouveaux usages et nouveaux comportements. Elles vont développer de nouvelles sortes de produits et services, et par là même… modifier les règles du marché.
Leur objectif dans l’innovation ? Créer des alternatives à partir de l’analyse des besoins latents et non formulés des clients. Des besoins que se proposent de satisfaire les différentes start-ups contactées. C’est le cas d’Asamgo avec Ofi, sa boule flottante lumineuse remplie de capteurs « qui s’adresse aux particuliers qui ne comprennent rien à l’analyse de l’eau, avec un produit décoratif et simple d’usage », explique Annick Le Bihan. Même leitmotiv du côté d’Ondilo et de Blue Riiots avec leurs flotteurs connectés. « Avec Ico, on vient avec un produit nouveau, une nouvelle façon de regarder l’analyse et l’évolution de l’eau, selon une approche assez globale qui permet à l’utilisateur de s’y retrouver facilement », indique Nicolas Fiorini. Quant à Benjamin Stevens, il insiste sur le fait que « Blue Connect n’est pas qu’un produit. C’est aussiun produit autour duquel on va connecter des produits et ajouter de nouveaux services pour que la piscine soit en phase avec de nouvelles habitudes de consommation et de contact avec son piscinier ».
Le cas de NextPool est une parfaite illustration. En effet, pour développer le No Stress, son système de sécurité connecté, le groupe a dû initier sa transformation digitale et fonctionner en mode start-up. Il a donc été décidé de créer une entité indépendante, NextPool Développement, de recruter 2 ingénieurs et de lever des fonds.Grâce à elle, NextPool a pu maîtriser l’ensemble du développement du produit, de sa conception à sa production, tant sur son intelligence, sa connectivité, sa fabrication que sur l’assemblage de ses différents éléments. Cela a nécessité une forte collaboration avec l’ensemble des services du groupe (achat, production, distribution…). Car pour Patrick Negro, « esprit start-up veut dire fonctionnement en réseau au sein du groupe avec un circuit de décision court (un seul pilote), l’intégration de nouveaux outils collaboratifs pour gérer le planning, les échanges et la répartition des tâches sur tous les aspects du projet et aussi une grande flexibilité. »
Il ajoute : « On peut être un grand groupe tout en ayant un service fonctionnant en mode start-up. Cette expérience nous a permis d’embrayer avec d’autres développements. Elle nous a fait franchir un pas significatif dans la commercialisation de nos produits et la transformation digitale du groupe. Nous sommes aussi montés d’un cran dans la maîtrise des aspects techniques et des outils digitaux. »
NextPool a dû relever un autre défi : « No Stress est le 1er produit créé pour être vendu directement aux particuliers via la vente en ligne et les canaux traditionnels mais avec une complète maîtrise de la politique tarifaire. Il nous a fallu rassurer le marché et nous rassurer aussi nous-mêmes. Nous n’avons jamais été aussi loin dans l’accompagnement des usagers : production de contenus vidéo, mise en place d’une hotline et d’un chat spécifiques pour répondre en live aux questions des internautes et création d’un outil de mesure des avis des premiers clients qui nous a permis d’améliorer le produit et de développer la version 1bis. »
Et de conclure : « Notre volonté est l’intégration, une bonne fois pour toutes, des objets connectés dans l’ensemble de nos familles de produits. Et le No Stress est le point de départ de cette stratégie. »
De la difficulté d’innover pour les entreprises traditionnelles
Ce n’est pas faute d’essayer mais l’innovation de rupture est difficile à développer pour les entreprises déjà bien établies. Elles sont confrontées à un lourd dilemme : comment concilier le fait de conserver des produits et un modèle économique qui leur ont permis de générer leur chiffre d’affaires jusqu’à présent tout en lançant des produits novateurs et en développant une activité qui n’existe pas encore mais qui sera probablement leur source de chiffre d’affaires de demain ? Sont-elles prêtes à accepter cette prise de risque et à perdre de l’argent ? D’autant plus que plus le produit à inventer est éloigné des produits habituels de l’entreprise, plus l’entreprise a besoin de nouvelles compétences et ressources (vente en ligne, livraison à domicile…).
Certaines entreprises parmi les plus innovantes y parviennent en trouvant un équilibre entre la production d’idées nouvelles et l’exploitation des idées passées qui ont fait leur preuve et qu’elles améliorent en permanence.
Un risque pour les entreprises traditionnelles ?
Non, bien au contraire. L’arrivée de ces start-ups ouvre même de nouvelles perspectives de développement. Nouvelles idées, nouvelles compétences, nouvelles synergies, nouvelle vision du marché, nouveau modèle économique, autant de qualités qui peuvent intéresser tant les grands groupes que les PME. Car ces start-ups sont fragiles. Pour réussir sur un marché aussi spécifique que celui de la piscine, ces entreprises doivent s’appuyer sur une bonne connaissance du client et une expérience du marché. Pour accélérer la commercialisation de son produit, Ondilo a opté pour un partenariat de distribution avec SCP qui dispose d’une « grosse culture dans les réseaux professionnels ».
Blue Riiots, pour sa part, s’est heurté au problème de l’expansion internationale et à la nécessité de s’adapter aux réglementations et aux spécificités de chaque marché. Un sérieux frein à son développement levé par l’intégration au groupe Fluidra, « une entreprise internationale bien implantée en Amérique du Sud, en Australie, et avec le rachat de Zodiac, aux États-Unis. »
Est-il possible d’insuffler un esprit start-up dans votre entreprise ?
Oui, à condition que vous soyez prêt à faire évoluer votre organisation et à modifier votre mode de fonctionnement. Car l’esprit start-up nécessite la transformation digitale de votre entreprise pour une amélioration permanente de vos process de travail. C’est un « facteur primordial d’efficacité opérationnelle, une source de croissance et de rentabilité ».
Elle implique :
- de développer une culture de l’innovation : permettre à tous vos collaborateurs de créer de la valeur en les impliquant, par exemple, dans l’amélioration de vos process (organisation des chantiers, gestion des déchets, des stocks, etc.) ;
- de rendre l’entreprise plus réactive, plus “agile” en écrasant votre organigramme et en facilitant la coopération et la collaboration entre les personnes et les services ;
- de renforcer l’esprit d’équipe en offrant des services partagés (comme dans les start-ups : espace détente, accès à une salle de sport, coin cuisine) et par la transparence ;
- d’intéresser vos salariés aux résultats.
Texte : Sébastien Carensac