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Enquête : Ça chauffe sur les matières premières et les composants

par cdalgobbo

Plastique, métal, verre, bois, composants électroniques… mais que se passe-t-il dans notre monde pourtant si organisé ? Pénuries et hausses de prix impactent tous les secteurs d’activité, de l’automobile aux ordinateurs en passant par le bâtiment et… la piscine. Mais quelles en sont les raisons ? Pourquoi est-il devenu si difficile de trouver un skimmer ou un rouleau de membrane ? Décryptage.

Un « stop-and-go » mondial en 2020…

Il y a un an, « il aura suffi d’appuyer sur un simple bouton pour arrêter l’économie mondiale ». La pandémie de covid et les confinements ont engendré des stop-and-go successifs (arrêts et reprises) de certaines industries. L’organisation et le fonctionnement des entreprises a été perturbé par l’obligation du travail à distance, les cas contact, les gestes barrières… dans le monde entier.
La demande s’est effondrée, particulièrement sur les produits pétroliers avec l’arrêt du transport aérien ou le travail à domicile. Les fournisseurs se sont retrouvés avec des stocks sur les bras. Face aux incertitudes sanitaires, politiques et économiques, ils ont fait le choix de réduire voire d’arrêter leur production, le temps de vendre leurs stocks. Certains ont dû trouver de nouveaux débouchés pour leurs produits (masques en polypropylène et parois en polycarbonate, par exemple).
Mais avec le redémarrage soudain de l’activité à la fin du 1er confinement et le rattrapage de la demande au second trimestre, les stocks ont vite été épuisés et la situation s’est compliquée très rapidement. Cela a provoqué une pénurie de matières premières qui a entraîné des ruptures d’approvisionnement avec des retards de livraison, des retards qui se sont accumulés tout au long de la chaîne industrielle et logistique, et des hausses de prix sur le coût des matières et du transport… dans tous les secteurs économiques.

Comment gérer la situation avec les clients ?

Les mots-clés sont anticipation et communication :
– Ne pas hésiter à proposer des solutions alternatives au client, ce sera l’occasion de les essayer ;
Communiquer régulièrement avec vos fournisseurs et vos clients ;
– Ne pas préjuger de votre capacité à réaliser des projets et rester raisonnable dans la transformation des clients ;
Devancer les hausses de prix des produits en augmentant raisonnablement vos prix pour la prochaine saison ;
Anticiper vos commandes pour la prochaine saison pour laisser aux fabricants le temps de vous les livrer.

Les filières se sont retrouvées désorganisées et peinent encore à reconstituer leurs stocks. Le système de production mondial s’est habitué à travailler en flux tendu en limitant au maximum les stocks. Résultat, les retards d’approvisionnement cumulés ont logiquement perturbé le fonctionnement des entreprises. A cause de ces difficultés et face au prix toujours plus élevé des matières premières, certaines entreprises ont continué à produire mais ont dû absorber une partie du surcoût d’achat des matières sur leur marge. D’autres ont préféré arrêter leurs usines pendant une ou plusieurs périodes afin d’éviter de produire à perte. Et une usine qui s’arrête, ne redémarre pas en appuyant sur un simple bouton.
Quant aux flux logistiques, ils ont été également fortement impactés par le ralentissement des échanges entre les continents. Le coût du fret maritime a explosé. Les containers ont été, bien souvent, détournés vers le Pacifique. Il est difficile aujourd’hui de trouver un container à un prix raisonnable. Leur prix s’est envolé et a été multiplié par 3 (voire 6 selon certaines sources), venant renchérir le prix de tous les produits.
Ajoutez à cela des évènements climatiques exceptionnels, comme une vague de froid dans le Golfe du Mexique, une période de sécheresse à Taïwan, des accidents comme le blocage du Canal de Suez par un porte-container pendant trois jours ou l’incendie d’une usine de semi-conducteurs au Japon, et c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui est touchée. 

Une demande exceptionnelle en 2020 et 2021

La forte reprise économique au second trimestre et le rebond de la demande asiatique ont créé un déséquilibre. La Chine a enregistré au premier trimestre 2021 une croissance de son PIB de 18,3 %, la plus forte augmentation enregistrée depuis 1993. Contrairement à la majorité des pays du globe, elle n’a pas arrêté de produire pendant la crise et avec la montée en équipement de sa population, sa demande intérieure a explosé. Et, pour satisfaire son marché, elle n’exporte plus de matières premières comme auparavant vers l’Europe. Quant à celles qui lui manquent, elle est prête à les payer très cher aux fabricants européens, alimentant ainsi l’inflation sur le prix des matières et augmentant la rareté de celles disponibles.

Une Europe particulièrement impactée

L’Europe se rend compte qu’elle n’est plus une zone prioritaire. Depuis plusieurs mois, les fournisseurs de matières premières n’hésitent pas à opposer des cas de force majeure pour expliquer les retards et les pénuries. Les délais de livraison s’allongent mais sans garantie d’être livré.
Certains fournisseurs ont aussi profité de la situation pour générer une pénurie européenne et de rééquilibrer les prix des matières, l’Europe achetant des matières comme le plastique à des prix bien inférieurs à ceux payés par les Etats-Unis ou la Chine.
Alors que beaucoup de secteurs étaient en pleine relance, ces pénuries et hausses ont entraîné un ralentissement de la production dans plusieurs secteurs comme celui de l’emballage. On parle aujourd’hui de la plus grave pénurie de matières premières de ces dernières décennies et de hausses de prix historiques.

Conséquences : des pénuries et des hausses de prix jamais vues sur les matières premières

1. Un prix du plastique qui s’envole

Le prix des monomères et polymères, nécessaires à beaucoup de secteurs pour la fabrication de PVC ou d’acrylique par exemple, s’est envolé. En cause, une raréfaction des plastiques et dérivés du pétrole. Les raffineurs se sont retrouvés avec des stocks importants et ont ralenti leur production le temps de les écouler. Une fois les usines arrêtées, il a fallu du temps pour les relancer afin de satisfaire le retour de la demande.

Pour compléter cette enquête, L’activité Piscine a donné la parole à différentes entreprises du secteur, PME comme grands groupes industriels, fabricants et réseaux.

Ce problème, directement lié à la pandémie du covid, a été aggravé par une exceptionnelle vague de froid qui a touché le golfe du Mexique et particulièrement le Texas où se trouvent l’un des plus gros complexes pétrochimique au monde, entraînant des ruptures d’alimentation en eau et électricité, des éléments indispensables à son fonctionnement et perturbé les chaines d’approvisionnement mondiales. Il faudra des mois avant que les usines retrouvent leur pleine capacité de production de matières essentielles, pour beaucoup d’industriels, comme le polyéthylène, le polypropylène, le polyvinyle… C’est aussi le principal fabricant de plastifiant, un composé indispensable pour les tuyaux souples. Les prix de ces matières et d’autres composés plastiques ont atteint un niveau record. Celui du PVC a doublé depuis l’été 2020. Conséquence : des arrêts de production dans de nombreux secteurs comme l’industrie automobile ou le bâtiment et des difficultés d’approvisionnement. Les peintures, les isolants, les colles mais aussi les tuyaux en PVC et emballages en plastique souple commencent à manquer avec à la clé des hausses de prix sur tous ces produits indispensables dans notre quotidien.

2. Des métaux qui se font rares

Comme pour le plastique, avec la crise sanitaire, la demande en acier s’est écroulée l’an passé. Une dizaine de haut-fourneaux ont été arrêtés, qui représentent près de 50% de la production européenne. On est passé d’une situation de surcapacité à une sous-capacité. Les délais de redémarrage des haut-fourneaux étant de plusieurs semaines, il n’a pas été possible de rattraper le brusque redémarrage de la demande l’été dernier. Jusqu’à présent, ces industries avaient l’habitude de réguler l’offre et la demande en important une part de leurs produits d’Asie. Mais, cette fois-ci, le prix des métaux, combiné à la baisse des quantités disponibles et au coût du fret maritime, ne leur a pas permis de se fournir à l’étranger pour alimenter le marché. Il faudra probablement des mois avant que l’industrie sidérurgique européenne ne retrouve un niveau de production normal et qu’elle reconstitue ses stocks d’acier et d’aluminium.
Résultat, depuis novembre, les délais d’approvisionnement s’allongent et les prix s’envolent avec des hausses de 10 à 40% selon les métaux. Acier, aluminium, fil de cuivre, bronze et laiton en lingot, tôles et bobines galvanisées, nickel, etc., tous sont concernés. 

3. Des composants électroniques insuffisants

Le confinement et le télétravail ont fait exploser la demande de composants pour les ordinateurs notamment. Le secteur connait aussi une très forte demande de marchés comme l’électronique, la téléphonie et l’automobile. Des marchés qui luttent pour se fournir. La téléphonie consomme à elle seule 30% de la production mondiale de semi-conducteurs. L’automobile 10%.
L’incendie d’une importante usine de puces en mars au Japon a également freiné la production mondiale. Et la sécheresse qui touche Taiwan, risque de mettre ses usines au ralenti, la production de ces composants à base de silicium nécessitant de très grandes quantités d’eau. Un ralentissement qui serait dramatique sachant que 50% des composants sont fabriqués dans l’état insulaire. L’Europe est particulièrement dépendante en matière de composants et souhaite aujourd’hui réduire sa dépendance à l’Asie (Corée du Sud et Taïwan) et à l’Amérique du Nord (USA) en produisant deux fois plus de composants d’ici 2030 et représenter 20% du marché mondial.

4. Du bois canadien à la place du bois européen

La décision du président américain Donald Trump d’arrêter de commercer avec le Canada a obligé les entreprises américaines à se fournir en Europe. Le bois européen, traverse donc l’Atlantique, obligeant l’Europe à se fournir au Canada pour alimenter son marché intérieur, très demandeur de bois pour l’amélioration des maisons.
Résultat, des délais de livraison multipliés par 10 et des hausses de prix de 10 à 30% selon les produits et tout particulièrement pour les semi-transformés comme le contreplaqué.

LAP : Est-il possible pour un piscinier de réviser le contrat conclu avec son client pour répercuter une hausse de tarifs imprévue ?

Jean-Michel SUSINI – Responsable juridique de la FPP

« En matière de marché privé, la règle (cf. art 1591 du Code civil) est de conclure moyennant un prix fixe et définitif, déterminé contractuellement entre les parties. Ce qui suppose que la prestation prévue doit être réalisée aux prix et dans les délais convenus.C’est le cas de la plupart des marchés privés de construction, qui sont signés à prix ferme, non actualisables ni révisables. Une telle pratique suppose de déterminer le prix en tenant compte de l’incidence des aléas économiques, c’est-à-dire des fluctuations (généralement minimes) susceptibles d’affecter le coût de la prestation (coût des matériaux, taux de change…), entre la date de conclusion du marché et le démarrage des travaux.
Dans certains cas, spécialement pour les contrats qui s’échelonnent dans le temps (ex. contrats cadres…), ces fluctuations peuvent affecter significativement le coût de la prestation, en raison de la durée écoulée entre le moment où le prix a été établi et la fin de l’exécution de la prestation.
Dans ces conditions, il existe un moyen d’anticiper ce phénomène lors de la conclusion du contrat, en complétant l’indication du prix initial par une clause d’indexation dont l’objet est de tenir compte des évolutions économiques qui pourraient impacter le prix initial, pendant la durée d’exécution du contrat.
En pratique, il s’agit de prévoir, contractuellement, la révision du prix initial, en fonction de l’évolution d’un indice qui sera choisi pour être le plus représentatif possible de l’objet du contrat (L112-2 du Code monétaire et financier). S’agissant de la réalisation d’un ouvrage de construction, l’indice national du bâtiment BT01 est couramment utilisé pour la révision des prix (l’évolution de l’indice BT01 est publiée mensuellement). Il est également possible de se référer à l’indice du coût de la construction ICC.
Mais ce n’est pas forcément la bonne solution… »

Sébastien Carensac

Sources :

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