Même si ces dernières années, les délais de paiement diminuent, ils demeurent encore nombreux. A la clé des difficultés de trésorerie récurrentes. Pour tenter d’enrayer cette spirale, il convient tout autant de travailler sur la facturation que sur les encaissements.
Auteur: Françoise Sigot
Une étude publiée en début d’année par Altares montre que les retards de paiement ont reculé à 11,3 jours en France au quatrième trimestre 2016. Un niveau inédit. « Jamais les retards de paiement n’ont été aussi faibles en France », constate Thierry Millon, directeur des études chez Altares. De quoi pousser un ouf de soulagement, mais si l’on regarde cette étude de plus près, les très petites entreprises et les indépendants sont toujours ceux qui pâtissent le plus de ces retards de paiement. Ainsi, les TPE de moins de trois salariés voient en moyenne leurs factures réglées avec 11,6 jours de retard contre 14,4 pour celles de plus de 250 salariés. Au-delà des constats chiffrés, restent les conséquences : quand l’argent tarde à rentrer les problèmes s’accumulent. Pour parvenir à inverser cette tendance pernicieuse, il faut d’abord travailler sur la facturation. La première règle à adopter est la rapidité. En effet, plus l’on facture rapidement plus l’argent rentre vite. Le travail bien fait est aussi un bon allié pour obtenir un paiement rapide. Enfin, il faut adresser à ses clients des factures rédigées dans les règles. Certes ces mécanismes ne sont pas infaillibles lorsqu’on se retrouve face à un client/débiteur insolvable, mais ils permettent de limiter les dégâts et ainsi d’espérer voir un éventuel litige se régler plus vite. Ils sont aussi une garantie contre les sanctions que peut prononcer l’administration fiscale.
LA LIBERTE EST DE MISE POUR LES DELAIS DE PAIEMENT
Paradoxalement, alors que les règles sont à suivre à la lettre, celles-ci sont plutôt élastiques dans leur formulation. Sauf pour quelques mentions administratives obligatoires comme le nom de l’entre-prise, son adresse, son numéro unique d’identification (SIRET), la mention RCS suivie du nom de la ville où elle a été immatriculée, sa forme (SA, SARL…), le numéro de TVA intracommunataire, le nom et l’adresse du client et le numéro de la facture. En revanche, côté délais de paiement, on peut s’adapter ! « Le délai légal pour régler une facture est de 60 jours maximum, mais chaque émetteur d’une facture est libre de fixer le délai qui lui convient sans dépasser ces 60 jours », résume Jérémy Renchy, expert-comptable au sein du cabinet Carré RG.
En pratique, on ne laissera jamais plus de 60 jours à ses clients pour régler leur facture, mais on peut tout à fait exiger un paiement immédiat. Un scénario classique pour l’achat de consommables par exemple, en revanche plutôt rare lorsqu’il s’agit de gros travaux liés à l’installation ou à la réparation d’une piscine, ou la coutume veut que l’on laisse un délai de paiement à ses clients. Parfois, ce délai est assorti de conditions de règlement plutôt favorables au client, comme un étalement des paiements. Ce geste commercial très apprécié doit s’accompagner de précautions.
« Même si l’on s’accorde sur un paiement en plusieurs fois, il est conseillé de récupérer un ou plusieurs titres de paiement dès le premier versement. C’est-à-dire qu’il faut exiger que le client vous remette plusieurs chèques avec des dates d’encaissement différé ou proposer un paiement par carte bleue avec un débit différé », estime l’expert-comptable. Le fractionnement des règlements sous forme d’acomptes très utilisés dans le secteur de la piscine doit lui aussi s’accompagner d’une facture dite d’acompte. Celle-ci comportera comme pour une facture classique, les mentions administratives relatives à l’identité de l’entreprise, la description des travaux correspondant à cet appel de fonds et elle précisera le délai de paiement laissé au client pour régler son acompte.
60 jours reste le seuil maximal, mais pour un acompte il est d’usage de laisser un temps moins long afin de s’assurer de la solvabilité du client et de disposer des fonds nécessaires pour pouvoir poursuivre les travaux.
NE PAS OUBLIER DE MENTIONS SUR LES FACTURES
Quelque soit la formule retenue pour le paiement, la rédaction des facture doit être des plus précises sur ce délai et sur bien d’autres “mentions” sous peine d’avoir de mauvaises surprises. Si l’on exige un paiement immédiat, la facture doit donc comporter la mention “paiement comptant” si elle est remise en main propre au client ou “règlement à réception” si elle lui est adressée par courrier.
Cela suppose donc que la date d‘émission figure sur la facture. Et si l’on accorde un délai, celui-ci doit également être mentionné et ne peut pas excéder 60 jours. On peut retrouver alors des formules du type “30 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture”, mais ces mentions peuvent manquer de précision, c’est pourquoi mieux vaut être plus clair. « La date de paiement doit être formulée en indiquant le quantième du mois, le mois et l’année auxquels le paiement doit être réalisé, par exemple 30 avril 2017 », précise Jérémy Renchy. Outre le délai, le code du commerce prévoit également d’autres obligations. La date, le montant, la dénomination des travaux réalisés ou des produits sont indispensables. Au même titre que d’autres formulations qui souvent sont oubliées…
« Si la facture est destinée à un particulier, elle doit comporter la mention du taux d’intérêt applicable en cas de retard de paiement. Ce taux est laissé à l’appréciation de l’émetteur de la facture mais il ne peut inférieur à 3 fois le taux d’intérêt légal. Le plus judicieux est d’indiquer un taux fixe, en général 12%. Si la facture est destinée à un professionnel, elle doit préciser que des frais de recouvrement de 40 euros sont applicables en cas de retard de paiement et le taux d’intérêt qui sera mis en œuvre si le délai de règlement est dépassé », précise l’expert -comptable. Et il vaut mieux être scrupuleux, car les conséquences peuvent être lourdes en cas d’oubli. « Si ces mentions légales ne figurent pas sur la facture, en cas de contrôle fiscal, l’administration est en droit de vous infliger une amende de 15 euros par mention manquante… multipliés par le nombre de factures incorrectes », ajoute Jérémy Renchy. Rapportée au nombre de factures émises chaque mois, la sanction peut très vite prendre des allures de véritable punition. Ce sera alors la trésorerie de l’entreprise qui en pâtira.
S’exposer à ne pas voir ses factures honorées revient aussi à prendre le risque de se transformer en mauvais payeur. Car bien évidemment, celui qui adresse une facture en reçoit également. Et sans trésorerie, il est difficile de régler ses créanciers à temps, or là aussi les règles sont strictes et les sanctions plus encore puisque payer en retard revient à s’exposer à des sanctions financières. Ainsi, pour les dettes dites administratives, l’usage est en général de régler de façon mensuelle. En cas de retard, des pénalités de 10% sont exigibles sur le champ. URSSAF, retraite, prévoyance sont quant à eux le plus souvent payés au trimestre dans les entreprises de moins de 10 personnes, et au mois pour les plus grandes structures. Là encore, tout retard coute cher et il est compliqué de négocier des délais plus importants. Enfin, vos fournisseurs fixeront leurs règles, mais vous aurez tout au plus 60 jours pour honorer vos dettes.
TENTER D’EVITER LES PROCEDURES DE RECOUVREMENT
Cela étant, même en prenant toutes les précautions nécessaires, il arrive que l’argent ne rentre pas… Débute alors le long et souvent très couteux cheminement du recouvrement. Comme pour la facturation, il convient de respecter en amont quelques règles pour limiter au maximum les conséquences d’une telle procédure. D’abord, facturer rapidement et correctement, ensuite se doter d’outils de suivi des paiements, et relancer presque tout aussi vite que l’on a facturé. Pour suivre les encaissements, un simple tableau de bord rédigé sous un tabler fera l’affaire, à condition de bien penser à la renseigner chaque fois qu’un paiement arrive. Avec n tel tableau de bord, il est facile de repérer les mauvais payeurs et de donc de relancer. En la matière, la patience et la pédagogie sont plus efficaces que la colère et la précipitation. On commencera donc par des appeler son client, peut être lui proposer un étalement de sa dette, ensuite lui réclamer le paiement par courrier recommandé puis par une injonction de paiement et s’il le faut, on ira jusqu’à saisir un huissier ou un spécialiste du recouvrement de créances. Cette dernière solution peut être onéreuse, donc il faudra au préalable bien étudier les conditions proposées par les prestataires. En revanche, les frais d’huissier sont à la charge du débiteur et le traitement de ces démarches est désormais simplifié grâce à une plate-forme créée par les huissiers de justice et experts-comptables pour faciliter les recouvrements amiables des créances des entreprises. Baptisé Héraclès, cet outil facilite l’échange d’informations et de documents entre les deux professions. Il permet ainsi à un expert-comptable mandaté par son client de déclencher une procédure de recouvrement amiable des factures impayées en prenant attache avec un huissier de justice via cette plate-forme. Chacune de ces étapes doit être conduite de façon scrupuleuse, car au final toute facture impayée fait peser le risque de ne pas avoir suffisamment de trésorerie pour honorer ses propres dettes et d’entrer alors dans une spirale infernale qui peut rapidement se transformer en difficultés de trésorerie et parfois mener jusqu’à la cessation de paiement.
On l’oublie parfois, mais lorsqu’il est de mise, le devis est le point de départ de la facture. Cette dernière ne pourra donc pas modifier les éléments du devis. Or parfois, c’est en rédigeant la facture que l’on s’aperçoit que l’on aurait du être bien plus exigeant et bien plus précis sur le devis. Mais il est trop tard et si le devis est imprécis, la facture le sera également et les encaissements risquent de l’être aussi. Outre une description précise des travaux à effectuer, d’un point de vue comptable, ce document doit indiquer ce qui est inclus ou non dans le prix annoncé (frais techniques, droits), mais également que les prix annoncés en H.T. Enfin, le devis doit bien sûr mentionner le délai de règlement. A ce stade, pas besoin d’adopter une rédaction sous forme du quantième du mois, du mois et de l’année, des formules comme comptant à réception, 30 jours, 30 jours fin de mois le 10, 60 jours… suffiront. Veillez bien à faire signer le devis par le client, car sans signature les éléments indiqués n’ont aucune valeur et le client pourra ensuite facilement contester la facture. Par ailleurs, si vous adressez un bon de commande suite au devis, il est important de bien vérifier que les termes du bon de commande sont identiques à ceux du devis.